La courbe de tes yeux, Paul Eluard : analyse

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la courbe de tes yeux éluardVoici  une analyse du poème « La Courbe de tes yeux » de Paul Eluard.

« La courbe de tes yeux » de Paul Eluard est un poème extrait de son premier recueil : Capitale de la douleur, paru en 1926 et dédié à sa première femme : Gala, sa muse.

Lire le poème « La courbe de tes yeux » (texte)

Nous verrons dans cette lecture analytique que ce poème d’Eluard qui célèbre la femme (I) est marqué par l’influence du surréalisme (II). La femme aimée vient celle qui permet la renaissance du poète et la création poétique (III)

Questions possibles à l’oral sur « la courbe de tes yeux » :

♦ Que représente la femme pour le poète ?
♦ En quoi ce poème reflète-t-il l’influence du Surréalisme ?
♦ Commentez la progression du poème.
♦ Montrez de quelle manière ce texte fait l’éloge de la femme.

I – La célébration de la femme

A – Un poème qui se présente comme un blason

La femme est essentiellement décrite à travers ses yeux, par métonymie.

La référence aux yeux est doublement marquée dans la première strophe : au vers 1, elle est mise en valeur à la césure (« La courbe de tes yeux/fait le tour de mon cœur », 6/6) puis reprise au vers 5 (« C’est que tes yeux/ne m’ont pas toujours vu », 4/6). On a presque un parallélisme.

Les yeux sont également mis en valeur à la dernière strophe où ils apparaissent en fin de vers et soulignés par une épithète méliorative : « Le monde entier dépend de tes yeux purs » (v. 14).

L’éloge de la femme à travers ses yeux fait du poème un blason (court poème qui fait l’éloge d’un objet – généralement le corps féminin ou une de ses parties – dont on énumère les vertus singulières).

Les yeux, au centre du poème, interagissent avec le cœur du poète : « La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur » (v. 1), « Et tout mon sang coule dans leurs regards » (v. 15).

Ce chiasme traduit un partage entre le poète et la femme aimée, à travers les yeux et le cœur qui représentent les sentiments.

La forme courbe des yeux, présente dans le titre (« La courbe de tes yeux ») envahit le poème : « courbe », « tour » (v. 1), « rond », « auréole », « berceau » (v. 2-3), « ailes » (v. 8), « couvée » (v. 11).

Elle est redoublée par l’assonance en « ou » présente quasiment à chaque vers et qui rappelle la sonorité du mot courbe  : « douceur » (v. 2), « tout » (v. 4 et 15), « toujours » (v. 5 et 12), « jour », (v. 6 et 13), « mousse », « sourires » (v. 6-7), « couvrant » (v. 8), « sources », « couleurs » (v. 10), « couvée » (v. 11), « coule » (v. 15).

Cette assonance et celle en « o » traduisent également l’idée de rondeur : « rond » (v. 2), « auréole », « nocturne » (v. 2), « rosée », « roseaux » (v. 6-7), « éclos », « aurores » (v. 11).

Les yeux sont omniprésents.

En outre, la forme circulaire renvoie à l’idée de plénitude et d’unité : « tout » (v. 4 et 15), « toujours » (v. 5 et 12), « couvrant » (v. 8), « entier » (v. 14).

La femme est tout pour le poète. Elle est divinisée par Paul Eluard.

B – Divinisation de la femme

On trouve dans le poème « La courbe de tes yeux » des connotations religieuses : « Auréole » (v. 3), « Ailes » (v. 8), « ciel » (v. 9). La « paille des astres » (v. 12) peut faire écho à la Vierge Marie.

La femme apparaît comme une déesse toute-puissante et créatrice.

Cette idée est soulignée par un bref champ lexical de la maternité et de la naissance : « berceau » (v.3), « éclos », « couvée » (v. 11).

