Le déserteur, Boris Vian : commentaire

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monsieur le président je vous fais une lettreVoici un commentaire littéraire du poème « Le déserteur » de Boris Vian.

Le déserteur, Boris Vian, introduction

Boris Vian (1920-1959) est un écrivain protéïforme.

Ingénieur de métier, il est aussi un poète et un musicien, trompettiste, passionné de jazz.

En 1954, il écrit des poèmes qui s’interrogent sur la liberté de l’homme.

Cette année-là, La France est prise entre la fin de la guerre d’Indochine et le début de la guerre d’Algérie.

Bioris Vian ne trouve pas de sens à ces guerres coloniales et défend un pacifisme et un antimilitarisme dont « Le Déserteur » est un modèle.

Questions possibles à l’oral de français sur « Le déserteur » de Boris Vian

♦ En quoi « Le déserteur » constitue-t-il une critique de la guerre ?
♦ La révolte dans « Le Déserteur »
♦ Quel est le rôle du poète dans « Le Déserteur » ?
♦ En quoi « Le Déserteur » est-il un hymne à la paix ?

Annonce du plan :

Si « Le Déserteur » est une lettre ouverte au Président, (I) elle est aussi une satire de la guerre (II) qui combat la mort et la guerre par la poésie et la chanson (III)

 Lire le poème « Le déserteur »

 I – Une lettre ouverte au Président

 A – Une lettre

Le poème « Le déserteur » se présente comme une lettre ainsi qu’en témoigne le champ lexical de la correspondance : « Monsieur », « lettre », « lirez », «je vous dise ».

Boris Vian met en place un schéma de communication clair entre un « je » scripteur (« Je », mon », « ma » « mes », « m’ ») et un destinataire bien identifié : « Monsieur le Président ».

Comme dans une lettre, l’apostrophe « Monsieur le Président » se trouve au premier vers du texte et à la fin de la troisième strophe avant la formule conclusive.

Le poème maintient une distance respectueuse entre le locuteur et son destinataire comme le montrent les modalisateurs « peut-être » et « si vous avez le temps » qui suggèrent la politesse et le respect du protocole.

Comme une dans lettre, on retrouve un ancrage spatio-temporel précis avec :
♦ Des mentions temporelles ( « mercredi soir », « Quand j’étais prisonnier », « Demain de bon matin »)
♦ Des mentions spatiales (« routes de France », « de Bretagne en Provence »).

B – Une lettre ouverte

Il ne s’agit toutefois pas d’une lettre privée mais d’une lettre ouverte au président de la République (il s’agissait de René Coty en 1954).

Le style adopté est simple et proche du parler populaire : « je vous fais une lettre », « pauvres gens », « C’est pas pour vous fâcher », « Je m’en vais déserter » , « Elle est dedans sa tombe », « au nez des années », « Vous êtes bon apôtre » .

La simplicité du vocabulaire donne un caractère naïf et enfantin au locuteur. On retrouve par exemple l’emploi anaphorique du verbe « faire », souvent utilisé par les enfants : « faire une lettre », « faire (la guerre) » .

Ce style simple met en valeur la sincérité de la lettre. Boris Vian montre que ce poème est écrit sans artifice et crée ainsi un sentiment d’identification entre le poète et le lecteur.

Ce sentiment d’identification permet au poète de mieux faire passer son message.

Alors que la lettre paraît au départ personnelle (elle met face à face le « Je » et le « vous » qui caractérise le président), Boris Vian utilise par la suite la deuxième personne du pluriel (vous) pour lancer un appel à la population (« Refusez », « Refusez », « N’allez », « Refusez »).

Ce mouvement d’ouverture correspond à la logique d’une lettre ouverte qui prend à témoin la population.

Transition : Si Boris Vian prend à témoin la population, c’est pour montrer les méfaits de la guerre.

 II – Une critique de la guerre

A – La guerre : une tragédie

Boris Vian représente la guerre comme une tragédie.

Le champ lexical de la douleur (« pauvres », « mourir », « partir », « pleurer », « tombe », « guerre », « sang ») éveille terreur et pitié devant la violence de la guerre.

L’effet pathétique est accentué par la litote « J’ai vu partir mes frères » qui couvre la mort d’un voile pudique pour masquer la violence et la barbarie de la guerre.

Le sentiment d’horreur transparaît dans le tableau réaliste de la mort avec les « vers » qui rongent un corps en putréfaction : « Et se moque des vers » .

Les parallélismes qui créent un effet de répétition et de circularité qui suggère l’enfermement tragique dans le cycle infernal de la guerre :

♦ « J’ai vu mourir mon père / J’ai vu partir mes frères »
♦ « Et se moque des bombes / Et se moque des vers »
♦ « On m’a volé ma femme / On m’a volé mon âme »

Ces répétitions donnent un rythme litanique au poème et ressemble à la prière des morts.

Le sentiment d’enfermement tragique est accentué par le champ lexical de la clôture (« dedans », « tombe », « prisonnier », « fermerai »).

Le champ lexical de la famille donne l’impression que la guerre vient décimer une lignée entière comme dans les tragédies (par exemple comme la famille des Atrides dans la tragédie grecque) : « mon père », « mes frères », « ma mère », « mes enfants », « ma femme » , « mon âme » .

