Union Libre, Breton : analyse

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union libre breton analyseVoici le commentaire du poème « Union libre » d’André Breton.

Union libre, Breton, introduction de lecture analytique

André Breton publie « Union libre » en  1931, soit sept ans après le Manifeste du Surréalisme (1924) qui pose les principes de la poésie surréaliste : célébration de l’amour, primauté de l’imagination sur la raison, écriture automatique, exploration de l’inconscient, création d’associations de mots inédites.

Le poème « Union libre » est une célébration de la femme du poète (I). Mais l’objectif d’André Breton est surtout poétique : il prône une union libre des mots pour faire place à une nouvelle langue (II).

Questions possibles à l’oral sur « Union libre » d’André Breton

♦ Expliquez le titre du poème « Union libre ».
♦ En quoi le poème « Union libre » s’inscrit-il dans le mouvement surréaliste ?
♦ Quel est l’image de la femme dans ce poème ?
♦ Comment l’amour est-il exprimé dans le poème ?
♦ Breton déclare en 1922 dans Les Mots sans rides : « les mots font l’amour ». En quoi ce poème illustre-t-il cette citation ?

I – Un poème d’amour

A – Un blason

Dans ce poème, André Breton renoue avec la tradition poétique du blason.

Le blason est une forme poétique, très à la mode au 16ème siècle, qui fait l’éloge de la femme aimée en célébrant une ou plusieurs parties de son corps.

C’est exactement ce que fait André Breton dans « Union libre ». Son regard parcourt toutes les parties du corps de son épouse comme en témoigne l’abondant champ lexical du corps : «chevelure », « taille », « bouche », « langue », « cils », « sourcils », « tempes », « épaules », « poignets », « doigts », « aisselles », bras », « jambes », « mollets », « pieds », « cou », « gorge », « seins », « ventre », « dos », « nuque », « hanches », « fesses », « sexe », « yeux ».

Le regard passe d’une partie à une autre selon un ordre logique, par exemple :
♦ « jambes », « mollets », « pieds »
♦ « bouche », « langue », « cils », « sourcils », « tempes
 ».

Pas de démembrement ici ou d’évocation désordonnée et anarchique du corps de la femme : le blason est traditionnel et le regard épouse le corps de la femme de façon à faire ressortir sa logique et son harmonie.

On observe aussi que l’évocation des parties du corps se fait de la périphérie au centre. Ainsi, le premier élément est la chevelure, puis le regard du poète passe aux éléments périphériques (les membres voire les aisselles) pour revenir au centre « sexe » et aux « yeux » éléments traditionnels des blasons poétiques qui évoquent l’âme de la femme.

B – Une divinisation de la femme

« Union libre » procède à une divinisation traditionnelle de la femme aimée.

Tout d’abord, la structure du poème est litanique (= elle fait penser à une prière) car chaque début de vers est construit autour d’une anaphore :

♦ Ma femme à/aux [éléments du corps féminin] de [nom + éventuel adjectif]

Ce poème fait ainsi penser à une prière qui célèbrerait une divinité.

La célébration de la femme est renforcée par les épithètes homériques « ma femme à… » souvent utilisées dans les épopées grecques pour célébrer les héros.

Ensuite, la femme aimée réunit en elle tous les éléments :
Le feu :« feu de bois », « éclairs », « chaleur », « allumettes », « fusée », « feu »;
L’air : « étoiles », « hirondelle », « champagne», « nid de scalares », « éventail », « oiseau », « ornithorynque » « niveau d’air »;
L’eau : « loutre » , « écume de mer », « lit du même torrent », « marine », « placer », « algue », « eau »;
La terre :« sablier », « pierre incroyable », « bâtons », « blé », « taupinière », « rubis », « vif-argent », « grès et amiante », « miroir », « terre » .

La femme aimée devient ainsi un microcosme, c’est à dire un miroir du monde car elle concentre en elle tous les éléments et harmonise les contraires. Cela correspond à la vision surréaliste de l’amour.

Le champ lexical du luxe (« champagne », « rubis », « pierre », « ambre ») rapproche enfin la femme d’un trésor fascinant et mystérieux.

C – Une nouvelle conception de l’amour

Si André Breton idéalise la femme aimée, il n’en donne pas moins une conception de l’amour originale.

Ainsi, en dépit du cadre traditionnel du mariage affirmé par l’anaphore « Ma femme », des images surprenantes révèlent l’originalité de cet amour.

Par exemple, l’ « hostie poignardée »(v.10) suggère la profanation de l’institution du mariage.

Le poète évoque aussi la « prison » (v.61) comme si planait dans cet amour une fascination de l’interdit.

Plusieurs comparaisons font état d’une violence : « dents de tigre » , « aiguille aimantée » , « sous la hache » . La violence suggère l’imprévisibilité de l’amour.

André Breton accentue cette imprévisibilité en jouant avec la tradition du contre-blason.

Le blason énumère les parties du corps de la femme avec des mots élogieux et harmonieux. Or dans « Union libre », certains termes sont dissonants ou incongrus.

Ainsi, Breton associe la femme aimée à un bestiaire varié, poétique parfois (« hirondelle », « oiseau », « cygne ») mais aussi cocasse ou apoétique comme « loutre », « martre », « taupinière », « griffe », « paon », « ornithorynque ».

