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Voici l’analyse linéaire de la demande en mariage dans L’Etranger d’Albert Camus.
L’extrait étudié se situe au chapitre 5 de la première partie du roman. Il va de « Le soir, Marie est venue me chercher » à « pour me tendre sa bouche
« .
L’Étranger, Camus, la demande en mariage : introduction
La plupart du temps, le lecteur peut s’identifier au héros de roman. Mais avec Meursault, le personnage principal de L’Etranger d’Albert Camus (1942), il en va autrement.
Faisant fi des codes du héros traditionnel, ce roman à succès appartient au cycle de l’absurde, dans lequel Albert Camus intègre la pièce de théâtre Caligula et l’essai philosophique Le Mythe de Sisyphe.
On y suit le personnage-narrateur, Meursault, un employé de bureau qui mène une vie simple et solitaire en Algérie.
Au chapitre 2, Meursault rencontre Marie Cardona, une ancienne collègue de travail avec qui il débute une liaison amoureuse.
L’extrait proposé, issu du chapitre 5, se passe environ dix jours après leur rencontre. Il s’agit d’une demande en mariage surprenante.
Extrait étudié
Le soir, Marie est venue me chercher et m’a demandé si je voulais me marier avec elle. J’ai dit que cela m’était égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait. Elle a voulu savoir alors si je l’aimais. J’ai répondu comme je l’avais déjà fait une fois, que cela ne signifiait rien mais que sans doute je ne l’aimais pas. « Pourquoi m’épouser alors ? » a-t-elle dit. Je lui ai expliqué que cela n’avait aucune importance et que si elle le désirait, nous pouvions nous marier. D’ailleurs, c’était elle qui le demandait et moi je me contentais de dire oui. Elle a observé alors que le mariage était une chose grave. J’ai répondu : « Non. » Elle s’est tue un moment et elle m’a regardé en silence. Puis elle a parlé. Elle voulait simplement savoir si j’aurais accepté la même proposition venant d’une autre femme, à qui je serais attaché de la même façon. J’ai dit : « Naturellement. » Elle s’est demandé alors si elle m’aimait et moi, je ne pouvais rien savoir sur ce point. Après un autre moment de silence, elle a murmuré que j’étais bizarre, qu’elle m’aimait sans doute à cause de cela mais que peut-être un jour je la dégoûterais pour les mêmes raisons. Comme je me taisais, n’ayant rien à ajouter, elle m’a pris le bras en souriant et elle a déclaré qu’elle voulait se marier avec moi. J’ai répondu que nous le ferions dès qu’elle le voudrait. Je lui ai parlé alors de la proposition du patron et Marie m’a dit qu’elle aimerait connaître Paris. Je lui ai appris que j’y avais vécu dans un temps et elle m’a demandé comment c’était. Je lui ai dit : « C’est sale. Il y a des pigeons et des cours noires. Les gens ont la peau blanche. »
Puis nous avons marché et traversé la ville par ses grandes rues. Les femmes étaient belles et j’ai demandé à Marie si elle le remarquait. Elle m’a dit que oui et qu’elle me comprenait. Pendant un moment, nous n’avons plus parlé. Je voulais cependant qu’elle reste avec moi et je lui ai dit que nous pouvions dîner ensemble chez Céleste. Elle en avait bien envie, mais elle avait à faire. Nous étions près de chez moi et je lui ai dit au revoir. Elle m’a regardé: « Tu ne veux pas savoir ce que j’ai à faire? » Je voulais bien le savoir, mais je n’y avais pas pensé et c’est ce qu’elle avait l’air de me reprocher. Alors, devant mon air empêtré, elle a encore ri et elle a eu vers moi un mouvement de tout le corps pour me tendre sa bouche.
Problématique
Comment cette proposition de mariage atypique permet-elle de dépeindre Meursault en véritable anti-héros ?
Plan linéaire
Nous verrons dans un premier temps que cette demande en mariage révèle les antagonismes des deux amants, puis que Meursault semble incapable de se projeter véritablement dans un avenir commun.
Enfin l’analyse soulignera l’omniprésence de décalages essentiels qui révèlent les difficultés de Meursault à se conformer aux codes sociaux.
