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Voici une analyse linĂ©aire de l’acte III scène 8 de On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset.
La scène de dénouement est analysée ici dans son intégralité.
On ne badine pas avec l’amour, acte III scène 8, introduction
Dans sa préface de Cromwell (1827), Victor Hugo a fait de la rupture de l’unité classique et du mélange des genres des principes essentiels au drame romantique.
La pièce de théâtre On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset rĂ©pond Ă cette dĂ©finition : publiĂ©e en 1834, puis parue et enfin jouĂ©e en 1861 Ă la ComĂ©die Française, soit quatre ans après la mort du dramaturge, elle mĂŞle la lĂ©gèretĂ© du badinage amoureux entre Perdican et Camille, entre Perdican et Rosette, l’explosion de sentiments exacerbĂ©s et la mise en Ĺ“uvre d’un mĂ©canisme tragique implacable. (Voir la fiche de lecture pour le bac sur On ne badine pas avec l’amour)
Après le coup de théâtre de la révélation des mensonges de Perdican par sa cousine, le lecteur-spectateur est ici témoin de nouveaux coups de théâtre.
Le texte étudié est le dénouement : il porte sur la scène 8 de l’Acte III en intégralité.
Texte analysé
Scène VIII.
(Un oratoire.)
Entre Camille, elle se jette au pied de l’autel.M’avez-vous abandonnée, ô mon Dieu ? Vous le savez, lorsque je suis venue, j’avais juré de vous être fidèle ; quand j’ai refusé de devenir l’épouse d’un autre que vous, j’ai cru parler sincèrement devant vous et ma conscience, vous le savez, mon père ; ne voulez-vous donc plus de moi ? Oh ! pourquoi faites-vous mentir la vérité elle-même ? Pourquoi suis-je si faible ? Ah ! malheureuse, je ne puis plus prier !
(Entre Perdican.) PerdicanOrgueil, le plus fatal des conseillers humains, qu’es-tu venu faire entre cette fille et moi ? La voilà pâle et effrayée, qui presse sur les dalles insensibles son cœur et son visage. Elle aurait pu m’aimer, et nous étions nés l’un pour l’autre ; qu’es-tu venu faire sur nos lèvres, orgueil, lorsque nos mains allaient se joindre ?
Camille
Qui m’a suivie ? Qui parle sous cette voûte ? Est-ce toi, Perdican ?
PerdicanInsensés que nous sommes ! nous nous aimons. Quel songe avons-nous fait, Camille ? Quelles vaines paroles, quelles misérables folies ont passé comme un vent funeste entre nous deux ? Lequel de nous a voulu tromper l’autre ? Hélas ! cette vie est elle-même un si pénible rêve ! pourquoi encore y mêler les nôtres ? Ô mon Dieu ! le bonheur est une perle si rare dans cet océan d’ici-bas ! Tu nous l’avais donné, pêcheur céleste, tu l’avais tiré pour nous des profondeurs de l’abîme, cet inestimable joyau ; et nous, comme des enfants gâtés que nous sommes, nous en avons fait un jouet. Le vert sentier qui nous amenait l’un vers l’autre avait une pente si douce, il était entouré de buissons si fleuris, il se perdait dans un si tranquille horizon ! Il a bien fallu que la vanité, le bavardage et la colère vinssent jeter leurs rochers informes sur cette route céleste, qui nous aurait conduits à toi dans un baiser ! Il a bien fallu que nous nous fissions du mal, car nous sommes des hommes. Ô insensés ! nous nous aimons.
(Il la prend dans ses bras.)Camille
Oui, nous nous aimons, Perdican ; laisse-moi le sentir sur ton cœur. Ce Dieu qui nous regarde ne s’en offensera pas ; il veut bien que je t’aime ; il y a quinze ans qu’il le sait.
Perdican
Chère créature, tu es à moi ! (Il l’embrasse ; on entend un grand cri derrière l’autel.)
Camille
C’est la voix de ma sœur de lait.
Perdican
Comment est-elle ici ? je l’avais laissée dans l’escalier, lorsque tu m’as fait rappeler. Il faut donc qu’elle m’ait suivi sans que je m’en sois aperçu.
