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Voici une analyse linéaire issue de la troisième partie de La Peau de chagrin de Balzac, dans laquelle la peau est mise à l’épreuve de la science.
L’extrait étudié va de « Un morceau ! s’écria Raphaël » à « le monde est un gaz doué de mouvement
».
La peau de chagrin et les scientifiques, introduction
La Peau de Chagrin, roman publié pour la première fois en 1831, occupe une place particulière dans l’œuvre réaliste de Balzac, plus connu pour ses Études de Mœurs.
Ce roman réaliste et fantastique constitue le premier tome des Études philosophiques. (Voir la fiche de lecture de La Peau de chagrin pour le bac de français)
Il narre l’histoire du jeune Raphaël qui découvre chez un vieil antiquaire la Peau de chagrin, peau de bête mystérieuse qui réalise tous les souhaits de son propriétaire. Mais à chaque vœu réalisé, la peau rétrécit, et avec elle, la vie de son propriétaire.
À la fin de La peau de chagrin, Raphaël, désespéré de voir la peau diminuer, consulte de nombreux savants pour tenter d’étendre la Peau de chagrin : naturalistes, mathématiciens, mécaniciens se succèdent. Le mécanicien Planchette et le chimiste Japhet tentent des acides, en vain.
Extrait étudié
— Un morceau ! s’écria Raphaël, pas seulement la valeur d’un cheveu. D’ailleurs essayez, dit-il d’un air tout à la fois triste et goguenard.
La Peau de chagrin, Balzac, troisième partie « L’Agonie ».
Le savant cassa un rasoir en voulant entamer la peau, il tenta de la briser par une forte décharge d’électricité, puis il la soumit à l’action de la pile voltaïque, enfin les foudres de sa science échouèrent sur le terrible talisman. Il était sept heures du soir. Planchette, Japhet et Raphaël, ne s’apercevant pas de la fuite du temps, attendaient le résultat d’une dernière expérience. Le chagrin sortit victorieux d’un épouvantable choc auquel il avait été soumis, grâce à une quantité raisonnable de chlorure d’azote.
— Je suis perdu ! s’écria Raphaël. Dieu est là. Je vais mourir. Il laissa les deux savants stupéfaits.
— Gardons-nous bien de raconter cette aventure à l’Académie, nos collègues s’y moqueraient de nous, dit Planchette au chimiste après une longue pause pendant laquelle ils se regardèrent sans oser se communiquer leurs pensées.
Ils étaient comme des chrétiens sortant de leurs tombes sans trouver un Dieu dans le ciel. La science ? impuissante ! Les acides ? eau claire ! La potasse rouge ? déshonorée ! La pile voltaïque et la foudre ? deux bilboquets !
— Une presse hydraulique fendue comme une mouillette ! ajouta Planchette.
— Je crois au diable, dit le baron Japhet après un moment de silence.
— Et moi à Dieu, répondit Planchette.
Tous deux étaient dans leur rôle. Pour un mécanicien, l’univers est une machine qui veut un ouvrier ; pour la chimie, cette œuvre d’un démon qui va décomposant tout, le monde est un gaz doué de mouvement.
Problématique
En quoi cet extrait témoigne-t-il des limites de la science pour expliquer l’irrationnel ?
Annonce de plan linéaire
Nous verrons tout d’abord que les tentatives vaines des scientifiques (I) conduisent au constat des limites de la science (II). Dans un troisième temps, nous étudierons qu’au-delà de ces échecs, ce sont des conceptions différentes de l’univers qui s’opposent (III).
I – Les vaines tentatives de la science
De « Un morceau ! » à « Dieu est là. Je vais mourir.
»
Chaque scientifique tente de percer la nature de la Peau de chagrin et le chimiste Japhet souhaite pour cela en prélever un morceau.
L’extrait s’ouvre ainsi sur l’exclamation nominale de Raphaël « Un morceau ! (…) pas seulement la valeur d’un cheveu
». Cette exclamation résonne d’abord comme le refus net du propriétaire de la Peau.
Mais très vite, un défi de taille s’impose à ceux qui ne croient pas au pouvoir du talisman, exprimé à l‘impératif par Raphaël : « essayez« .
Les épithètes «triste et goguenard
» soulignent le double état d’esprit de Raphaël : amer face à la destinée funeste qui l’attend et railleur face à l’obstination des savants.
Les actions du chimiste sont énumérées au passé simple : «cassa un rasoir», «tenta de la briser», «soumit à l’action
».
La progression à thème constant (répétition du même sujet : « Le savant cassa un rasoir en voulant entamer la Peau, il tenta de la briser (…) puis il la soumis
« ) témoigne des efforts du savant pour entailler la peau. Les connecteurs logiques insistent sur la démarche scientifique et expérimentale : « puis« , « enfin« .
Mais rien ne peut entailler la peau de chagrin. On se rappelle pourtant que dans le magasin d’antiquités, Raphaël avait réussi à gratter la Peau. Une fois le pacte scellé, elle semble donc totalement inaltérable. Elle résiste également à l’électricité.
