La Peau de chagrin, Foedora et Raphaël – deux mondes opposés : analyse

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Voici une analyse linéaire d’un extrait de la 2ème partie « La femme sans coeur » de La Peau de chagrin de Balzac.

L’extrait étudié met en relief l’incompatibilité de deux mondes : celui de Raphaël, pauvre, et celui de Foedora, riche.

Il va de « Et comment pouvais-je lutter, moi, faible » à « Je te ferai grâce de mes premières visites chez Foedora, pour arriver promptement au drame. »

La Peau de chagrin, l’incompatibilité de deux mondes, introduction

Dans La Peau de Chagrin, roman publié pour la première fois en 1831, Honoré de Balzac dépeint les ravages du désir. (Voir la fiche de lecture pour le bac de La Peau de chagrin)

Dans la deuxième partie du roman, « La femme sans coeur », Raphaël de Valentin fait à son ami Émile le récit de sa vie.

Désargenté après la mort de son père, il vit dans une modeste mansarde d’étudiant et a fait la connaissance de la Comtesse Foedora, riche et belle veuve.

Tombé sous le charme de sa beauté, de sa richesse, de son mystère, il souffre du gouffre social qui le sépare de la Comtesse.

Extrait étudié

Et comment pouvais-je lutter, moi, faible, grêle, mis simplement, pâle et hâve comme un artiste en convalescence d’un ouvrage, avec des jeunes gens bien frisés, jolis, pimpants, cravatés à désespérer toute la Croatie, riches, armés de tilburys et vêtus d’impertinence ? — Bah ! Fœdora ou la mort ! criai-je au détour d’un pont. Fœdora, c’est la fortune ! Le beau boudoir gothique et le salon à la Louis XIV passèrent devant mes yeux ; je revis la comtesse avec sa robe blanche, ses grandes manches gracieuses, et sa séduisante démarche, et son corsage tentateur. Quand j’arrivai dans ma mansarde nue, froide, aussi mal peignée que le sont les perruques d’un naturaliste, j’étais encore environné par les images du luxe de Fœdora. Ce contraste était un mauvais conseiller, les crimes doivent naître ainsi. Je maudis alors, en frissonnant de rage, ma décente et honnête misère, ma mansarde féconde où tant de pensées avaient surgi. Je demandai compte à Dieu, au diable, à l’état social, à mon père, à l’univers entier, de ma destinée, de mon malheur ; je me couchai tout affamé, grommelant de risibles imprécations, mais bien résolu de séduire Fœdora. Ce cœur de femme était un dernier billet de loterie chargé de ma fortune. Je te ferai grâce de mes premières visites chez Fœdora, pour arriver promptement au drame.

La Peau de chagrin, partie 2 « La femme sans coeur ».

Problématique

En quoi cet extrait révèle-t-il la force de caractère de Raphaël ?

Plan linéaire

Dans un premier temps, Rapha¨el fait le constat de deux mondes incompatibles  : celui de Foedora et le sien.

Dans un second temps, il saura transcender sa rage pour conquérir l’objet de son cœur

I – Raphaël et Foedora : deux mondes incompatibles

De « Et comment pouvais-je lutter » à « son corsage tentateur »

La question rhétorique qui ouvre le passage témoigne de la torture intérieure de Raphaël: «Et comment pouvais-je lutter …».

Après avoir été une source d’émerveillement, la rencontre avec Foedora s’avère être une source de souffrance.

Ainsi, l’autoportrait que Raphaël dresse est peu flatteur comme l’indique l’énumération d’adjectifs péjoratifs «moi, faible, grêle, mis simplement, pâle et hâve comme un artiste en convalescence d’un ouvrage».

Le champ lexical de la maladie (« faible », « grêle », « pâle », « hâve », « convalescence ») le dépeint comme une personne inapte à évoluer dans le monde de la Comtesse. Il se présente presque comme un anti-héros, incapable d’être choisi par celle qu’il aime.

Le contraste entre Raphaël et les prétendants de Foedora est frappant : ces derniers sont décrits comme « bien frisés, jolis, pimpants, cravatés à désespérer toute la Croatie, riches, armés de tilburys et vêtus d’impertinence »

Les adjectifs simples et bisyllabiques dressent le portrait de jeunes gens superficiels et immatures, habillés comme des poupons : « bien frisés, jolis, pimpants« .

L’assonance en « i » restitue le clinquant de cet entourage amical : « bien frisés, jolis, pimpants, cravatés à désespérer toute la Croatie, riches, armés de tilburys et vêtus d’impertinence« 

Le cynisme de Raphaël se lit dans la métaphore «armés de tilburys» : la voiture des prétendants (le tilbury est une sorte de cabriolet), et donc l’argent, constitue une arme de séduction (« armés »).

