Élévation de Baudelaire : analyse

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élévation baudelaire analyseVoici une analyse du poème « Elévation » de Baudelaire, issu du recueil Les Fleurs du Mal (1857).

Élévation, Baudelaire, introduction :

« Elévation » est le troisième poème de la section « Spleen et Idéal » des Fleurs du Mal.

Situé entre « L’Albatros » et « Correspondances », il traduit bien la volonté du poète de s’élever vers l’Idéal.

 Questions possibles à l’oral sur « Élévation » de Baudelaire :

♦ Analysez le mouvement de/dans ce poème ?
♦ Commentez l’opposition entre spleen et idéal dans ce texte.
♦ Quelle vision et quel rôle du poète et de la poésie se dégagent de ce poème ?
♦ De quelle manière ce poème traduit-il l’élan du poète vers l’Idéal ?

Poème étudié

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les éthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,
Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l’air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
S’élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
– Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !

Annonce du plan :

Après avoir étudié comment le mouvement d’élévation progressif est rendu dans ce poème (I) nous verrons que le poète tend à quitter le monde du bas, symbole du spleen, pour s’élever vers les cimes de l‘Idéal (II) grâce au pouvoir libérateur de la poésie (III).

I – Un mouvement progressif d’élévation

A – Un mouvement constant et progressif

Le mouvement est omniprésent dans ce poème.

On trouve ainsi de nombreux verbes de mouvement : « meus », « se pâme », « sillonne » (v. 5 à 7), « Envole-toi », « Va » (v. 9-10), « s’élancer » (v. 16).

Ce mouvement est également marqué par l’énumération de lieux au premier quatrain : « Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées / Des montagnes, des bois, des nuages, des mers / Par delà le soleil, par-delà les éthers / Par delà les confins des sphères étoilées » (v. 1 à 4).

Cette accumulation est renforcée par les prépositions de lieux présents tout au long du poème : « Au-dessus » (v. 1), « Par-delà » (v. 3-4), « dans » (v. 6 et 10), « loin de » (v. 9), « derrière » (v. 13), « vers » (v. 16 et 18), « sur » (v. 19).

Ces prépositions soulignent un mouvement progressif.

Mais la continuité du mouvement est surtout marquée par la syntaxe. En effet, les deux premiers quatrains ainsi que les deux derniers ne sont constitués que d’une seule phrase (soit trois phrases seulement dans le poème), ce qui donne l‘illusion d’un mouvement continu et sans interruption.

B – Un mouvement d’élévation

Ce mouvement progressif est celui d’une élévation.

Cette élévation est marquée tout d’abord par un riche champ lexical de la hauteur et de l’envol : « Au-dessus » (v. 1), « nuages », « soleil », « éthers », « sphères étoilées » (v. 2 à 4), « Envole-toi », « dans l’air supérieur » (v. 9-10), « aile vigoureuse », « s’élancer » (v. 15-16), « alouettes », « cieux », « essor », « plane » (v. 17 à 19).

Ce mouvement d’envol est renforcé par les enjambements qui amplifient le rythme des vers :
« Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde/Avec une indicible et mâle volupté » (v. 7-8);
« Derrière les ennuis et les vastes chagrins/Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse » (v. 13 à 14);
« Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse/S’élancer vers les champs lumineux et sereins » (v. 15 à 16);
« Qui plane sur la vie, et comprend sans effort/Le langage des fleurs et des choses muettes ! »
(v. 19 à 20).

Dans « Elévation », le poète s’adresse directement à son esprit. Il l‘interpelle et l’exhorte à s’élever à travers l’emploi de l’impératif : « Mon esprit, tu te meus » (v. 5), « Envole-toi », « Va », « Et bois » (v. 9 à 11).

Il s’agit ainsi d’une élévation progressive de l’esprit, qui quitte le monde matériel et terrestre pour s’envoler vers le monde spirituel des idées. Ce mouvement est marqué dans le premier quatrain par l’opposition entre monde terrestre et céleste : « étangs », « vallées », « montagnes », « bois », « mers » // « nuages », « soleil », « éthers », « sphères étoilées » (v. 1 à 4).

Transition : Cette opposition entre monde terrestre et monde céleste symbolise une opposition entre Spleen et Idéal.

