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Voici un commentaire linéaire de «Forêt de Crécy» issu de la nouvelle « En marge d’une plage blanche II » des Vrilles de la vigne de Colette.
L’extrait étudié va de « À la première haleine de la forêt » jusqu’à « durant le jour, dissimule…
»
Forêt de Crécy, Les Vrilles de la vigne, introduction
Les Vrilles de la vigne de Colette est recueil de souvenirs publié en 1908. (Voir la fiche de lecture pour le bac de Sido suivi des Vrilles de la vigne).
La nouvelle intitulée «En marge d’une plage blanche II» réunit essentiellement des évocations de vacances en bord de mer, en baie de Somme, où Colette avait pris l’habitude de se rendre dès l’été 1906.
Ces souvenirs datent de l’âge adulte de l’auteur, née en 1873 et morte en 1954.
Mais dans la Somme, Colette a aussi eu l’occasion de se promener dans la Forêt de Crécy.
Le paysage maritime, son agitation estivale («En baie de Somme», «À marée basse»), sa lumière écrasante («Bain de soleil») y disparaissent pour laisser place aux senteurs et clairs-obscurs du sous-bois solitaire.
Dans cette forêt, l’écrivaine retrouve des sensations anciennes, éprouvées dans l’enfance lors d’excursions solitaires dans les forêts de l’Yonne.
Ce bois réveille ainsi sa complicité ancienne avec la nature.
Problématique
À quel feu d’artifice sensoriel et sensuel Colette nous fait-elle participer dans la description de ce sous-bois ?
Annonce du plan linéaire
De «À la première haleine» à «la tubéreuse
», nous étudierons les retrouvailles de la narratrice avec la nature.
De «Sous la futaie centenaire» à «l’écrase…
», nous analyserons l’inquiétante majesté de la forêt, qui la rendent hostile au commun des hommes.
Enfin, de «Tout près de ma joue» à «dissimule
», nous verrons quelle complicité particulière la narratrice entretient avec cette nature sauvage.
I – Retrouvailles avec la forêt, plénitude des sens
A- L’appel de la forêt
Les retrouvailles avec la forêt sont immédiates comme l’indique le complément circonstanciel de temps « À la première haleine de la forêt
» .
Colette donne l’impression que le souffle de la forêt personnifiée (puisque cette forêt à une « haleine ») passe directement dans son cœur, comme si leurs deux respirations étaient conjointes : «À la première haleine de la forêt, mon cœur se gonfle
».
Aussitôt, les sensations de l’enfance lui reviennent : « Un ancien moi-même se dresse, tressaille
» .
Ces sensations lui parviennent dans un frisson de nostalgie, comme l’expriment l’oxymore «triste allégresse
» et les allitérations en « r » et « s » qui restituent ce frissonnement : «Un ancien moi-même se dresse, tressaille d’une triste allégresse
»
Les métaphores rapprochent Colette d’un animal sauvage qui se «dresse» pour analyser les odeurs et les bruits qu’il reconnaît : «pointe les oreilles, avec des narines ouvertes pour boire le parfum
».
Une synesthésie fait du parfum, élément aérien, un élément liquide(« boire le parfum<
« ). Les senteurs de la forêt provoquent ainsi l’ivresse.
B – Une mer de parfums
Colette dépeint ensuite un sous-bois plein de langueur estivale.
Les senteurs et saveurs sont avivées par la chaleur et l’immobilité de l’air.
En effet, les « allées couvertes
» dessinent un tunnel de verdure, espace clos où le vent tombe et où macèrent de forts parfums : « l’air se balance à peine, lourd, musqué…
». Les deux adjectifs qualificatifs juxtaposés suivi de points de suspension restituent cette lourde stagnation de l’air.
« Le vent se meurt
» dans la forêt de Crécy alors qu’il est vif et puissant dans l’espace maritime.
La métaphore «une vague molle de parfum
» et la force avec laquelle elle entraîne le promeneur («guide les pas
») donnent l’impression d’une mer de senteurs.
C – Suavité sensorielle
La «fraise sauvage»
est comparée à une perle («ronde comme une perle
»). Cette comparaison transforme le fruit en un bijou du sous-bois, beauté pour l’œil, lumineux.
