Le serpent qui danse, Baudelaire : analyse

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le serpent qui danse baudelaireVoici une analyse du poème de Charles Baudelaire « Le Serpent qui danse », extrait du recueil Les Fleurs du mal (1857).

« Le Serpent qui danse », introduction :

« Le serpent qui danse » de Baudelaire appartient à la section « Spleen et Idéal » des Fleurs du mal. Il fait également partie du cycle de poème consacrés à Jeanne Duval, l’une des maîtresse du poète, associée à l’exotisme (voire à l’érotisme) mais aussi à un amour passionnel source de souffrance. Cette dualité féminine est bien représentée dans « Le Serpent qui danse ».

Questions possibles à l’oral de français sur « Le Serpent qui danse » de Baudelaire :

◆    Quelle vision de la femme nous offre ce poème ?
◆    Que peut-on dire de la progression du poème ?
◆    Que représente le serpent dans ce poème ?
◆    La sensualité dans ce poème.
◆    Comment se manifeste la modernité baudelairienne dans ce texte ?

Annonce du plan

Le voyage sensuel et exotique du poète (I) met en avant une vision ambivalente de la femme (II), bien que cette dernière demeure une riche source d’inspiration poétique (III).

I – Un voyage sensuel et exotique

A – Un voyage sensuel au sein de l’intimité amoureuse

La vision du corps de la femme invite le poète à un voyage des sens et à une rêverie exotique.

L’intimité amoureuse est ainsi marquée dès les premiers vers à travers l’adresse du « je » du poète au « tu » de l’être aimé.

La proximité à la fois sentimentale et spatiale des amants est soulignée par l’apostrophe affectueuse : « chère indolente » (v. 1) et l’évocation du corps dénudé de la femme : « De ton corps si beau/Comme une étoffe vacillante/Miroiter la peau ! » (v. 2-4).

On peut observer un rapprochement physique progressif entre le poète et son amante : « Et ton corps se penche et s’allonge » (v. 25), « Quand l’eau de ta bouche remonte/Au bord de tes dents/Je crois boire un vin de Bohême » (v. 31-33).

La dimension érotique du poème est ainsi marquée par le champ lexical du corps : « corps » (v. 2), « peau » (v. 4), « chevelure » (v. 5), « Tes yeux » (v. 13), « Ta tête » (v. 22), « Ton corps » (v. 25), « ta bouche », « tes dents » (v. 31-32).
Il y a une vision à la fois globale et partielle du corps de la femme, perçu à travers le regard du poète.

Ce tête-à-tête amoureux donne lieu à un voyage sensuel pour le poète.

En effet, tous ses sens sont en éveil et se mêlent dans des synesthésies :
« voir », « étoffe vacillante », « miroiter la peau » (vue+toucher);
« chevelure profonde/Aux âcres parfums» (toucher+goût+odorat);
♦ « bijoux froids » (vue+toucher);
♦ « glaciers grondants » (toucher+ouie)

B – La rêverie exotique du poète

Tout d’abord, le rêve est évoqué directement au vers 11 : « Mon âme rêveuse appareille ».

Le contact avec le corps de la femme donne lieu à un rêve éveillé, un voyage à la fois sensuel et spirituel, un voyage maritime qui mène le poète vers un ailleurs, un monde idéal.

Ainsi le poète se compare à un navire (« Comme un navire qui s’éveille », v. 9) voguant sur les flots de la chevelure de sa bien-aimée : « Sur ta chevelure profonde/Aux âcres parfums,/Mer odorante et vagabonde/Aux flots bleus et bruns » (v. 5 à 8).

La métaphore maritime filée jusqu’à la fin du poème est accentuée par des sonorités douces et apaisantes telles que les allitérations en [v], en [b], en [f], en [m] et en [ch] qui traduisent le bercement des flots : « Comme une étoffe vacillante » (v. 1 à 3), « Sur ta chevelure profonde », « Mer » « vagabonde » (v. 5-8), « Comme un navire qui s‘éveille/Au vent du matin,/Mon âme rêveuse appareille » (v. 9-11) « Se balance avec la mollesse » (v. 21-24), « se penche et s‘allonge/Comme un fin vaisseau/Qui roule bord sur bord »

Cette métaphore de la chevelure-océan est récurrente chez Baudelaire (voir par exemple « La Chevelure » ou encore « Un hémisphère dans une chevelure ») et introduit le thème du voyage vers l’ailleurs, un Idéal caractérisé principalement par l’exotisme.

On trouve en effet tout au long du poème un champ lexical de la mer et de l’exotisme : « âcres parfums » (v. 6), « Mer odorante et vagabonde/Aux flots bleus et bruns » (v. 7-8), « navire » (v. 9), « appareille/Pour un ciel lointain » (v. 11-12), « serpent » (v. 19), « jeune éléphant » (v. 24), « vaisseau », « plonge » (v. 26-27), « eau », « flot » (v. 28-29).