CamilleEntrons dans cette galerie ; c’est là qu’on a crié.
Perdican
Je ne sais ce que j’éprouve ; il me semble que mes mains sont couvertes de sang.
Camille
La pauvre enfant nous a sans doute épiés ; elle s’est encore évanouie ; viens, portons-lui secours ; hélas ! tout cela est cruel.
Perdican
Non, en vérité, je n’entrerai pas ; je sens un froid mortel qui me paralyse. Vas-y, Camille, et tâche de la ramener. (Camille sort.) Je vous en supplie, mon Dieu ! ne faites pas de moi un meurtrier ! Vous voyez ce qui se passe ; nous sommes deux enfants insensés, et nous avons joué avec la vie et la mort ; mais notre cœur est pur ; ne tuez pas Rosette, Dieu juste ! Je lui trouverai un mari, je réparerai ma faute, elle est jeune, elle sera heureuse ; ne faites pas cela, ô Dieu ! vous pouvez bénir encore quatre de vos enfants. Eh bien ! Camille, qu’y a-t-il ? (Camille rentre.)
Camille
Elle est morte. Adieu, Perdican !
On ne badine pas avec l’amour, Musset, acte III scène 8
Problématique
En quoi cette scène constitue-t-elle une déclaration d’amour tragique qui repose sur deux coups de théâtre ?
Plan linéaire
Dans un premier temps, notre analyse portera sur le premier coup de théâtre lyrique que constitue l’aveu amoureux des cousins.
Dans un second temps, nous étudierons le second coup de théâtre tragique que constitue la mort de Rosette et qui sépare à jamais les amants.
I – Une dĂ©claration d’amour commune : le premier coup de théâtre
Du début à la didascalie « (Il l’embrasse ; on entend un grand cri derrière l’autel.)
Le cadre spatial n’est pas anodin : la scène se passe dans un oratoire et l’autel est central : d’après la didascalie, Camille s’y jette. La force et la spontanéité de ce mouvement suggère une révélation sincère à venir.
La dimension religieuse imprègne les propos des personnages puisque Camille entre sur scène en lançant « M’avez-vous abandonnée, ô mon Dieu
», réminiscence biblique de Jésus crucifié, implorant Dieu.
Le champ lexical religieux est omniprésent : « j’avais juré », « être fidèle », « ma conscience », « prier », « mon père
» et l’évocation des deux péchés que sont le mensonge et l’orgueil.
Camille est seule sur scène quand elle s’adresse directement à Dieu par le vouvoiement.
Elle rappelle son engagement passé de vie religieuse, comme l’illustre le recours au plus-que-parfait de l’indicatif « j’avais juré de vous être fidèle
» et la proposition subordonnée circonstancielle de temps « quand j’ai refusé de devenir l’épouse d’un autre que vous
».
Le désarroi de Camille est palpable : elle répète l’expression « Vous le savez
» et évoque l’écart entre son vœu passé et sa conduite actuelle qu’elle ne dévoile pas de façon explicite.
Son émoi se traduit aussi par les interjections « Oh ! » « Ah ! malheureuse ! » et par la répétition des deux adverbes interrogatifs « pourquoi » qui soulignent une véritable remise en question douloureuse de sa foi.
L’oxymore faire « mentir la vérité elle-même
» souligne la contradiction intérieure qui l’habite.
Lorsque Perdican entre sur scène, le lecteur-spectateur comprend d’emblée qu’il voit sa cousine, sans être en vu en retour.
Sa réplique s’articule autour d’un autre conflit, centré sur l’orgueil, personnifié par le superlatif « le plus fatal des conseiller humains
» et plus loin par l’apposition ; à ses yeux, c’est ce péché qui a rendu impossible la relation amoureuse entre Camille et lui.
Au fur et à mesure, le lecteur-spectateur voit la scène, grâce au commentaire de Perdican qui montre une jeune fille éplorée : « La voilà pâle et effrayée, qui presse sur les dalles insensibles son cœur et son visage.
»
L’intensité du moment est telle qu’elle est matérialisée par l’hypallage du groupe nominal « les dalles insensibles
».
Le destin des personnages semble scellé d’avance, comme l’indique l’irréel du passé : « Elle aurait pu m’aimer, et nous étions nés l’un pour l’autre.