Mais elle «mûrit ici en secret, noircit, tremble et tombe, dissoute lentement en suave pourriture
». Cette énumération de verbes au présent ajoute à l’impression d’immobilité, de lenteur («lentement») et de solitude («en secret»). Ce mûrissement puis ce pourrissement n’a pas de témoin.
Quant à la «suave pourriture framboisée
», elle annonce à la fois la sensualité («suave») et la complexité de ces saveurs et senteurs mêlées : la fraise trop mûre («pourriture
») prend un «arôme» de framboise.
Cet arôme «se mêle à celui d’un chèvrefeuille verdâtre poissé de miel
»: le parfum de la fleur est indissociable de la saveur (le miel).
À la «suave pourriture
» font écho l’adjectif «verdâtre
» et le participe passé «poissé
», qui évoquent des matières gluantes, à la fois repoussantes, mystérieuses et sensuelles.
Enfin, la «ronde de champignons blancs
» apporte une touche de lumière, et évoque l’odeur d’humidité des sous-bois.
Cette «ronde», qui personnifie ces champignons en petits personnages, ce qui donne un mouvement à cette description.
La longue phrase qui évoque la cascade de parfums restitue quant à elle, par sa complexité et l’enchâssement des propositions relatives (« qui mûrit ici…dont l’arôme enivre…
» ), le mélange complexe des senteurs.
La phrase suivante poursuit la personnification des champignons, avec le verbe «naître» («ils sont nés de cette nuit
») et la métaphore de la tête: ils «soulèvent de leurs têtes le tapis craquant de feuilles et de brindilles
».
La description est particulièrement sensuelle : elle fait appel à tous les sens. La vue et le toucher s’associent dans: «ils sont d’un blanc fragile et mat de gant neuf
». L’image du gant cherche à nous donner l’idée de la matière.
«emperlés
» nous fait visualiser leur forme et la manière dont la lumière glisse à leur surface.
L’expression «moites comme le nez d’un agneau
» contribue à les rendre vivants, brillants et humides.
On revient à l’odorat avec «ils embaument la truffe fraîche et la tubéreuse
», fleur au parfum très fort. Quant à la truffe, champignon souterrain, elle évoque l’odeur de la terre mais aussi le goût.
II – Une inquiétante majesté
A – Clair-obscur
Après avoir promené son regard sur le sol, Gabrielle-Sidonie Colette en revient aux feuillages :l’expression «Sous la futaie centenaire
» fait écho à «sous les allées couvertes
» (paragraphe précédent)
On ne voit pas le ciel et le promeneur est dominé de très hauts par ces arbres anciens.
Ainsi, «La verte obscurité», qui «ignore le soleil et les oiseaux
», peint un clair-obscur où le vert prédomine.
L’adjectif «solennelle» et l’absence du chant des oiseaux donnent à ce sous-bois un silence sacré, imposant, confirmé par l’expression «L’ombre impérieuse des chênes et des frênes
».
Cette obscurité empêche une certaine vie d’exister: elle «a banni du sol l’herbe, la fleur, la mousse et jusqu’à l’insecte
».
B- Absence de vie
L’inquiétude gagne alors le promeneur, désigné par le pronom général «nous», puis «on» : «Un écho nous suit, inquiétant, qui double le rythme de nos pas…On regrette…». Ces pronoms anonymisent le promeneur dont les contours s’étiolent.
Seul au milieu des arbres, le promeneur est oppressé par une présence invisible, fantomatique, ainsi qu’en témoigne le champ lexical du surnaturel : « ombre » , « écho » , « nous suit » , « inquiétant » , « double le rythme de nos pas
» .
Les points de suspension miment son inquiétude : il tend l’oreille, s’arrête peut-être pour regarder autour de lui.
Le regard se porte d’abord sur les branches et feuillages où on cherche une trace de vie, d’animation et de joie: «On regrette le ramier, la mésange ; on désire le bond roux d’un écureuil
», ou s’abaisse au solpour chercher «le lumineux petit derrière des lapins
».
Les deux verbes antithétiques, «on regrette», «on désire
», juxtaposés, se font écho, pour désigner le manque.
