Mes forêts, Hélène Dorion, Le chemin qui monte vers toi : analyse

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Voici une lecture linéaire pour l’oral de français du poème « Le chemin qui monte vers toi » issu de la section « L’onde du chaos » du recueil Mes forêts.

« Le chemin qui monte vers toi », Hélène Dorion, Mes forêts, introduction

L’écrivaine québécoise Hélène Dorion est une figure majeure de la littérature francophone : ses ouvrages en prose et son œuvre poétique sont largement traduits.

Son parcours professionnel est riche en expériences : critique littéraire, rédactrice dans des revues, collaboratrice à des émissions culturelles, enseignante en littérature, directrice des Éditions du Noroît.

Aujourd’hui, elle vit au nord de Montréal, dans la région boisée des Laurentides. Ce cadre de vie a indéniablement une incidence sur son rapport à la nature et fait surgir des interrogations sur l’être humain et sa place dans le monde. À l’automne 2021, elle publie le recueil Mes forêts, aux Éditions Bruno Doucey.  

Caractérisée par une écriture en vers libres, sans ponctuation, cette œuvre donne la part belle aux éléments. Mais elle souligne surtout que la nature, la poésie et l’intime sont inextricablement mêlés pour la poétesse. (Voir la fiche de lecture pour le bac de français de Mes forêts d’Hélène Dorion)

C’est ce que nous montre le poème étudié, « Le chemin qui monte vers toi », qui s’inscrit dans la troisième section du recueil « L’onde du chaos ».

Problématique

En quoi le poème étudié témoigne-t-il d’une quête spirituelle et littéraire ?

Plan linéaire

Nous analyserons successivement chaque strophe.

Dans la première strophe, nous soulignerons que le chemin parcouru par le poète est un cheminement intérieur.

Nous verrons dans la deuxième strophe que le paysage observé est fragile, et, dans la troisième strophe, que le désir exacerbe les sens.

Enfin, nous aborderons la quatrième strophe, qui constitue une ode à l’écriture poétique.

I – Un cheminement intérieur

Première strophe

Le poème débute par un octosyllabe qui ouvre une voie : « Le chemin qui monte vers toi ».

L’image du chemin est chargée de symboles. En effet, le chemin fait référence au chemin à parcourir physiquement à travers la nature mais aussi cheminement par la pensée.

Ces deux dimensions – physique et spirituelle – sont exigeantes, demandent du temps et impliquent une introspection. Ainsi, la proposition subordonnée relative « qui monte vers toi » indique, avec le verbe monter, un effort, une ascension.

Le point d’arrivée de cette ascension est une entité personnifiée (« toi ») mais non identifiée. Ce mystère est renforcé par la présence d’un champ lexical presque religieux : « brûle » (vers 2), « arbre foudroyé » (vers 3) et le groupe nominal « la chute et l’envol » (vers 4) qui fait référence à la faute originelle.

Le sujet lyrique est au cœur de ce cheminement, comme l’indique les pronoms personnels « toi » et « je » (vers 1 et 3 ) et le déterminant possessif « ma » (vers 2).

L’ascension semble donc surtout métaphysique, spirituelle. Elle transforme le poète dans la mesure où elle « brûle les ombres de [sa] vie », comme si elle le libérait de moments vécus sombres.

Mais, dans un même mouvement, cette ascension laisse le poète vulnérable comme le suggère l’emploi du verbe d’état au vers 3, qui indique une position figée : « je suis l’arbre foudroyé ». Cette fragilité est d’ailleurs renforcée par la diérèse qui porte sur ce verbe d’état, nécessaire pour l’octosyllabe.

La métaphore de l’arbre foudroyé est également intéressante : elle indique une grandeur passée (l’arbre représente la force et l’ancrage), mais révolue et fragilisée (foudroyé).

Le poète semble donc le creuset d’une alliance des contraires qui surgissent dans l’antithèse du vers suivant : « la chute et l’envol ». Cette fragilité est renforcée par l’urgence à vivre : « dans l’instant / où advient le désir », deux vers où la multiplication des dentales suggère l’action.

La postposition du sujet « le désir » est également révélatrice : ce terme est mis en valeur car il clôt la première strophe. Mais ce désir n’est pas précisé et laisse donc pour l’instant libre cours à l’imagination du lecteur.

II – Un paysage intérieur fragile

Deuxième strophe

La strophe se poursuit par l’évocation d’un paysage d’hiver : « l’élan de la neige / recouvre la terre ».

Ces deux vers jouent sur l’opposition entre le mouvement des flocons en l’air (« l’élan ») et leur immobilité dès lors qu’ils touchent le sol (« recouvre »). Cette opposition est accentuée par l’enjambement du vers 9, qui crée une suspension dans le rythme (ces deux vers s’apparentent en effet à un décasyllabe scindé en deux).

