Discours sur la misère, Victor Hugo : commentaire

Tu passes le bac de français ? CLIQUE ICI et deviens membre de commentairecompose.fr ! Tu accèderas gratuitement à tout le contenu du site et à mes meilleures astuces en vidéo.

victor hugo discours sur la misèreVoici le commentaire du Discours sur la misère tenu par Victor Hugo à la tribune de l’assemblée nationale le 9 juillet 1849.

L’extrait analysé ici va de « Je ne suis pas, Messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance » à « que ce sont des crimes envers Dieu ! (sensation prolongée) »

Discours sur la misère, Victor Hugo, introduction

Le 24 février 1848, suite aux mouvements révolutionnaires, le Roi des Français Louis-Philippe abdique. S’ensuit la mise en place d’un gouvernement provisoire qui proclame la IIème République.

Victor Hugo, élu député conservateur depuis le 4 juin 1848, est chargé de réprimer les émeutes ouvrières de juin 1848.

Alors qu’il s’acquitte de cette tâche, il prend conscience de la souffrance et de la misère du peuple parisien.

Questions possibles sur le discours sur la misère de V. Hugo à l’oral de français

♦ Quels sont les registres présents dans ce discours et quels sont leurs effets ?
♦ En quoi ce texte est-il polémique ?
♦ Étudiez les effets rhétoriques de ce discours sur la misère.
♦ Qu’est-ce qui fait l’efficacité de ce discours ?

Annonce de plan

Le 9 juillet 1849, Victor Hugo prononce un discours à l’Assemblée législative (Assemblée Nationale) pour faire une évocation pathétique de la misère (I) mais pour en faire surtout une évocation politique (II)

I – Une évocation pathétique de la misère

 A – Une enquête objective

Pour Victor Hugo, la misère n’est pas une vue de l’esprit ou un concept. C’est une réalité objective, ce qu’il montre en répétant le terme « faits » (« faits», «ces faits», «un fait», «de tels faits») qui enracine le discours dans le réel.

En ancrant la misère dans le réel, Victor Hugo en renforce la crédibilité.

Quand il décrit la misère, le député essaie d’être le plus précis possible et utilise à cet effet de nombreux adjectifs ou expansions du nom :
« pour vêtements, que des monceaux infects (de chiffons {en fermentation}, [ramassés dans la fange du coin, /espèce de fumier des villes/])… »
=> On observe dans cette phrase un enchâssement d’expansions qui montre le regard de plus en plus perçant de Victor Hugo sur la misère parisienne.

Hugo utilise aussi des déictiques qui ancrent les faits dans la situation d’énonciation : «Voilà un fait. En voici d’autres », « Ces jours derniers », « ce sont là », « ces jours derniers », « Le mois passé » . Ces déictiques rendent la situation proche et présente.

De façon presque photographique, Victor Hugo utilise des effets de zooms : « Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris […] des rues, des maisons, des cloaques ».  Ces effets de zooms entraînent l’auditeur dans une perception de plus en plus précise de la misère parisienne.

Par le champ lexical du regard (« voilà », « voici », « constaté »), Victor Hugo donne à voir la misère parisienne que les députés ne connaissent pas ou refusent de voir. Il rompt la barrière entre les classes aisées et les classes laborieuses.

Par cette approche concrète, Victor Hugo se rapproche d’un chroniqueur de gazette notamment par l’accroche de ses paragraphes qui font penser à l’écriture journalistique : « Il y a dans Paris » (*2) et « Voici donc ces faits » / « Voilà un fait ».

B – La misère : une maladie de la société

Victor Hugo souhaite montrer que la misère n’est pas une donnée inévitable pour l’homme : c’est une maladie sociale qui peut être traitée.

Victor Hugo compare ainsi la société à un corps humain et la misère à une maladie : « La misère est une maladie du corps social comme la lèpre était une maladie du corps humain ».

Cette analogie est classique dans la philosophie politique chez Rousseau, Hobbes ou même Machiavel. La société politique est souvent représentée comme un corps dont le souverain est la tête et le peuple les membres.

Cette comparaison permet à Victor Hugo d’évoquer la misère à travers le champ lexical de la maladie : « maladie », « lèpre », « maladie », « corps », « lèpre », « mal », « sonde », « plaies », « choléra ».

Le terme « lèpre » a un impact sur l’auditoire : il s’agit d’une maladie grave et contagieuse encore redoutée au XIXème siècle.