II – Une opposition entre Spleen et Idéal

A – Une opposition physique et morale

On trouve dans tous le poème « Élévation » une opposition entre Spleen et Idéal. Si cette opposition était spatiale dans le premier quatrain (monde terrestre / monde céleste) , elle est plutôt d’ordre physique et moral dans la suite du poème.

En effet, Baudelaire alterne dans ces strophes représentations du Spleen et de l’Idéal et créée ainsi une série d’oppositions :

♦ Pureté/impureté : « miasmes morbides » (v. 9) // « purifier », « pure » (v. 10-11)

♦ Lumière/ombre : « espaces limpides » (v. 12), « les champs lumineux » (v. 16) // « l’existence brumeuse » (v. 14)

♦ Bonheur/tristesse : « gaiement » (v. 7), « volupté » (v. 8), « Heureux » (v. 15), « sereins » (v. 16) // « les ennuis et les vastes chagrins » (v. 13)

Le poète insiste et met en valeur l’Idéal en appuyant plusieurs de ces termes par une diérèse : « pu/ri/fi/er », « su/pé/ri/eur » (v. 10).

Mais la diérèse a aussi pour effet d’accentuer le sentiment de longueur et d’ennui du Spleen et le caractère inaccessible de l’Idéal.

B – Opposition ou rapprochement ?

En constatant la structure embrassée des rimes, on peut se demander si Baudelaire oppose réellement le monde du Spleen et celui de l’Idéal ou s’il les rapproche.

Notons en effet que ces deux mondes opposés sont paradoxalement rapprochés par la rime :
« vallées » (v. 1) / « étoilées » (v. 4);
« mers » (v. 2) / « éthers » (v. 3);
« miasmes morbides » (v. 9) / « espaces limpides » (v. 12);
« vastes chagrins » (v. 13) / « champs lumineux et sereins »
(v. 16).

De même, dans le dernier quatrain, la paronomase entre « essor » et « effort » (v. 18-19) tend à rapprocher par la sonorité deux termes plutôt éloignés sémantiquement.

Transition : Sans doute Baudelaire utilise-t-il la rime pour mieux mettre en évidence le caractère antithétique de ces deux mondes et mieux marquer leur opposition. Ou bien s’agit-il à travers la fusion des contraires d’une libération poétique ?

III – Une libération grâce au pouvoir de la poésie

A – Les Correspondances

La libération du poète commence avec les correspondances chères à Baudelaire.

On note tout d’abord la présence des quatre éléments :

♦ Eau : « étangs », « mers » (v. 1-2), « nageur », « l’onde » (v. 6), « espaces limpides » (v. 12)

♦ Terre : « vallées », « montagnes », « bois » (v. 1-2), « champs » (v. 16), « fleurs » (v. 20)

♦ Air : « nuages », « éthers », « sphères étoilées » (v. 2 à 4), « l’air supérieur » (v. 10), « alouettes », « cieux » (v. 17-18)

♦ Feu : « le soleil » (v. 3), « Le feu clair » (v. 12).

Ensuite, ces éléments et les sens se mêlent les uns aux autres à travers comparaisons, synesthésies et hypallages :

« Et bois, comme une pure et divine liqueur,/Le feu clair qui remplit les espaces limpides » (v. 11-12);
« les vastes chagrins »;
« une aile vigoureuse »;
« les champs lumineux et sereins » (v. 13 à 16);
« Le langage des fleurs »
(v. 20).

Ce réseau de correspondances permet au poète de se rapprocher un peu plus des sphères de l’Idéal.

B – La musicalité du poème : un poème au style incantatoire

Une incantation est une formule généralement chantée qui envoûte son destinataire afin de l’aider à transgresser la réalité. Or dans « Elévation », la musicalité permet au poète une libération grâce à la poésie.

Le rythme binaire de nombreux alexandrins crée une musique envoûtante :
« Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées » (6/6);
« Par delà le soleil, par delà les éthers » (6/6);
« Par delà les confins des sphères étoilées » (6/6);
« Avec une indicible et mâle volupté » (6/6);
« Le feu clair qui remplit les espaces limpides »
(6/6);

Par ailleurs, les anaphores et les répétitions renforcent ce caractère incantatoire : « Au-dessus » (v. 1), « Par delà » (v. 3-4), « Et » (v. 6, 11), « comme » (v. 6, 11, 17), « Celui qui » (v. 15, 17-19).