La femme est associée au monde à travers la représentation des quatre éléments :

♦ L’air : « rosée », « vent » (v. 6-7), « Ailes », « ciel » (v. 8-9)
♦ La terre : « Feuilles », « mousse », « roseaux » (v. 6-7)
♦ L’eau : « Bateaux », « mer », « sources » (v. 9-10)
♦ Le feu : « jour » (v. 6), « lumière » (v. 8)

Ses yeux donnent naissance au monde (« Le monde entier dépend de tes yeux purs », v. 14) et apportent la lumière : « Feuilles de jour » (v. 6), « couvrant le monde de lumière » (v. 8), « sources des couleurs » (v. 10), « couvée d’aurores » (v. 11).

Le jaillissement d’images associées aux yeux donne lieu à une accumulation et à une accélération du rythme à la seconde strophe, marqués par la multiplication des virgules (à la fin de chaque vers et à l’intérieur au v. 7) et de la conjonction « et » (vers 6, 9 et 10).

Ce jaillissement d’images correspond au jaillissement de la lumière, du monde et de l’amour.

On retrouve dans cet hymne à la femme, sacralisée par le poète, l’influence du mouvement surréaliste auquel Paul Eluard a contribué.

II – L’influence du Surréalisme

A – Une redéfinition de la réalité à travers les images

Le poème « La courbe de tes yeux » développe à partir des yeux une série d’images et de correspondances insolites.

On note ainsi la présence d’hypallages (figure de style qui consiste à attribuer à un mot ce qu’il conviendrait d’attribuer à un autre) : « Auréole du temps », « berceau nocturne » (v. 3), « Feuilles de jour » (v. 6), « sourires parfumés » (v. 7), « couvée d’aurores » (v. 11), « paille des astres » (v. 12).

Paul Eluard associe à ces images des impressions visuelles, sonores, tactiles et olfactives, à la manière des synesthésies baudelairiennes : « rond de danse et de douceur » (v. 2), « mousse de rosée » (v. 6), « sourires parfumés » (v. 7), « Chasseurs des bruits et sources des couleurs », « Parfums éclos d’une couvée d’aurores » (v. 10-11).

Il libère ainsi les mots et les images de leur sens classique, ordinaire, fidèle au projet surréaliste de porter sur les objets et sur les mots un regard nouveau.

Les yeux, à travers leur connotation astrale (« jour », « lumière », « astres ») représentent ici une ouverture vers la lumière. Ils sont comme une fenêtre ouverte sur le monde extérieur, un monde transformé par l’amour et le regard de la femme.

B – L’amour fou

Le couple formé par le poète et sa muse ne se replie pas sur lui-même.

L’amour ouvre au contraire l’accès à la surréalité, la femme jouant le rôle de médiatrice entre le poète et le monde. Elle devient dès lors indispensable.

Cela engendre une dépendance du poète : « Et si je ne sais plus tout ce que j’ai vécu/C’est que tes yeux ne m’ont pas toujours vu. » (v. 4-5).

Cette relation de cause à effet montre que le poète ne vit qu’à travers les yeux de la femme.

Sans celle qui est « tout », le poète n’est rien.

Cela est souligné au dernier vers avec la métaphore du « sang » qui symbolise la vie : « Et tout mon sang coule dans leurs regards. » (v. 15).

Cette dépendance est renforcée par un parallélisme entre les vers 13 et 14, où l’accent se porte sur le verbe « dépend » : « Comme le jour dépend de l’innocence/Le monde entier dépend de tes yeux purs ».

Ici, l’inversion entre comparé et comparant produit un effet d’attente qui met à nouveau les yeux en valeur.

Le chiasme entre le premier et le dernier vers du poème traduit également cette dépendance entre la vie du poète et sa muse :

« La courbe de tes yeux fait le tour de mon cœur » (v. 1)

« Et tout mon sang coule dans leurs regards. » (v. 15).

La structure circulaire du poème peut souligner la sensation d’enfermement du poète dont l’existence dépend du regard féminin.

III – La renaissance du poète

A – Le passage de la nuit vers le jour

La mise au monde du poète est représentée par le passage progressif de la nuit au jour : « berceau nocturne » (v. 3), « Feuilles de jour et mousse de rosée » (v. 6), « couvée d’aurores » (v. 11), « Comme le jour » (v. 13).