La conclusion est la suivante : « les foudres de sa science échouèrent sur le terrible talisman
». Aucune expérience scientifique ne vient à bout de la Peau de chagrin. Les essais des personnages, désignés par la périphrase hyperbolique « les foudres de sa science », son vains face au « terrible talisman
« . L’adjectif « terrible » ainsi que l’adjectif « épouvantable » font signe vers la tragédie, censée inspirer terreur et pitié.
La dernière expérience fait appel « à une quantité raisonnable de chlorure d’azote
», en vain.
La seconde conclusion est sans appel : « Le chagrin sortit victorieux
». La peau de chagrin est ici sujet d’un verbe d’action (« sortit« ), ce qui souligne son pouvoir, sa supériorité. Le combat de Raphaël est perdu et échappe à toute rationalité.
Ce premier mouvement s’achève sur trois phrases brèves criées par Raphaël : « Je suis perdu ! (…) Dieu est là. Je vais mourir.
»
C’est le registre tragique qui prédomine dans cette réplique puisque Raphaël prend conscience que la lutte scientifique est vaine. La structure en chiasme restitue le désespoir du personnage, qui ne peut échapper à son destin funeste : « Je suis perdu ! s’écria Raphaël. Dieu est là. Je vais mourir«
II – Les limites de la science
De «Il laissa les deux savants stupéfaits» à «comme une mouillette! ajouta Planchette.
»
Face à l’impuissance de la science, Planchette et Japhet restent cois, comme l’indique le complément circonstanciel : «après une longue pause pendant laquelle ils se regardèrent sans oser se communiquer leurs pensées
».
Leur première réaction relève implicitement de la méfiance, voire de la honte : l’usage de l’impératif présent («Gardons-nous bien de raconter
») et du conditionnel présent («nos collègues s’y moqueraient de nous
») le suggèrent. En effet, leur expérience va à l’encontre des préceptes rationnels de l’Académie.
La comparaison qui suit va plus loin : « comme des chrétiens sortant de leurs tombes sans trouver un Dieu dans le ciel ».
La comparaison est surprenante car elle crée un parallélisme entre la foi religieuse et la démarche scientifique. Balzac compare en effet les savants à des chrétiens croyant en la Résurrection, qui découvriraient que Dieu n’existe pas. À l’instar de ces Chrétiens, les deux savants se trouvent dans une situation insensée. Balzac renvoie ainsi dos à dos deux systèmes de pensée.
De là, leurs repères (« la science », « les acides », « la potasse rouge », « la pile voltaïque
») sont ébranlés.
Face à chaque interrogation se trouve une réponse cinglante : le vocabulaire utilisé (« impuissante », « eau claire », « déshonorée », « deux bilboquets
») est péjoratif. Le rythme saccadé, avec la succession de phrases nominales interrogatives et exclamatives, relègue la science au rang d’expérience inefficace, voire de vulgaire jeu d’enfant.
La comparaison prosaïque « Une presse hydraulique fendue comme une mouillette !
» confirme le constat extraordinaire des savants : la force d’une machine ne peut rien contre la Peau de chagrin. Cette dernière est d’une résistance hors-norme, ce qui étonne et inquiète les savants.
III – Des lectures différentes de l’univers
De «Je crois au diable» à «un gaz doué de mouvement
»
L’affirmation de Japhet (« Je crois au diable
») et de Planchette (« Et moi à Dieu
») montrent que la scène est une révélation : une force supérieure s’exerce, sans qu’ils sachent si elle est positive ou négative.
Le « moment de silence
» accentue la solennité de cette révélation.
Dans une phrase à la structure binaire, le narrateur précise le rôle de chacun : « pour un mécanicien, l’univers est une machine qui veut un ouvrier; pour la chimie, cette oeuvre d’un démon qui va décomposant tout
».
La métaphore entre l’univers est la machine rappelle la conception déiste du monde, où Dieu est perçu comme l’architecte suprême, le grand horloger. Dieu semble ici assimilé à « l’ouvrier », à l’origine de la machine.
Mais pour le chimiste, la peau est l’œuvre du diable qui va « décomposant tout », c’est à dire instaurant le désordre, défaisant l’œuvre de Dieu.
L’aphorisme «le monde est un gaz doué de mouvement
»au présent de vérité générale cherche à expliquer le monde par les gaz.
Les deux savants illustrent donc deux conceptions différentes de l’univers, deux forces à l’œuvre dans l’univers, Dieu et le diable, le bien et le mal. Cette dualité du monde garde ses mystères, comme le montre l’impuissance des savants à étendre la surface d’un cuir.
La peau de chagrin face aux tentatives de la science, conclusion
Dans cet extrait, se heurtent deux types de personnages : les savants et Raphaël. Les premiers voient leurs expériences mécaniques et chimiques échouer les unes après les autres, sans pouvoir proposer d’explication rationnelle au rétrécissement de la peau.
Cet extrait fait ainsi se rencontrer deux façons de concevoir la vie qui correspondent à deux genres littéraires : l’une, naturaliste qui consiste à expliquer l’univers par le mouvement de gaz ou par la mécanique ; l’autre, fantastique qui croit à l’irrationnel sans pouvoir le prouver par l’expérience scientifique.
Balzac fait triompher le fantastique : la Peau de chagrin est toute-puissante, inaltérable et résiste à toute démonstration scientifique.
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