On remarque d’ailleurs que la liquidité est omniprésente dans le poème, tant au niveau lexical que du point de vue des sonorités.

Ainsi, le champ lexical de la liquidité (« mer », « flots », v. 7-8 ; « l’eau », v. 28 et 31 ; « un flot grossi par la fonte/Des glaciers », v. 29-30 ; « Je crois boire un vin de Bohême », v. 33 ; « Un ciel liquide », v. 35) est renforcé par une forte allitération en [l] : « indolente » (v. 1), « vacillante » (v. 3), « chevelure » (v. 5), « flots bleus », « s’éveill» (v. 8-9), « appareille », « ciel lointain » (v. 11-12), « révèle » (v. 13), « où se mêle/L‘or avec le fer » (v. 15-16), « Belle » (v. 18) etc.

De plus, les multiples enjambements (v. 1-4, 5-8, 9-12, 13-16, 19-20, 22-24, 25-28, 29-32, 35-36)  soulignent l’ondulation continue, incessante, des vagues de la chevelure et du corps de la femme.

Transition : Si la femme permet l’accès à l’Idéal, elle reste perçue à travers le regard blessé du poète qui nous offre une vision ambivalente de sa bien-aimée.

II – Une vision ambivalente de la femme

A – Un éloge contrasté

Baudelaire semble faire dans ce poème un éloge de la femme, et plus particulièrement de la beauté de son corps.

Le poète emprunte ici à la poésie traditionnelle le motif du blason, sauf qu’il ne fait pas l’éloge d’une seule partie du corps de la femme mais de plusieurs : la peau, la chevelure, les yeux, la bouche, les dents. Il prouve alors à nouveau sa modernité.

Par ailleurs, cet éloge est soutenu par le registre lyrique, marqué par un lexique affectif et mélioratif mais aussi par une ponctuation expressive et des hyperboles qui traduisent l’émerveillement et l’exaltation du poète : « Que j’aime voir, chère indolente/De ton corps si beau/Comme une étoffe vacillante/Miroiter la peau ! » (v. 1-4), « ta chevelure profonde » (v. 5), « Belle d’abandon » (v. 18), « Un ciel liquide qui parsème/D’étoiles mon cœur ! » (v. 35-36).

Cependant, c’est un éloge contrasté qui laisse entrevoir une certaine ironie et l’amertume du poète.

En effet, la femme est comparée tantôt à un serpent (animal qui symbolise la tentation et figure donc le mal dans la religion chrétienne) : « On dirait un serpent qui danse/Au bout d’un bâton » (v. 19-20) tantôt à un éléphanteau paresseux (et l’on sait que la paresse est l’un des sept péchés capitaux) : « Sous le fardeau de ta paresse[…]Se balance avec la mollesse/D’un jeune éléphant » (v. 21-24).

La comparaison au « jeune éléphant » un peu lourdeau entre quelque peu en dissonance avec la comparaison à la danse gracieuse du serpent ou celle du « fin vaisseau » (v. 26).

D’autre part, l’adjectif qualificatif « vagabonde » (v. 7) pourrait connoter l’infidélité et l’inconstance de Jeanne Duval.

Quant à la comparaison finale au « vin de Bohême/Amer et vainqueur » (v. 33-34), elle met en évidence le caractère éphémère de cette sensation de paix et de bien-être, puisque le vin chez Baudelaire est un paradis artificiel qui ne procure qu’un plaisir temporaire et ne laisse qu’un goût amer.

De plus, l’âme de la femme reste impénétrable au poète, ce qui est accentué par une forte négativité : « Tes yeux où rien ne se révèle/De doux ni d’amer » (v. 13-14).

Enfin, la maîtresse du poète se caractérise aussi par sa froideur : « Tes yeux[…]Sont deux bijoux froids » (v. 13-15), « glaciers grondants » (v. 30).

Cette froideur irrite le poète, ce qui se manifeste par une insistance sur l’amertume : « âcres parfums » (v. 6), « amer » (v. 14 et v. 34).

Le sentiment d’amertume du poète est également traduit par la consonance en [k] et par les allitérations en [r], en [d], en [p] et en [t] : « Tes yeux où rien ne se révèle/De doux ni d‘amer », « L’or avec le fer » (v. 13-16), « A te voir marcher en cadence/Belle d’abandon/On dirait un serpent qui danse » (v. 17-19)

La dualité de la femme, figure ambivalente qui balance le poète entre chaleur et froideur, Spleen et Idéal, en fait une véritable fleur du mal.

B – La domination de la femme et l’impuissance du poète

On remarque que le poète se laisse complètement dominer par sa maîtresse.

La première personne du singulier n’apparaît en effet qu’à trois reprises dans tout le poème : « Que j’aime voir » (v. 1), « Mon âme rêveuse appareille » (v. 11), « Je crois boire un vin de Bohême » (v. 33).
Toutes les autres strophes sont consacrées à la femme.

