Les Voiles, Lamartine : analyse linéaire

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Voici un commentaire linéaire du poème « Les Voiles » de Lamartine.

Les Voiles, Lamartine, introduction

En 1820, paraissent les Méditations poétiques d’Alphonse de Lamartine, œuvre qui a marqué le mouvement littéraire du romantisme.

Le poème « Les voiles », composé de 5 quatrains d’alexandrins en rimes croisées, a été écrit par Lamartine en 1844, alors qu’il se trouvait sur une île de la Méditerranée, mais a été publié de façon posthume, 4 ans après la mort de Lamartine en 1869.

À l’instar de Baudelaire qui enjoindra l’Homme libre à chérir la mer dans « L’Homme et la mer » des Fleurs du Mal, Lamartine place la mer au cœur de l’expression lyrique. Il propose au lecteur un véritable voyage maritime.

Poème étudié

Les Voiles

Quand j’étais jeune et fier et que j’ouvrais mes ailes,
Les ailes de mon âme à tous les vents des mers,
Les voiles emportaient ma pensée avec elles,
Et mes rêves flottaient sur tous les flots amers.

Je voyais dans ce vague où l’horizon se noie
Surgir tout verdoyants de pampre et de jasmin
Des continents de vie et des îles de joie
Où la gloire et l’amour m’appelaient de la main.

J’enviais chaque nef qui blanchissait l’écume,
Heureuse d’aspirer au rivage inconnu,
Et maintenant, assis au bord du cap qui fume,
J’ai traversé ces flots et j’en suis revenu.

Et j’aime encor ces mers autrefois tant aimées,
Non plus comme le champ de mes rêves chéris,
Mais comme un champ de mort où mes ailes semées
De moi-même partout me montrent les débris.

Cet écueil me brisa, ce bord surgit funeste,
Ma fortune sombra dans ce calme trompeur ;
La foudre ici sur moi tomba de l’arc céleste
Et chacun de ces flots roule un peu de mon coeur.

Les Voiles, Lamartine.


Problématique

En quoi Lamartine fait-il de la mer un lieu d’expression complexe de ses sentiments ?

Plan linéaire

Nous montrerons dans cette analyse comment la progression de chaque strophe permet de suivre l’évolution de l’expression lyrique.

I – Une jeunesse en symbiose avec la Nature

Strophe 1

Le poème s’ouvre sur l’évocation de sensations de jeunesse que le Poète narre a posteriori : la conjonction de subordination « quand » et l’imparfait ancre ces souvenirs dans un passé sans limite.

Les deux adjectifs coordonnés « jeune et fier » dressent un portrait rapide du jeune poète. L’utilisation de l’adjectif qualificatif « fier » connote déjà un jugement postérieur porté sur sa jeunesse.

La métaphore « j’ouvrais mes ailes » puis la reprise en tête de vers de l’expression « les ailes de mon âme » font du Je lyrique à la fois un oiseau et un bateau.

Dans les deux cas, cette métaphore est synonyme de liberté.

À travers les expressions « tous les vents des mers » et « tous les flots », l’espace semble infini.

De plus, de l’utilisation de l’assonance en « è » et de l’allitération en « m » dans cette première strophe se dégage une impression de douceur et de légèreté.

Quand j’étais jeune et fier et que j’ouvrais mes ailes,
Les ailes de mon âme à tous les vents des mers,
Les voiles emportaient ma pensée avec elles,
Et mes rêves flottaient sur tous les flots amers.

Le Poète est donc en harmonie avec les éléments : seul l’épithète « amers » vient ternir cette communion avec la Nature, ce qui annonce la suite du poème.

II – Un spectacle idyllique en mouvement

Strophe 2

Dans la deuxième strophe, le Poète se fait spectateur d’une nature harmonieuse, par le biais du verbe « je voyais ».

Loin d’être figés, les éléments se mettent en action comme le traduit la personnification « ce vague où l’horizon se noie ».

Le complément du verbe « je voyais » ne se trouve qu’au vers 7 (« je voyais…des continents »). Cet effet de retardement permet au poète de commencer par une peinture idyllique de la nature.

Ainsi, pour le lecteur, les couleurs et les odeurs sont d’abord convoquées par l’expression « tout verdoyants de pampre et de jasmin ».

Un nouveau pays semble émerger, avec sa géographie propre (« continents », « îles » ) et paradisiaque : y règnent la « vie », la « joie », « la gloire et l’amour », autant de termes à connotation méliorative.

Dans cette strophe, le poète évoque ses rêves et espoirs de jeunesse.

La participe présent employé comme adjectif « verdoyants » fait ainsi signe vers la jeunesse et le printemps.

Les substantifs « gloire » et « amour » restituent les rêves de jeunesse, toujours empreints de clichés.