»
Mais Camille réagit à la présence et à la voix de Perdican, comme le montrent ses trois questions de plus en plus précises : « Qui m’a suivie ? Qui parle sous cette voûte ? Est-ce toi, Perdican ?
»
La réplique de Perdican prend un tour lyrique comme l’illustre la ponctuation expressive, les interjections (« Hélas ! » « O mon Dieu ! »
), la métaphore du songe empruntée au dramaturge espagonl Calderon (« Quel songe avons-nous fait », « cette vie est elle-même un si pénible rêve
»), et la métaphore filée du chemin de vie.
La réplique de Perdican est construite de façon circulaire car elle s’ouvre et se ferme sur une phrase presque identique, soulignant son enfermement : « Insensés que nous sommes ! nous nous aimons. », puis à la fin, « Ô insensés ! nous nous aimons.
»
Il déplore leurs paroles – qualifiées par l’épithète « vaines » et leurs actions passées – qualifiées par l’épithète « misérables » : implicitement, il fait référence aux propos mensongers et durs qu’ils ont pu tenir, ainsi qu’à leurs actions (la déclaration d’amour à Rosette, la lettre de Camille).
La comparaison « comme un vent funeste entre nous deux
» montre combien les effets de ces jeux (les paroles, les folies) sont délétères.
Perdican s’exprime avec emphase et par métaphores filées.
La première est celle du bonheur comme trésor : « le bonheur est une perle si rare dans cet océan d’ici-bas ! Tu nous l’avais donné, pêcheur céleste, tu l’avais tiré pour nous des profondeurs de l’abîme, cet inestimable joyau
».
La deuxième est celle du chemin de vie : « Le vert sentier qui nous amenait l’un vers l’autre avait une pente si douce, il était entouré de buissons si fleuris, il se perdait dans un si tranquille horizon !
»
Ces deux métaphores finiront par se mêler, comme on peut le lire dans l’expression « jeter leurs rochers informes sur cette route céleste
».
Perdican assume sa part de responsabilité en se comparant à « des enfants gâtés
» inconscients du bonheur qu’ils tenaient. Il y voit le signe de trois maux énumérés : « la vanité, le bavardage et la colère
».
Perdican use d’une rhĂ©torique religieuse, notamment dans la proposition coordonnĂ©e « car nous sommes des hommes.
» : ce sont les faiblesses humaines de Camille et Perdican qui sont Ă l’origine de leur malheur.
Le rapprochement physique entre Perdican et Camille se fait enfin, d’après la didascalie : « Il la prend dans ses bras
.  »
Et pour la première fois, Camille ne rejette pas son cousin et avoue au contraire son amour, avec l’emploi de la première personne du pluriel : « Oui, nous nous aimons, Perdican
».
Le coup de théâtre est magistral matérialisé par des asyndètes, ce qui accentue l’effet de surprise car elle ajoute, devant l’autel : « Ce Dieu qui nous regarde ne s’en offensera pas ; il veut bien que je t’aime ; il y a quinze ans qu’il le sait.
»
Camille a donc tu son amour pour son cousin, par dévotion. Son éducation religieuse lui a en effet interdit d’aimer un autre que Dieu.
Ce premier mouvement s’achève sur une exclamation totale de Perdican : « Chère créature, tu es à moi !
», qui s’ensuit d’un baiser et d’un cri derrière l’autel, comme on peut le lire dans la didascalie.
II – Un deuxième coup de théâtre tragique
De « C’est la voix de ma sœur de lait
» à la fin
La réplique de Camille résonne comme un second coup de théâtre car elle dévoile l’identité de cette voix par le complément du nom « de ma sœur de lait
».
Perdican montre son étonnement par la question « Comment est-elle ici ?
». Il comprend que Rosette a été le témoin privilégié de leur déclaration d’amour et de leur baiser : « Il faut donc qu’elle m’ait suivi sans que je m’en sois aperçu.
» Cette remarque souligne le rĂ´le de Perdican dans ce dĂ©nouement : son comportement irresponsable Ă l’Ă©gard de Rosette, qu’il a laissĂ© seule, va le perdre.