Enfin, les allitérations en « m », en « b, en « s » et l’assonance en « on » soulignent le style incantatoire en évoquant le murmure et le bercement des injonctions du poètes à son esprit, telles des litanies : « Au-dessus […] Des montagnes, des bois, des nuages, des mers », « soleil », « sphères » (v. 1 à 4), « Mon esprit, tu te meus », « comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,/Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde », « mâle » (v. 5 à 8), « Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides », « Et bois, comme » (v. 9, 11).

C – Une libération réelle pour le poète ?

La liberté de l’esprit du poète est suggérée par la métaphore filée de l’oiseau : « Envole-toi » (v. 9), « d’une aile vigoureuse » (v. 15), « comme des alouettes/Vers les cieux le matin prennent un libre essor » (v. 17-18).

L’alouette, symbole de médiation entre ciel et terre, représente la volonté du poète de se libérer du monde matériel et terrestre pour s’élever vers le monde spirituel des idées, monde suprême de la poésie où l’on accède au langage de l’invisible : « et comprend sans effort/Le langage des fleurs et des choses muettes » (v. 19-20).

Cependant, on remarque dans le poème une mise à distance progressive du poète par rapport à lui-même.

En effet, le poète évoque d’abord son esprit à la première personne (« Mon esprit » au vers 5) puis s’adresse à lui en le tutoyant : « Mon esprit, tu te meus avec agilité », « Tu sillonnes gaiement » (v. 5, 7).

Mais à partir du troisième quatrain, Baudelaire utilise la troisième personne du singulier, ce qui marque une rupture et une mise à distance de son sujet : « Heureux celui qui peut » (v. 15), « Celui dont les pensers […] prennent un libre essor/ Qui plane sur la vie » (v. 17-19).

Le tiret à la fin du poème accentue la rupture et la distance.

Ainsi, à la fin d’ « Elévation », le poète ne semble plus parler de lui. Il évoque « celui » qui parvient, par l’esprit, à se libérer du monde matériel.

Il semble donc que le monde vers lequel désire s’élever le poète demeure inaccessible.

Conclusion

Après la chute du poète dans « L’Albatros », Baudelaire évoque dans « Elévation » le désir encore inaccessible de s’élever vers un monde supérieur, monde idéal qui permet de se libérer des contraintes matérielles grâce au langage poétique qui donne accès à l’invisible.

L’auteur rêve alors d’une volupté spirituelle et d’un monde aux influences platoniciennes, un monde des idées où règnent les correspondances. Ce thème est d’ailleurs développé dans le poème suivant : « Correspondances ».

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Amélie Vioux

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7 commentaires

  • Merci pour tout ce que vous faites mais je voudrais savoir est ce qu’il y a une possibilité d’avoir un résumé de ces explications linéaires concernant tous ces 12 sujets du BAC (première année )
    Merci

  • Je ne comprends la partie sur les hypallages et les synesthésies (comme Berenice) est-ce que quelqu’un pourrait m’expliquer s’il vous plaît?

    Merci d’avance.

  • Bonjour, je ne comprends pas très bien comment on pourrait répondre ici à la question : Quelle vision et quel rôle du poète et de la poésie se dégagent de ce poème ?
    Merci beaucoup !

  • Bonjours, je ne comprend pas cette partie la du commentaire !

    Ensuite, ces éléments et les sens se mêlent les uns aux autres à travers comparaisons, synesthésies et hypallages :

    ♦ « Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,/Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde /Avec une indicible et mâle volupté » (v. 6 à 8);
    ♦ « Et bois, comme une pure et divine liqueur,/Le feu clair qui remplit les espaces limpides » (v. 11-12);
    ♦ « les vastes chagrins »;
    ♦ « une aile vigoureuse »;
    ♦ « les champs lumineux et sereins » (v. 13 à 16);
    ♦ « Celui dont les pensers comme des alouettes,/Vers les cieux le matin prennent un libre essor » (v. 17-18);
    ♦ « Le langage des fleurs » (v. 20).

    Grâce à ce réseau de correspondances qui libère la réalité grâce à la fusion des contraires, des sens et des éléments, le poète se rapproche un peu plus des sphères de l’Idéal.

    Quelqu’un peut il me l’expliquer simplement ? 🙂
    Merci !

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