La chute du paragraphe est d’autant plus frappante que le verbe «écraser» est rejeté à la fin : «Ici la forêt, ennemie de l’homme, l’écrase
».
L’homme, grammaticalement en position d’objet (« l’écrase » ) ne peut que subir la force de la forêt.
Cette phrase, constituée de 12 syllabes, sonne comme un alexandrin (vers de 12 syllabes dans un poème), renforçant le lien entre prose et poésie dans l’écriture de Colette.
III – Complicité avec le monde sauvage
A – Un mot magique
La contemplatrice qu’est Colette se distingue de ces «nous» et «on».
La dernière image la montre ainsi allant physiquement au contact de cette nature, sans crainte, avec un retour à la première personne du singulier: «Tout près de ma joue, collé au tronc de l’orme où je m’adosse, dort un beau papillon crépusculaire
».
Nourrie de sensualité, cette complicité avec la nature se fonde sur une curiosité et un savoir : les paragraphes précédents l’ont montrée capable d’identifier chaque senteur, de nommer plantes («chèvrefeuille», «truffe», «tubéreuse
») et arbres («chênes», «frênes», «orme
»), de dire quand sont apparus les champignons («nés de cette nuit
»).
À présent, c’est ce papillon qu’elle peut identifier, comme le souligne la proposition relative « dont je sais le nom » : «un beau papillon crépusculaire dont je sais le nom: lykénée…
».
Outre le savoir, c’est surtout la magie du mot en lui-même qui résonne dans ces syllabes étranges et ces points de suspension. Ce mot semble être une clé donnant accès aux secrets de la forêt.
B – La danse du papillon, symbole d’une vie cachée
Ce savoir de la nature permet à Colette d’anticiper sur les mouvements du papillon comme le montre les verbes au futur : « ouvrira » , « s’épanouira
» .
Celui-ci devient aussi symbole d’une nature qui ne livre ses secrets qu’à celui qui sait vaincre sa peur du sauvage et le contempler :
Ainsi, ce papillon est invisible à l’œil du promeneur inattentif puisqu’il est «clos, allongé en forme de feuille
».
Le promeneur doit faire preuve de patience car le lychénée « attend son heure
» .
C’est dans la solitude du crépuscule («ce soir, au soleil couché
») et de «l’aube trempée
» qu’il montre ses couleurs.
Ces couleurs sont le symbole de la vie qui habite la forêt: «il ouvrira ses lourdes ailes bigarrées de fauve, de gris et de noir
» . Le papillon porte ainsi les couleurs du soir et de l’automne.
Il brise l’immobilité du sous-bois comme le suggère l’énergique métaphore de la danseuse : «Il s’épanouira comme une danseuse tournoyante
».
Dans ce mouvement, la vivacité de ses couleurs apparaît alors : «montrant deux autres ailes plus courtes, éclatantes, d’un rouge cerise mûre, barrées de velours noirs
».
La comparaison à la cerise mûre, la vivacité du rouge font écho aux fraises du début du passage.
La comparaison finale de ces ailes aux jupons d’une robe de fête («dessous voyants, juponnage de fête et de nuit
») parfaitement dissimulés le jour («qu’un manteau neutre, durant le jour, dissimule…
») confirme l’idée d’une vie secrète de la forêt, qui ne se livre pas au promeneur diurne non initié.
Peut-être ce papillon symbolise-t-il Colette elle-même, qui, suite à sa séparation avec son mari Willy, est montée sur scène de 1906 à 1912.
La forêt de Crécy, Colette, conclusion
Dans «Forêt de Crécy», Colette s’éloigne donc du bord de mer pour se réfugier dans le clair-obscur immobile d’un sous-bois.
Dans cette explosion des cinq sens, l’écrivaine retrouve sa propre nature sauvage, son affinité profonde avec la forêt, même la plus «hostile».
C’est un salutaire retour aux sources.
Dans ces deux pages, Colette montre à nouveau son caractère contemplatif, sa curiosité, son admiration, sa tendresse pour les plantes, les insectes, les petits animaux, et puise dans ce milieu forestier une grande sensualité.
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