L’exotisme transparaît dans ce spectacle qui s’anime au gré des mouvements de l’âme du Poète : les verbes « se noie », « surgir » et « m’appelaient de la main » fonctionnent comme des personnifications.

III – Un retour réflexif

Strophe 3

À la fierté du Poète dans la première strophe, fait écho un nouveau sentiment d’avidité traduit par le verbe « j’enviais ».

La nef, personnalisée par l’adjectif qualificatif « heureuse », souligne l’aspiration du Poète à la liberté, à l’aventure.

Les deux alexandrins suivants marquent une nette opposition temporelle par l’utilisation de l’adverbe « Et maintenant » et par l’usage du passé composé (« j’ai traversé », « j’en suis revenu ») qui montrent l’action achevée.

Deux images du Poète se superposent alors : celle, révolue, du jeune homme à la soif d’aventures, symbolisée par l’expression « rivage inconnu » ; et celle, présente, d’un homme mûr « assis au bord du cap qui fume ».

Tel Ulysse qui quitte Ithaque pour mieux y revenir, le Poète se trouve dans une position réflexive, « assis », comme méditant sur son aventure passée.

Le voyage maritime semble avoir servi de quête initiatique.

IV – Un Eden brisé

Strophe 4

La mélancolie de Lamartine naît de l’écart entre deux périodes : un présent au goût relativement amer (« j’aime encore ») et un passé idéalisé (« ces mers autrefois tant aimées »).

L’utilisation du polyptote (= emploi de plusieurs formes grammaticales d’un même mot) en tête et en fin de vers (« j’aime » et « aimées ») encadre le paysage maritime et fait de ce dernier le reflet des états d’âme du Poète.

Cette fusion entre la mer et l’âme du poète est renforcée par l’importante allitération en « m » tout au long de cette strophe.

L’opposition temporelle se poursuit, grâce au balancement binaire qui intervient par la suite (« non plus comme » « mais comme »).

Ainsi, dans le deuxième alexandrin, le Poète évoque un souvenir heureux, voire idéalisé, traduit par la comparaison «comme le champ de mes rêves chéris ».

Dans le troisième alexandrin, la prise de distance avec le paysage est explicite par le passage à l’article indéfini (« un champ ») et par la connotation négative des termes employés (« mort », « semées », « débris »).

À l’union du Moi avec la nature succède désormais, avec le temps, une rupture.

Le Poète jadis oiseau libre se fragmente, comme l’illustre le rejet au vers 16 « mes ailes semées/De moi-même partout ».

Un cataclysme intérieur a eu lieu et a anéanti l’harmonie édénique. La répétition de la première personne « mes », « moi-même » renforce l’impression d’éclatement du « je » lyrique.

V – De la rupture à la mélancolie

Strophe 5

La dernière strophe développe et entérine cette rupture.

En effet, les verbes au passé simple brisa », « sombra », « tomba ») narrent des événements destructeurs.

L’allitération en « b » et l’assonance en « a » dans ces trois verbes restituent la chute du poète :

Cet écueil me brisa, ce bord surgit funeste,
Ma fortune sombra dans ce calme trompeur ;
La foudre ici sur moi tomba de l’arc céleste

La césure à l’hémistiche du premier vers accentue la rupture provoquée par « cet écueil » : « Cet ecueil me brisa, / ce bord surgit funeste ».

La position de l’adjectif « funeste » en fin de vers confirme le désarroi du Poète.

La polysémie de l’expression « ma fortune » est révélatrice : synonyme à la fois de richesse et de destin au sens latin du terme, elle semble pour le poète perdue dans les deux acceptions.

Lamartine s’est donc heurté aux limites de la Nature (symbolisées par l’écueil), à son apparence enchanteresse (« ce calme trompeur ») et à la violence de son pouvoir, comme l’illustre le vers « La foudre ici sur moi tomba de l’arc céleste ».

Néanmoins, le dernier vers, « Et chacun de ces flots roule un peu de mon cœur. », vient nuancer l’expression de la souffrance.

Le présent d’énonciation nous fait revenir à la mélancolie présente du poète.

En soulignant la symbiose entre la mer et son coeur, le Poète accepte sa souffrance et souligne l’union indéfectible qui relie la mer au siège de ses sentiments.

Les voiles, Lamartine, conclusion :

Si la mer est parfois considérée comme un topos dans la poésie romantique, Lamartine a commencé par la dépeindre dans toute sa complexité.

Elle est présentée comme un espace infini de liberté, un lieu de communion avec le Je lyrique, un support d’aventures exotiques rêvées et vécues.

Elle constitue également ce refuge rassurant après une harmonie intérieure brisée.

Faisant fi du registre élégiaque prédominant dans ce texte de Lamartine, Baudelaire, dans Les Fleurs du Mal, fera de l’albatros la figure du Poète maudit.

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

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