Il se lit également dans le zeugme « vêtus d’impertinence » qui montre la fougue des prétendants, prêts à tout.

En rentrant à son domicile, son exclamation «Foedora ou la mort» fait de lui un héros romantique, prêt à tout sacrifier pour un idéal.

Lorsqu’il ajoute «Foedora, c’est la fortune», l’attribut « fortune » est à comprendre de façon polysémique : la fortune désigne à la fois la richesse et le hasard, la chance (cf latin : fortuna, ae, f). Raphaël place la Comtesse au carrefour de sa destinée.

Ainsi les souvenirs de la soirée lui reviennent pêle-mêle : du mobilier aux vêtements en passant par la démarche de Foedora. Tout a séduit Raphaël, ce que confirment les multiples expansions du nom (« beau », « gothique », « à la Louis XIV », « gracieuses », « séduisante »…).

L’adjectif épithète «tentateur» qui qualifie le corsage de la Comtesse est particulièrement révélateur du danger sous-jacent

II – De la rage à la prise de décision

De «Quand j’arrivai dans ma mansarde nue» à «pour arriver promptement au drame»

Le contraste est d’autant plus saisissant lorsque Raphaël rentre dans sa «mansarde nue, froide». La comparaison comique qui suit («aussi mal peignée que la perruque d’un naturaliste») témoigne de sa lucidité cynique : les «images du luxe de Foedora» ne peuvent cohabiter avec sa pauvreté.

Ou si ces deux plans cohabitent, la souffrance atteint son paroxysme. Ainsi, le champ lexical du crime fait craindre l’irruption de la violence : « mauvais conseiller« , « les crimes », « en frissonnant de rage ».

Naît alors progressivement un personnage de plus en plus complexe : révolté contre le contraste insoutenable entre sa pauvreté et la richesse entourant la Comtesse, Raphaël de Valentin valorise néanmoins sa situation. En effet, le terme « misère » est qualifié d’adjectifs mélioratifs «décente et honnête» ; le terme «mansarde» de «féconde».

Sans idéaliser la pauvreté dont il souffre autant mentalement que physiquement (« tout affamé« ), Raphaël reconnaît qu’elle est le terreau de la créativité et du travail intellectuel (« féconde »).

La révolte de Raphaël se traduit par le champ lexical de la religion, omniprésent : « je maudis », « Dieu », « diable », « imprécations ».

Devant une telle injustice, il cherche à trouver un responsable : « Je demandai compte à Dieu, au diable, à l’état social, à mon père, à l’univers entier » . L’énumération et l’accélération du rythme restitue la rage aveugle du personnage. Raphaël apparaît comme un héros romantique, solitaire et incompris de tous.

Mais cette injustice permet au personnage de s’affirmer : « bien résolu de séduire Foedora ». Cette conclusion résonne comme un défi à relever. La participe passé « résolu » souligne la détermination orgueilleuse de Raphaël.

La métaphore « Ce cœur de femme était un dernier billet de loterie chargé de ma fortune » fait écho à son goût immodéré pour le jeu. Sont mis sur le même plan l’amour d’une femme et le gain.

Le hasard lié à la loterie et à l’amour ne l’arrête donc pas : Raphaël fait le choix conscient de s’y soumettre.

Le narrateur-personnage rompt son récit par une ellipse temporelle (« je te ferai grâce de mes premières visites chez Foedora »), il souhaite « arriver promptement au drame ». L’ellipse et le terme « drame » relance l’attention du lecteur en annonçant un événement fatal.

Foedora et Raphaël : l’opposition de deux mondes, conclusion

Le parcours de Raphaël dans Paris rappelle celui qui l’a mené au magasin d’antiquités.

Là aussi désespéré, il ne songe qu’à une solution : l’amour de Foedora ou la mort.

La rencontre avec la Comtesse fait naître dans le personnage des sentiments contradictoires.

D’une part, il est sous le charme du luxe, d’une belle femme ; d’autre part, cela le renvoie à sa propre condition misérable et son peu de chance de séduire la Comtesse.

Mais cet extrait révèle la force de caractère de Raphaël : certes torturé par cette injustice, condamné à accepter son statut social, il transcende sa rage pour aller jusqu’au bout de son destin.

Mais c’est aussi faire preuve d’orgueil que d’outrepasser sa condition et vouloir assouvir son désir, à tout prix. C’est cet orgueil et ce désir violent qui perdront Raphaël, dont le destin sera plus tard attaché à la Peau de chagrin.

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

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