Par la métaphore de la maladie, Victor Hugo suggère que la misère est une altération du corps social mais qu’elle est guérissable soit réversible : « la misère peut disparaître comme la lèpre a disparu » .

C – La misère : une tragédie

Pourtant, l’immobilisme des pouvoirs publics font apparaître la misère comme une tragédie.

Le champ lexical de la souillure – «monceaux infects», «fermentation», «fange», «fumier», «créatures», «immondes», «pestilentiels», «charniers» – suscite terreur et pitié.

La misère est présentée comme une fatalité contre laquelle ses victimes ne peuvent pas lutter. Le chiasme symbolise cet enfermement tragique dans la misère :
«un malheureux homme de lettres […] un malheureux homme est mort de faim, mort de faim à la lettre » .

De même, la répétition du terme « misère » en début et en fin de phrase (« La misère, Messieurs, j’aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir où elle en est, la misère ? ») suggère l’impossibilité tragique pour le peuple de sortir de cet état.

Quant au champ lexical du mouvementoù elle en est », «elle peut aller », « elle va »), il souligne que la misère se propage inéluctablement.

Victor Hugo utilise aussi brièvement le registre fantastique pour renforcer le sentiment d’horreur face à la misère.

Ainsi, chez les misérables, la frontière entre la vie et la mort est floue comme le suggère le champ lexical de la mort : «infect», «fumier», «immondes», «pestilentiels», «charniers».

Les pauvres sont comparés à des cadavres en décomposition ou à des morts-vivants : « des créatures humaines s’enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l’hiver » , « une mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur nourriture dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon. »

Les gradations descendantes «des rues, des maisons, des cloaques » ou « pour lits, n’ayant pour couvertures j’ai presque dit pour vêtements » suggèrent une restriction progressive comme si l’environnement des miséreux se restreignait jusqu’à devenir irrespirable.

II – Un discours politique efficace

 A – Un discours rhétorique bien structuré

La rhétorique est l’ensemble des procédés oratoires utilisés pour produire un discours convaincant. Elle trouve son origine dans la Grèce antique qui faisait de la rhétorique une discipline à part entière.

Le discours de Victor Hugo utilise la structure du discours rhétorique antique.

Le député commence en posant son sujet dans une question  :« La misère, Messieurs, j’aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir où elle en est la misère ».

La répétition du terme « misère »  en début et en fin de phrase montre que l’orateur souhaite cerner son sujet et l’analyser sans s’éparpiller.

Le ton est solennel comme le suggère le présent de vérité générale (« La misère est une maladie du corps social », « la misère peut disparaître ») et les arguments sont rationnels comme en atteste les connecteurs logiques (« car », « car », « donc »).

Pour commencer son discours, Victor Hugo capte l’auditoire grâce à l’apostrophe « Messieurs » qui implique l’auditoire dans le discours et attire son attention.

La première phrase (« Je ne suis pas, Messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde ») relève de la concession destinée à adopter le point de vue de ses opposants potentiels pour les désarmer (captatio benevolentiae : captation de la bienveillance).

Une fois l’attention de l’auditoire captée, Victor Hugo passe à la deuxième partie du discours : la narration.

Le récit est précis comme le montrent les nombreux compléments circonstanciels de lieu (« dans Paris », « dans ces faubourgs de Paris ») et de tempsCes jours derniers», «Le mois passé»).

Un paragraphe conclusif efficace résume les propos de Victor Hugo tout en cherchant à emporter la conviction de l’auditoire par l’interjection « Eh bien ! » et l’anaphore « je dis que… » qui donne un ton sentencieux à cette conclusion.

Ce discours relève d’une rhétorique judiciaire où Victor Hugo fait un véritable réquisitoire contre une société inégalitaire et injuste.

B – Une force de persuasion

(Pour comprendre cette partie, voir ma vidéo sur la différence entre convaincre et persuader)

L’efficacité rhétorique du discours n’est pas seulement due à sa forme : elle est aussi marquée par la richesse des registres.

Au delà des registres pathétiques et fantastiques déjà évoqués, Victor Hugo utilise aussi le registre lyrique pour persuader.

La personnification de la misère (« elle peut aller », « elle va ») contribue à dramatiser la pauvreté.

Victor Hugo crée une musicalité entraînante dans son discours grâce aux allitérations qu créent des effets de rimes internes : « et tenez, s’il faut dire toute ma pensée, je voudrais qu’il sortît de cette assemblée » ou « formelle, une grande et solennelle ».