L’opposition entre lumière (« jour », « lumière », « astres » ) et obscurité nocturne », « ne m’ont pas toujours vu ») amène au « point suprême » cher aux surréalistes, point de réunion des opposés où tout s’harmonise.

La reprise de l’image du vers 1 au vers 15 donne au poème une structure circulaire qui s’ajoute à celle du cycle du temps (nuit/jour).

B – Naissance et envolée du poète

La naissance du jour est une métaphore de la (re)naissance du poète grâce au regard de la femme, qui le met au monde.

Le jour est associé à la pureté et à l‘innocence à travers la comparaison des vers 13-14 : « Comme le jour dépend de l’innocence/Le monde entier dépend de tes yeux purs ».

La femme permet alors au poète de voir le monde à travers des yeux d’enfant, donc un regard neuf (dans son essai : Le Peintre de la vie moderne, Baudelaire fait de l’enfant qui « voit tout en nouveauté » et qui « est toujours ivre » un modèle de l’artiste idéal).

Cette naissance s’accompagne d’une envolée poétique à partir de la deuxième strophe.

En effet, une seule et longue phrase se déploie de la deuxième à la troisième strophe, entrecoupée de virgules marquant la juxtaposition des idées fugitives du poète.

A la troisième strophe, les virgules sont moins nombreuses, comme si le poète ne pouvait plus s’arrêter.

A partir du vers 6 jusqu’à la fin du poème, tous les vers sont en décasyllabes alors que la première strophe est composée de trois alexandrins, un octosyllabe et un décasyllabe.

De plus, les rimes présentes à la première strophe (« cœur »/ « douceur » , v. 1-2, « vécu »/ « vu », v. 4-5) disparaissent à la dernière strophe, traduisant les élans spontanés du poète.

Cette exaltation grandissante du poète s’exprime à travers une envolée (figure permettant de traduire les élans de l’âme ou de l’esprit), elle-même marquée par une gradation ascendante allant de la modeste nature (« feuilles », « mousse de rosée », « roseaux », v. 6-7) au ciel et à la mer (v. 9) jusqu’au « monde entier » (v. 14).

La femme redonne vie au poète et contribue à l’éclosion du poème. L’amour se présente alors comme un lieu d’exaltation et de création poétique.

La courbe de tes yeux – conclusion :

Cette analyse a montré que Paul Eluard place la femme au centre de son poème. A partir de la courbe de ses yeux, c’est tout un monde qui apparaît.

Le poète et le monde dépendent de la femme qui donne vie à toute chose et apporte la lumière. On retrouve ce rapport étroit entre la femme et la nature dans d’autres poèmes d’Eluard, comme « Tu te lèves » (Facile, 1935) ou « Je t’aime« .

Cette image divine et sacrée de la femme est représentative du mouvement surréaliste auquel Eluard a participé dans la première moitié du XXème siècle. On songe par exemple au poème « Union libre » d’André Breton qui utilise également la forme du blason pour diviniser la femme aimée.

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Amélie Vioux

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40 commentaires

  • Bonjour Amélie , je te remercie pour le contenu que tu propose qui m’aide énormément , Il y’a une partie de l’analyse que je n’ai pas compris dans l’axe 1 , le chiasme n’est pas censé être une structure fermée sur une seule phrase alors que ici le chiasme est éffectué entre la ligne 1 et 15

  • Bonjour ! Merci pour cette analyse qui m’aide déjà beaucoup. Je dois préparer un oral et ma professeure demande de faire un lien du recueil Capitale de la douleur avec une oeuvre de notre choix de Dali (nous avons eu une liste de pein. Pensez vous que le portrait d’Eluard par Dali pourrait être un bon choix? Je pourrais alors faire le lien avec ce poème et parler ainsi de la relation Gala/Dali et cela me permettrais également d’expliquer en quoi ce recueil est caractéristique du surréalisme. Je suis un peu perdue et j’ai peur que mon choix ne soit pas assez pertinent… Merci pour votre aide!