I – Le mariage, un sujet révélateur d’antagonismes
Du début à « un jour je la dégoûterais pour les mêmes raisons
»
Le texte s’ouvre sur une mention temporelle (« Le soir »), sans qu’elle ne soit précisément datée, comme Camus le fait dans le roman.
D’emblée, une forme de distanciation apparaît. En effet, la première phrase comporte grammaticalement un lien logique -la conjonction de coordination « et » – mais elle est vidée de son sens car les deux propositions ne sont pas liées sémantiquement entre elles. L’irruption de la demande en mariage de façon abrupte donne donc le ton : « Le soir, Marie est venue me chercher et m’a demandé si je voulais me marier avec elle.
«
Autre surprise, c’est Marie qui initie la demande en mariage, rapportée par une proposition subordonnée interrogative : « m’a demandé si je voulais me marier avec elle ».
La conversation est majoritairement formulée au discours indirect, avec la répétition des mêmes verbes introducteurs de parole : à deux reprises « J’ai dit », « J’ai répondu », puis « a-t-elle dit », « je me contentais de dire ». Cette économie de vocabulaire et ces répétitions créent une distance et participent à rendre la scène atypique tant elle contraste avec l’importance sentimentale qui est censée caractériser une demande en mariage.
Or, la réponse de Meursault confirme le détachement dont il fait preuve dès l’incipit du roman, lors des funérailles de sa mère : « J’ai dit que cela m’était égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait.
» Ces deux propositions subordonnées conjonctives complétives soulignent donc une prise de distance assumée.
L’échange qui suit aborde la question du sentiment amoureux, à l’initiative de Marie. La réponse de Meursault, se fait toujours au discours indirect. Les paroles désincarnées et vidées de toute humanité restent neutres, allant même, pour le lecteur, jusqu’à l’aberration créée par le modalisateur « sans doute ».
À la question directe sobre de Marie qui cherche un sens (« Pourquoi m’épouser alors ?
»), répond l’indifférence de Meursault contenue dans le pronom démonstratif qui désigne le mariage (« cela ») et dans la proposition subordonnée conjonctive complétive « que cela n’avait aucune importance
».
Ainsi, Meursault n’affiche aucune émotion, aucun sentiment et fait dépendre le mariage de la seule volonté de Marie comme l’indique la proposition subordonnée circonstancielle de condition « si elle le voulait ». Il ne manifeste ainsi aucune volonté propre, intrinsèque.
Contrairement aux stéréotypes dans les romans, c’est ici Marie qui demande Meursault en mariage. Le choix du verbe « et moi je me contentais de dire oui
» souligne que, pour Meursault, le mariage relève plus d’une obligation neutre que d’un engagement passionné. Meursault se montre passif et répond à côté.
La narration reste factuelle, sans qu’aucun sentiment ne soit exprimé. Les réponses de Meursault sont laconiques, comme le montrent les phrases nominales sous forme d’adverbes « Non », « Naturellement ». Pour lui, le mariage ne représente donc pas un sacrement mais un événement banal.
Marie est à l’initiative de chaque prise de parole : à son désir amoureux font écho les réponses brèves de Meursault, inattendues, en contradiction avec les codes sociaux.
Mais à aucun moment elle ne perd son sang-froid comme le confirme la phrase complexe : « Elle s’est tue un moment et elle m’a regardé en silence.
»
Les deux logiques des personnages sont donc diamétralement opposées : l’une – dont le prénom est l’anagramme du verbe aimer – exprime son désir amoureux, l’autre fuit les sentiments.
La proposition subordonnée interrogative indirecte « si elle m’aimait » reflète les questionnements de la jeune femme. La conversation grave est régulièrement ponctuée de pauses comme l’illustrent le complément circonstanciel de temps « après un autre moment de silence
» ou les compléments circonstanciel de cause « comme je me taisais », « n’ayant rien à ajouter
» qui suggèrent un certain malaise.
Marie montre combien les réponses de Meursault la désarçonnent : les trois propositions subordonnées conjonctives complétives (« que j’étais bizarre, qu’elle m’aimait sans doute à cause de cela mais que peut-être un jour je la dégoûterais pour les mêmes raisons
») soulignent son état d’esprit ambivalent.
II – L’impossibilité de Meursault à se projeter véritablement :
De « Comme je me taisais » à « Les gens ont la peau blanche
»
Après cet échange sur la question des sentiments et du mariage, Marie confirme son désir : « et elle a déclaré qu’elle voulait se marier avec moi.