Cette musicalité est renforcée par la paronomase (jeu sur la proximité des sons) entre « souffrantes » et « France » : « classes laborieuses et souffrantes en France » .

Cette force de persuasion transparaît dans les périodes (phrases marquées par un rythme ample) comme le montrent les répétitions de verbes de parole : « je ne suis pas de ceux qui croient… mais je suis de ceux qui pensent… », « je ne dis pas … je ne dis pas … je dis… », « je dis que … je dis que… je dis que ».

Les mots et le rythme sont ici une véritable arme de persuasion.

Les traits d’oralité traduisent un désir de proximité avec l’auditoire pour mieux les persuader : « Remarquez-le bien, Messieurs », « Eh bien, messieurs » .

C- Une invitation à l’action politique

Ce texte est un compte-rendu de débat comme il se pratiquait à l’Assemblée nationale par un secrétaire des débats.

L’auteur du discours est Victor Hugo mais celui qui a retranscrit le texte est le secrétaire des débats qui note les réactions de l’auditoire entre parenthèses et en italique.

Ces réactions annotées théâtralisent le discours car les termes comme «(Mouvement)» ou  « (Sensation)», «(Sensation prolongée)» fonctionnent comme des didascalies théâtrales et montrent la réception du discours.

Le lecteur d’aujourd’hui peut ainsi constater que le discours semble avoir créé l’adhésion d’une partie de l’auditoire puisque sont mentionnées les marques d’approbation («oui oui ! à gauche», «Très bien ! très bien !»), le point d’exclamation accentuant l’effet de fusion avec l’auditoire.

Le secrétaire des débats semble lui-même gagné par l’enthousiasme lors de la mention (« Sensation universelle ») où l’adjectif universel marque une communion de l’auditoire avec l’orateur et acte de manière naïve et presque comique l’efficacité du discours d’Hugo.

Mais Victor Hugo crée aussi la polémique comme le soulignent certaines réactions de l’auditoire : «(Violentes dénégations à droite / Nouveaux murmures à droite / à gauche )» .

Ces réactions permettent de dessiner l’échiquier politique de l’époque. Victor Hugo suscite des réactions dans son Discours sur la misère car il s’en prend à la tradition libérale française pour laquelle la pauvreté était un mal nécessaire permettant un équilibre économique optimal.

A travers le champ lexical de la religionce monde», « loi divine», «conscience», «Dieu» ), Victor Hugo dépasse l’individualisme et l’utilitarisme libéral pour y opposer une perspective morale et religieuse plus élevée.

Discours sur la misère, conclusion

Le Discours sur la Misère demeure un discours polémique qui utilise toute la force de la rhétorique pour inviter à l’action politique et à la réformation morale des hommes de son siècle.

Ce regard politique sur la misère sera quelques décennies plus tard porté par Emile Zola dans Germinal ou Nana.

Tu étudies « Discours sur la misère » de Victor Hugo ? Regarde aussi :

Ruy Blas : résumé
Les Contemplations : fiche de lecture
Fonction du poète, Victor Hugo : analyse
L’enfant, Victor Hugo : analyse
Le dernier jour d’un condamné, chapitre 1 : analyse
Claude Gueux : résumé
Souvenir de la nuit du 4 : commentaire
Soleils couchants, Victor Hugo : analyse

Qui suis-je ?

Amélie Vioux

Professeure et autrice chez hachette, je suis spécialisée dans la préparation du bac de français (2nde et 1re).

Sur mon site, tu trouveras des analyses, cours et conseils simples, directs, et facilement applicables pour augmenter tes notes en 2-3 semaines.

Je crée des formations en ligne sur commentairecompose.fr depuis 14 ans.

Tu peux également retrouver mes conseils dans mon livre Réussis ton bac de français 2025 aux éditions Hachette.

J'ai également publié une version de ce livre pour les séries Techno ici.

3 commentaires

  • Bonjour Emelie j’aime bien votre façon de détailler les textes
    Grâce à vous je me suis familiarisé avec le commentaire composé
    Il me reste encore à comprendre la contraction de texte ou le résumé merci de vouloir m’aider dans ce domaine, je vous attend avec impatience

  • j’aime beaucoup la manière dont vos commentaires sont faits. Ayant du mal en cours a pouvoir me familiariser avec les textes, ici j’y arrive. C’est très intéressant et simple a comprendre bravo a vous !

Laisse un commentaire !