  • Professeur en retraite depuis quelques années déjà, j’ai transporté à la déchetterie municipale , la tonne de documentation que j’avais accumulée au cours de ma carrière, persuadée que , adepte de randonnées et de jardinage, je n’en aurais plus besoin.
    Et puis , voilà que d’anciens élèves , des amis me demandent d’aider leurs enfants ou petits enfants dans leurs révisions pour l’E A F de 1ère . Je consulte Internet comme tout le monde et je suis en difficultés pour trouver des travaux dont je partage l’analyse.
    Depuis que j’ai découvert votre site, je me sens plus à l’aise : je partage votre démarche didactique et pédagogique et votre analyse des textes correspond à ce que je pratiquais.
    Je n’ai aucune compétence pour juger de la qualité de votre travail mais je tenais à vous remercier de l’aide que vous m’apportez en cette fin d’année scolaire pour aider et rassurer quelques lycéens.

  • Bonjour,

    Merci pour votre site, il est très utilise! Je progresse rapidement grâce à vous. Je me demandais si la femme est idéalisé dans ce poème d’Eluard ? Merci d’avance.

    Cordialement, Elisa

  • Bonjour, j’ai ce texte à apprendre pour mon oral de français et on m’a parler de la modernité de ce poème sauf que je ne la vois pas ou ne la comprend pas ! Est-ce-que vous pourriez m’expliquer ce point ? Merci

  • Vriament MERCI , UN GRAND MERCI pour ce plan . Votre explication m’aide beaucoup pour mon oral francais .Franchement c’east la plus claire explication

  • Bonjour Amélie
    J’ai le poème « Rosemonde » d’Apollinaire dans mes textes de l’oral, pensez-vous que je peux le rapprocher à ce poème de Paul Eluard? Les deux poètes utilisent la figure de la femme pour accéder à une quête du monde
    Merci d’avance

  • Bonjour Amélie
    Pensez-vous que l’on peut rapprocher ce poème avec « Rosemonde » d’Apollinaire qui utilise également la figure de la femme pour se changer en une quête initiatique du monde?

  • Bonjours Amélie , j’aimerais savoir si tout ce que tu as mis ( même les plus petits détails) sont à dire à l’oral parce que en 7 minutes c’est juste beaucoup trop à dire.

  • Bonjour Amélie, je suis en première ES et ton analyse m’a beaucoup aidé c’est probablement la meilleur et la plus claire qui existe sur Internet!

  • Bonjour Amélie, ton site m’aide beaucoup pour préparer l’oral du bac de français ! Par contre je ne comprend pas comment on sait où se trouve la césure dans un vers.

    • Si j’ai bien compris, la césure se trouve au milieu du vers (un peu là où on fait une pause).
      C’est à dire que, si le vers est un alexandrin, la césure se trouvera entre la sixième et la septième syllabe, et si c’est un décasyllabe, celle-ci se trouvera entre la cinquième et la sixième syllabe ! ^^

      Voilà après il faut qu’il y ait vérification parce que je ne suis pas certaine à 100% 🙂

  • Merci toutes ces analyses, toujours précises et efficaces !
    J’ai commencé à étudier Eluard cette année en français avec La Courbe de tes yeux. Jusque là, je ne le connaissais que très peu, mais je pense qu’il va rapidement intégrer ma bibliothèque !
    Malheureusement, les analyses de ma prof sont toujours très partielles et subjectives. Étant donné que plus un texte me plaît, plus je suis bavarde à l’oral, je suis bien contente que vous nous proposiez une lecture analytique 🙂
    Encore une fois, merci pour tout ce travail !

  • ok! merci! du coup j’ai recopié…!! 😉
    merci beaucoup parce que c’est très clair…je suis en 3ème. c’est pour mon histoire de l’art que j’en avais besoin. Du coup, j’ai résumé, j’espère que j’ai saisi l’essentiel!! 🙂

    • ca fait peut etre allusion au moment ou la Vierge Marie donne naissance a jesus dans une etable, tu sais avec l’etoile qui guide les trois rois mages. Enfin il me semble que c’est ca hein!

  • Merci beaucoup! C’est beaucoup plus complet et plus clair que celle donnée par ma prof de français! Je vais à l’oral beaucoup plus rassurée de tomber sur celui-ci qu’avant!

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