Le contre blason est traditionnellement destiné à la moquerie ou à la satire. Chez Breton, ce n’est pas tant la femme qui est moquée que la poésie lyrique traditionnelle.

Transition : Breton souhaite en effet inventer un nouveau langage pour véhiculer l’amour tel que le surréalisme l’entend.

II – Un poème surréaliste

A – Une déconstruction de la versification traditionnelle

André Breton déconstruit la poétique traditionnelle.

Au premier regard, « Union libre » n’est pas un poème complètement déstructuré. On y retrouve en effet des éléments de lyrisme traditionnel.

Par exemple, les vers 1, 13, 20, 32 ,63 sont des alexandrins, vers classique pour exprimer le lyrisme amoureux.

Mais à côté des vers pairs (octosyllabes, décasyllabes ou alexandrins), André Breton place des vers impairs (des vers de 11 syllabes aux vv. 7, 8, 18, 24, 27, 34, 39, 69 ou des vers de 13 syllabes au vv.16, 26,36, 62).

En alternant vers pairs et impairs, Breton défait sous nos yeux la forme rigide de l’alexandrin et libère son poème du cadre contraignant de la versification traditionnelle. Il se place ainsi dans le sillage de Verlaine et de Guillaume Apollinaire, adeptes du vers impair et de la forme libre.

Pour les surréalistes, le monde est fondé sur l’imaginaire, le hasard et la liberté. La versification traditionnelle est jugée trop rigide pour exprimer la poéticité du monde. Les formes nouvelles et l’alternance de vers pairs et impairs montrent que le poème est un lieu de mouvement, d’imprévisibilité, voire de chaos et de disharmonie.

B – Une poésie surréaliste

« Union libre » est particulièrement représentatif du surréalisme, mouvement littéraire dont André Breton est le chef de file.

Tout d’abord, ce poème se rapproche du cadavre exquis, un jeu surréaliste inventé en 1925 dans lequel chaque participant complète une phrase sans savoir ce que le participant précédent à écrit. De ce jeu naît des textes surprenants tissés d’associations aléatoires.

Or on retrouve ce type de phrases dans « Union libre » :

♦ Toutes les phrases sont nominales (sans verbe) ce qui favorise le choc des images contradictoires.

♦ Certaines images sont contraires à la réalité mais aussi à la logique :
♦ «  d’empreintes de souris blanche sur la terre blanche »,
♦ « d’ardoise de toit de serre » ,
♦ «  taupinière marine »,
♦ «  Ma femme aux fesses de dos
 ».

On ressent aussi dans ce poème la volonté de Breton d’explorer son inconscient. Les surréalistes étaient en effet très intéressés par les explorations de l’inconscient par Sigmund Freud au début du XXème siècle.

André Breton semble ainsi faire une séance de psychanalyse dans ce poème, en laissant libre cours aux images qui lui viennent à la conscience. On peut d’ailleurs percevoir des sentiments inconscients : possessivité par le déterminant possessif « Ma », culpabilité inconsciente par la mention de la « prison », désir de marginalité par le titre « Union libre » qui est en opposition avec sa situation maritale conforme aux bonnes mœurs.

L’absence de ponctuation corrobore également cette impression : Breton semble s’inspirer de l’écriture automatique, ne cherchant pas à se relire ou à se ponctuer. Il tente d’explorer les régions inconnues de l’inconscient pour en faire la source d’inspiration d’une poésie nouvelle.

C – Une union libre des mots

Ce poème évoque l’union libre avec la femme aimée mais aussi l’union libre des mots.

André Breton dit lui-même dans les Mots sans rides en 1922 : « Les mots font l’amour. ». Or il y a bien dans ce texte une forme d’érotisme littéraire : les mots s’unissent librement pour former des images nouvelles.

Les mots ne s’unissent par totalement par hasard dans ce poème. On observe des rapprochements sémantiques (le lit nuptial est assimilé au lit d’un torrent) ou des rapprochements sonores (la paronomase « Aux seins de spectre de la rose sous la rosée » qui rapproche deux mots aux sonorités proches).

La musicalité relie ainsi les mots entre eux, non pas en se fondant sur le sens, mais en se fondant sur leurs sonorités. Par exemple, les allitérations en [s] et [z] suivantes unissent les mots entre eux au delà de leur sens :

Ma femme aux seins de creuset du rubis
Aux seins de spectre de la rose sous la rosée

Ces rencontres musicales impromptues et libres créent un langage nouveau qui transcende le cadre de la logique et va au delà du réel.

Cette liberté va d’ailleurs jusqu’ à des néologismes (mots inventés) comme « scalares », « imperlé ».

Union libre, Breton, conclusion

A travers « Union libre », Breton réalise une défense et illustration de la poésie surréaliste.

André breton a en effet théorisé le surréalisme dans deux Manifestes de 1924 et 1930. Avec « Union libre »,  il illustre ses théories en reprenant les deux thématiques majeures du surréalisme : l’amour et la libre association des mots.

Il mettra en œuvre ces principes dans L’Amour fou en 1934.

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