Ainsi, le poète s’efface progressivement derrière son rôle de spectateur. Celui-ci est souligné par la multiplication des comparaisons et la répétition du verbe « voir » : « Que j’aime voir » (v. 1), « A te voir » (v. 17).

L’effacement du poète est marqué aussi par l’emploi du pronom impersonnel « on » et la tournure impersonnelle de la phrase : « A te voir marcher en cadence […] On dirait un serpent qui danse » (v. 17-19).

La passivité du poète-spectateur est également accentuée par les nombreux verbes à l’infinitif : « voir » (v. 1 et 17), « Miroiter » (v. 4), « marcher » (v. 17), « boire » (v. 33).

La toute-puissance de la femme s’effectue aussi par le biais des sonorités, avec l’allitération en [s] qui imite le serpent (représentant la femme) et ponctue subtilement le poème : « un serpent qui danse » (v. 19), « Sous le fardeau de ta paress», « Se balance avec la mollesse » (v. 21-23), « se penche et s‘allonge/Comme un fin vaisseau » (v. 25-26), « grossi par la fonte/Des glaciers » (v. 29-30), « ciel liquide qui parsème » (v. 35).

Transition : Le pouvoir de la femme sur le poète n’est toutefois pas complètement maléfique puisqu’il est aussi source de poésie.

III – La femme, une source d’inspiration poétique ?

A – Le serpent, métaphore de la poésie ?

Si le serpent renvoie d’abord une image négative par sa symbolique religieuse qui l’associe au Mal, il peut aussi être perçu ici comme une métaphore de la poésie.

En effet, à travers la démarche de la femme, le poète met l’accent sur le mouvement ondulatoire du serpent et sur le rythme régulier de sa danse : « A te voir marcher en cadence/Belle d’abandon/On dirait un serpent qui danse/Au bout d’un bâton » (v. 17-20).

Ce régularité et cette cadence se retrouvent dans le rythme même du poème, à travers l’alternance régulière entre les octosyllabes et les pentasyllabes qui reproduit la démarche ondulatoire.

Par ailleurs, le serpent est connu pour ses facultés hypnotiques.

Il serait ainsi capable d’hypnotiser et d’envoûter par son regard, le mouvement de son corps et sa musique, ce qu’on pourrait rapprocher du pouvoir incantatoire de la poésie.

Ici, la dimension incantatoire est fortement marquée par le rythme régulier et les sonorités.
En effet, l‘allitération en [m] relevée plus haut est renforcée par les assonances en [an], [o] et [on] qui soulignent l’émerveillement du poète envoûté : « indolente », « ton corps si beau », « Comme une étoffe vacillante/Miroiter la peau » (v. 1 à 4), « profonde », « Mer odorante et vagabonde/Aux flots » (v. 5-8), « Comme un flot grossi par la fonte/Des glaciers grondants/Quand l’eau de ta bouche remonte/au bord de tes dents » (v. 29-32).

B – La femme et la poésie, lieux de fusion des contraires

Le rapport entre la femme et la poésie transparaît également à travers la référence à l’alchimie et la fusion des contraires : « Sont deux bijoux froids où se mêle/l’or avec le fer » (v. 15-16), « De doux ni d’amer » (v. 14), « la fonte/Des glaciers » (v. 29-30), « un ciel liquide » (v. 35).

Le poème est pour Baudelaire le lieu de la fusion des opposés :
L’eau et l’air : « ciel liquide » ;
Le chaud et le froid : « fonte des glaciers » ;
Mouvement et fixité : « un serpent qui danse/Au bout d’un bâton » ;
Le pur et l’impur : « l’or avec le fer »

Comme l’indique le titre de son recueil, Les Fleurs du Mal, la poésie est le lieu de la fusion des contraires, de la fusion de la beauté et du mal.

Dans « Le serpent qui danse », le bien et le mal, l’innocence et l’impureté fusionnent dans une même personne : la femme.

L’alliance de l’or (le plus pur et précieux des métaux) avec le fer souligne l’ambivalence de la femme, à la fois séductrice, tentatrice  et innocente comme l’enfant (« Ta tête d’enfant », v. 22), pure comme l’or et impure comme le fer.

Si le poète ne peut pénétrer l’âme de la femme qui lui demeure inaccessible, il peut néanmoins puiser son inspiration dans sa double-nature et transformer sa douleur en poème : une fleur de douleur née d’une fleur du mal.

Le serpent qui danse, conclusion :

« Le Serpent qui danse », poème dominé par une forte musicalité, reflète bien la tension entre Spleen et Idéal à travers l’ambivalence de la femme, son corps devenant la mer qui transporte le poète vers un voyage sensuel et exotique mais d’une durée éphémère, promesse d’un bonheur intense mais bref, illusoire, à l’image du vin, paradis artificiel auquel elle est comparée.

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