» Meursault ne laisse transparaître aucune émotion.
L’abondance de verbes de parole contribue à vider cette conversation de toute humanité (« j’ai répondu », « je lui ai parlé », « je lui ai appris », « je lui ai dit
»…) et leur répétition donne un style neutre et mécanique aux phrases, comme si Meursault se contentait de se conformer machinalement aux codes sociaux.
De là, la conversation se tourne vers des projets, notamment l’opportunité d’aller à Paris pour le travail de Meursault, ce qui pourrait souder les deux personnages.
Marie montre un enthousiasme certain avec l’emploi du verbe affectif « aimer » au conditionnel : « Marie m’a dit qu’elle aimerait connaître Paris
».
Mais la réponse au discours direct de Meursault ôte tout romantisme à ce voyage. En effet, en disant « C’est sale. Il y a des pigeons et des cours noires. Les gens ont la peau blanche.
», Meursault coupe court à une belle aventure.
Des éléments différents (la question de la salubrité et les gens qui fréquentent la ville) sont mis sur le même plan, sans aucune logique.
Les phrases courtes et l’emploi de verbes pauvres (« être » et « avoir ») réduisent ce qui aurait pu être une aventure intéressante à un quotidien ennuyeux.
Le contraste entre « cours noires » et « peau blanche
» met en outre en valeur la portée raciste de la phrase simple « Les gens ont la peau blanche
», probablement par opposition à Alger où les deux personnages se trouvent. Tout est asséné sur le même ton neutre, sans rapport logique ni analyse.
III – L’omniprésence de décalages fondamentaux révèle la difficulté de Meursault de se conformer aux codes sociaux
De « Puis nous avons marché
» à la fin de l’extrait
La déambulation de Marie et Meursault dans les rues d’Alger est l’occasion pour Meursault d’admirer la beauté des femmes.
Grâce au point de vue interne, le lecteur accède au système de pensée de Meursault. Or avec la phrase « Les femmes étaient belles et j’ai demandé à Marie si elle le remarquait.
», le lecteur ne peut que constater combien le personnage est en décalage non seulement avec Marie, mais aussi avec les codes de la société. La question peut révéler autant une insensibilité qu’une franchise excessive.
La passivité de Meursault est toutefois à nuancer comme l’illustre la proposition : « Je voulais cependant qu’elle reste avec moi
» et la proposition d’un dîner, dans la subordonnée conjonctive complétive « que nous pouvions dîner ensemble chez Céleste. » Aux yeux du lecteur, cette suggestion pourrait atténuer la dureté du personnage et fait en tout cas état d’un sentiment et d’un projet à court terme.
Mais lorsqu’il entend que Marie « avait à faire », cette réponse elliptique semble le satisfaire. L’interro-négative que lance Marie : « Tu ne veux pas savoir ce que j’ai à faire ?
» indique qu’une fois de plus, Meursault est incapable d’avoir une réaction sensée et il s’en excuse, sans le comprendre : « Je voulais bien le savoir, mais je n’y avais pas pensé et c’est ce qu’elle avait l’air de me reprocher.
»
Le complément circonstanciel mis en apposition « devant mon air empêtré
» confirme qu’il ne sait pas parler à Marie mais aussi qu’il en a conscience.
Le texte s’achève sur la sensualité exprimée par le rire de Marie et son « mouvement de tout le corps pour me tendre sa bouche.
»
L’Étranger, la demande en mariage, conclusion
Cet extrait met en évidence l’écart comme mode de fonctionnement de Meursault.
Anti-héros, il n’a pas les codes pour se comporter avec Marie.
Contrairement aux stéréotypes de la proposition de mariage, ce n’est pas lui qui fait le premier pas.
Ses silences, ses réponses bancales et inappropriées montrent comment il essaie de répondre aux attentes de Marie, en vain. A ce stade, ce charme opère sur Marie mais les antagonismes sont fondamentaux : les deux personnages ne partagent pas les mêmes valeurs, ne donnent pas le même sens au mariage, n’accordent pas le même poids aux projets.
Pourtant, Marie restera importante dans la mesure où elle écrira une lettre à Meursault quand il sera en prison et témoignera de leur histoire au tribunal.
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