Les déterminants possessifs (« mon », « mes », « mes », ma ») renforcent le lien affectif qui unissait le poète et sa famille, soulignant la douleur du poète qui a tout perdu.

L’étude minutieuse des rimes suggère que la vie n’a plus sa place dans ce poème.

En effet, les vers de ce poème sont embrassés selon le schéma ABBA. Or les premiers et quatrième vers de la strophe 2 et 3 ne riment pas :

Depuis que je suis
J’ai vu mourir mon père
J’ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants

♦ Je mendierai ma vie
Sur le routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens

Ces « intrus » qui ne riment pas entre eux donnent l’impression que la vie, la jeunesse n’a plus sa place dans une France guerrière.

B – Un engagement pacifiste

Boris Vian prend un engagement pacifiste dans « Le déserteur » :

Alors que la première strophe contient des verbes au présent et la deuxième strophe des verbes au passé, la fin du poème contient des verbes au futur (« fermerai », « mendierai », « dirai », « aurai ») comme si le poète reléguait la guerre dans les oubliettes du passé et traçait les contours d’un futur pacifique et radieux.

Le poème prend aussi une tonalité militante comme le montre le champ lexical de la volonté : « Je ne veux pas », « Ma décision », « déserter », « je dirai », « Refusez ».

L’anaphore du verbe « Refusez » placé en début de vers résonne comme un tract politique. Pour le lecteur de 1954, ce verbe évoque l’appel à la résistance qui reste très présent dans la mémoire française (14 ans après l’appel du 18 juin 1940).

L’impératif (« Refusez« , « Allez« ) marque la révolte du poète engagé.

Le vers ironique « Vous êtes bon apôtre » est polémique car il assimile le président René Coty à un évangélisateur de la guerre et de la mort.

Cet engagement pacifiste a d’ailleurs occasionné une modification importante du texte.

En effet, une première version du poème se terminait par :

Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je tiendrai une arme
Et que je sais tirer
.

Le poète Marcel Mouloudji a réécrit avec Boris Vian la fin du poème pour lui donner une dimension pacifiste et antimilitariste clairement affirmée :

Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que je n’aurai pas d’armes
Et qu’ils pourront tirer
.

Transition : La lutte pour la paix passe par l’affirmation de la poésie, instrument de concorde et de paix entre les hommes.

III – Une chanson poétique

A – Un combat poétique

Le poète se transforme en militant politique, mais un militant itinérant et rêveur comme le montre le champ lexical du voyage : « irai », « chemins », « mendierai », « routes », « Bretagne en Provence » « n’allez pas ».

Cette itinérance rêveuse fait songer à Rimbaud.

Ainsi, le comme « J’irai sur les chemins » de Boris Vian rappelle le « j’irai dans les sentiers » dans « Sensation » de Rimbaud.

Le vers « Je mendierai ma vie » rappelle aussi la liberté désargentée de Rimbaud dans le poème « Ma Bohème ».

Le combat de Boris Vian contre la guerre rejoint ainsi en 1954 le combat de Rimbaud contre la guerre de 1870 (exprimée notamment dans « Le Mal » ou « Le Dormeur du val »).

A travers cette intertextualité, Boris Vian veut montrer que la poésie peut transformer le monde.

D’ailleurs, la polysémie du « Et se moque des vers » suggère que la guerre et la mort (le vers qui ronge le corps) peut se transformer en beauté (le vers poétique).

La poésie s’affirme donc comme une lutte contre la mort.

Avec les verbes au futur (« mendierai ma vie », « dirai », « Je n’aurai pas »), la parole du poète se fait d’ailleurs prophétique.

Quant à la répétition anaphorique « Refusez », elle place le poète dans une position de guide spirituel qui montre la direction à suivre.

B – Une chanson

Boris Vian transforme cette lettre ouverte en chanson qui redonne beauté et unité à un monde dévasté par la guerre.

La musicalité du poème apparaît dans lallitération en (m) de la deuxième strophe :
♦ « mourir mon père…On m’a volé ma femme / On m’a volé mon âme…Demain de bon matin »
Le son (m) rappelle la présence de la première personne et donne une douceur rythmique maternelle et protectrice.

Les effets d’échos sonores « Demain de bon matin » ou « Au nez des années mortes » créent une harmonie réparatrice qui vient panser les plaies de la guerre.

Boris Vian reprend aussi dans « Le déserteur » l’esthétique du jazz. Les répétitions binaires rappellent le rythme du swing :
♦ « J’ai vu mourir / J’ai vu partir» ;
♦ « Et se moque des bombes / Et se moque des vers »;
♦ « On m’a volé / On m’a volé »

Le rythme syncopé du jazz dit à la fois la violence de la guerre mais est aussi un hymne à la liberté créatrice et artistique.

Le déserteur, Boris Vian, conclusion

Boris Vian est un poète pacifiste qui a mis son art au service de sa cause : la concorde et la paix dans un monde.

On retrouve cet hymne à la paix et à la liberté dans un autre poème de Boris Vian : « l’Evadé ».

Le courant existentialiste relaie dans les années 50 et 60 cette promotion de l’engagement de l’écrivain au profit de causes politiques et morales.

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Amélie Vioux

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