Camille prend les devants afin de retrouver Rosette, comme on peut le noter dans l’impératif présent : « Entrons dans cette galerie
».
Perdican, quant à lui, semble perdu (« Je ne sais ce que j’éprouve
») et dit « il me semble que mes mains sont couvertes de sang.
» Le recours à un verbe d’état et à une image visuelle tragique laisse présager une fin funeste.
Mais Camille se montre plus rassurante, en la nommant de façon affectueuse par le groupe nominal « la pauvre enfant
».
Elle met ce cri sur le compte d’un évanouissement et son empressement est palpable dans le recours à l’impératif présent : « viens, portons-lui secours
».
Ses derniers mots, « hélas ! tout cela est cruel
», contribuent à dramatiser le moment de la découverte de Rosette pour le lecteur-spectateur.
Mais le mécanisme implacable de la tragédie est à l’œuvre et Perdican n’y peut rien.
Il le sait car il refuse d’entrer. Avant même qu’il soit confronté à l’issue funeste, toute sa réplique est construite sur le champ lexical de la mort : « froid mortel », « paralyse », « meurtrier », mort », « tuez »
, présage de la tragédie qu’il va constater.
Mais outre sa sensibilitĂ©, c’est Ă©galement une rĂ©elle faiblesse – ou lâchetĂ© – qu’il montre. MalgrĂ© tous ses mensonges, il ne se confronte pas seul Ă la rĂ©alitĂ©.
Il presse Camille d’agir à sa place. Le passage entre les deux didascalies « Camille sort » et « Camille rentre » est donc un monologue de Perdican.
Ce monologue est adressé à Dieu, qu’il supplie et auprès de qui il exprime des remords, comme l’illustre les expressions de la défense « ne faites pas de moi un meurtrier ! » ou « ne faites pas cela
».
Ces supplications pathétiques font monter la tension dramatique.
Il prend Dieu à témoin de sa légèreté, ainsi que de celle de Camille : « nous sommes deux enfants insensés, et nous avons joué avec la vie et la mort
». Le thème du jeu est utilisĂ© pour les disculper : il indique que les deux jeunes gens n’avaient pas conscience des consĂ©quences possibles de leurs actions.
Il confesse donc son aveuglement mais il est trop tard pour empĂŞcher le châtiment. Ses tentatives resteront vaines, comme celle d’imaginer Ă Rosette un avenir, au futur de l’indicatif, temps de la certitude : « Je lui trouverai un mari, je rĂ©parerai ma faute, elle est jeune, elle sera heureuse
».
Mais l’issue de sa réplique laisse transparaître son inquiétude, lorsque Camille rentre en scène : « Eh bien ! Camille, qu’y a-t-il ?
».
La réplique de cette dernière se fait en deux temps :
- D’une part, le constat brut de la mort de Rosette «
Elle est morte
», sans fard, sans lyrisme désespéré ; - D’autre part, les mots «
Adieu, Perdican !
» peuvent se comprendre de plusieurs façons. Ainsi, Camille mettrait fin à ses jours ou quitterait Perdican, leur amour étant désormais rendu impossible par la mort d’une jeune fille innocente et trompée.
On ne badine pas avec l’amour, acte III scène 8, conclusion
Ce dénouement est intense par les coups de théâtre qui s’y jouent, ainsi que par l’alliance entre le lyrisme amoureux exacerbé des deux cousins et la mise à nu d’une tragédie où l’amour est rendu impossible.
C’est une scène où chaque personnage dévoile ses sentiments avec force.
Mais les cousins ne sont pas seuls dans l’oratoire. La découverte progressive de la tierce personne, par son cri, par les souvenirs qui lui sont liés ne font que dramatiser une issue comprise par Perdican dès le début : leurs jeux amoureux naïfs se sont avérés dangereux et fatals.
La mort de Rosette leur interdit désormais leur amour, tant leur faute est immense. Musset réussit donc là son drame romantique.
Si le badinage amoureux entre Perdican et Camille pouvait faire songer aux jeux amoureux des personnages de Marivaux (La double inconstance, Les Fausses confidences…), il s’agit chez Musset d’un jeu aux consĂ©quences tragiques et irrĂ©mĂ©diables.
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