Mais sous ce paysage hivernal, la nature est bien vivante : la synecdoque « une aile » suggère le surgissement d’un oiseau. Les trois verbes d’action qui lui sont attribués (« perce » (vers 9), « rompt » (vers 10) et « déchire » (vers 11)) traduisent une montée en intensité. Ainsi, « perce » suggère un premier mouvement délicat, « rompt » introduit une force plus marquée, puis « déchire » exprime une énergie libératrice et presque violente.

Tous les éléments sont convoqués : l’eau à travers la neige, la terre de façon explicite, l’air par le ciel et le feu grâce à la comparaison du vers 11 « comme une flamme ».

Mais l’observation de ce spectacle, aussi beau fût-il, rappelle l’évanescence des moments vécus. En effet, la strophe se conclut par l’octosyllabe « la peau fragile de nos rêves », une métaphore qui met en lumière la vulnérabilité du désir. L’image de la « peau », fine et fragile, donne à voir un rêve prêt à se briser au moindre contact.

Le déterminant possessif de la première personne du pluriel (« nos ») confère une dimension universelle à ce ressenti : ce n’est plus seulement le poète qui évoque son ressenti – le lecteur est invité à s’identifier à cette fragilité commune des aspirations humaines.

III – L’exacerbation des sens

Troisième strophe

Dès lors, la force du poète réside dans sa conscience de la fragilité de la vie.

Le poète exprime sa force par les deux verbes au présent de l’indicatif : « je me tiens » (vers 13) et « je remonte » (vers 14) qui suggèrent une certaine verticalité.

Le rejet du complément du nom (« dans le sillage/ de la nuit ») ainsi que l’irruption de larges espaces blancs au sein des vers instaurent un rythme fragmenté et inattendu, comme ponctué de silences. Cette mise en page atypique, qui brise la continuité habituelle du vers, évoque une forme d’ascension métaphysique, où le mouvement est parfois hésitant ou suspendu.

Les espaces blancs ouvrent la voie à une lecture kaléidoscopique, laissant le lecteur libre de relier les mots entre eux : le complément « vers toi » (vers 15) pouvant par exemple se lire comme un rejet (« je remonte vers toi ») ou comme ce qui précède l’épithète substantivé « l’unique » (« vers toi l’unique »).

Le point d’arrivée de ce chemin n’est toujours pas nommé (« toi ») mais il semble être un feu sacré, image suggérée par la métaphore « qui jamais ne s’éteint » (vers 16).

Il pourrait aussi désigner le désir lui-même. En effet, l’absence de ponctuation crée une apposition possible entre « l’unique présence qui jamais ne s’éteint » et « désir de voir   toucher    dire ». Cette ambiguïté laisse planer un doute : ce « toi » est-il une présence extérieure ou une force intérieure, intime : le désir profond du poète ?

La mention du « désir » fait également écho à la fin de la première strophe où était évoquée la naissance du désir (vers 6). Ce désir semble se préciser avec les trois verbes à l’infinitif : « voir », « toucher » et « dire ». Il s’agit d’un appel aux sens, comme si le désir passait par le corps et le rapport sensuel au monde.

Le dernier vers, « on invente des ailleurs à la vie » fait signe vers la poésie, lieu de l’imaginaire. Il suggère que le désir du poète s’exprime par la poésie qui permet de créer d’autres mondes possibles.

IV – Une ode à l’écriture du monde

Quatrième strophe

Le poème se clôt sur une strophe plus courte que les précédentes. Le terme « désir » y réapparaît une dernière fois, énoncé au présent de vérité générale : « toute feuille est désir ».

À première vue, la feuille peut faire référence à un élément de l’arbre car elle est reprise par d’autres parties végétales (la fleur, le fruit).

Mais elle peut aussi se lire comme la feuille du poète : le désir représenterait alors le désir de création poétique. Et le poète proclame que ce désir d’écrire est le seul à faire naître le monde : « avec lui / le monde surgit ».

Cette dernière strophe regorge d’assonances en i, presque placées à la rime (« désir », « fruit », « lui », « surgit ») et d’une allitération en f (« feuille », « fleur », « fruit ») qui semble faire entendre le bruissement de la nature. Par ce tissu sonore, le poète fait ainsi surgir un paysage naturel, une fragilité intérieure et une musicalité unique.

Conclusion

En définitive, ce poème est un chemin complexe où le poète descend en lui. L’exploration de ses contradictions et de ses fragilités le conduit à observer la nature comme un spectacle où cohabitent mouvement et immobilité, silence et bruissement animal.

Les références religieuses soulignent que le poète est en quête et que son chemin est plus important que son point d’arrivée.

Il est mû par le désir de se connaître, d’être à l’écoute du monde pour mieux le faire surgir. Les espaces blancs sont comme autant de traces de ses réflexions, de ses silences : l’écriture poétique aide le sujet lyrique à avancer. Par un système de miroir, le lecteur peut s’identifier au sujet lyrique et découvrir, au gré de son cheminement, la force de créer.

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

Professeure et autrice chez hachette, je suis spécialisée dans la préparation du bac de français (2nde et 1re) et du Brevet (3ème).

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