Ubu-Roi, Alfred Jarry, acte III scène 2 : commentaire

Tu passes le bac de français ? CLIQUE ICI et deviens membre de commentairecompose.fr ! Tu accèderas gratuitement à tout le contenu du site et à mes meilleures astuces en vidéo.

alfred jarry ubu roi acte 3 scene 2Voici un commentaire de l’acte III scène 2 d’Ubu-Roi d’Alfred Jarry.

Ubu-Roi, acte 3 scène 2, introduction

Ubu-Roi, la pièce la plus connue d’Alfred Jarry, est représentée en 1896, à la toute fin du XIXe siècle.

Le personnage de père Ubu a été inspiré par le professeur de physique que Jarry et ses camarades avaient au lycée et dont ils ne cessaient de se moquer.

Toutefois, la pièce dépasse la blague potache pour dénoncer les travers d’un pouvoir autoritaire.

Dans cette pièce, Père Ubu, désireux de prendre le trône du roi de Pologne, a réalisé un coup d’Etat.

La scène 2 de l’acte III montre Père Ubu au pouvoir et organisant son état.

Questions possibles à l’oral de français sur l’acte 3 scène 2 d’Ubu-Roi

♦ Etudiez le personnage du père Ubu.
♦ En quoi cette scène est-elle une satire de la tyrannie ?
♦ D’après l’acte III scène 2, cette pièce est-elle une tragédie ou une comédie ?
♦ Etudiez la dimension parodique de ce texte.

Annonce du plan

La scène commence comme une tragédie (I) mais s’avère très vite une satire de la tyrannie (II) par laquelle Jarry pose sans le savoir forcément les bases d’un théâtre nouveau (III)

I – Une scène violente et tragique

 A – Une peinture de la société

La scène 2 de l’acte III d’Ubu-Roi présente une peinture rapide de la société avec toutes ses classes sociales.

L’espace scénique est d’emblée saturé car la scène est occupée par des personnages pléthoriques : « PERE UBU, MERE UBU, OFFICIERS ET SOLDATS ; GIRON ,PILE, COTICE, NOBLES ENCHAINES, FINANCIERS, MAGISTRATS, GREFFIERS. »

Ces personnages, par leurs métiers, représentent des fonctions importantes dans la société. Ils symbolisent la guerre (« Officiers et soldats »), l’argentfinanciers ») ou le droit (« magistrats, greffiers »), c’est à dire les piliers constitutifs d’une société.

A côté d’eux, l’onomastique des personnages « Giron », « Pile » ou « Cotice » évoquent des personnages secondaires qui représentent le peuple exécutant docilement les ordres de père Ubu.

Ainsi, Alfred Jarry met en scène une microsociété : toutes les classes sociales sont présentes. Certaines ont la parole (nobles, financiers, magistrats) d’autres non (officier et soldats, Giron, Pile et Cotice).

Cette peinture rapide de la société permet à Jarry de porter un regard sur l’ensemble de la société.

B – Une tragédie

La scène 2 de l’acte III a toutes les caractéristiques de la tragédie.

Tout d’abord, la scène est une « grande salle du palais » comme le précise la didascalie initiale. Le palais est l’espace tragique par excellence.

L’univers nobiliaire (= de la noblesse) relève aussi de la tragédie comme le confirme la répétition du terme « Nobles » ainsi que les titres de noblesse « Comte », « Grand-duc »,  « Duc », « Prince », « Margrave ».

Les personnages mentionnés dans la didascalie (« Officiers et soldats, […] nobles enchaînés, financiers, magistrats, greffiers ») symbolisent le pouvoir.

Le champ lexical de la violence se déploie dans tout le texte comme une force irrémédiable : « crochet », « couteau », « faire périr », « Horreur », « condamnés à mort », « férocité », « exécuter », « Horreur », « Infamie », « Scandale », « Indignité ».

Le tragique de la scène est accentué par la symbolique des accessoires.

La « trappe », centrale dans cette scène, est un espace clos typiquement tragique.

L’enfermement est accentué par le caractère répétitif des répliques de père Ubu « et le crochet à Nobles et le couteau à Nobles et le bouquin à Nobles » ou la question redondante « qui es-tu ? » posée aux nobles : cette violence semble ne jamais pouvoir s’arrêter.

Père Ubu, par sa violence incontrôlée, est en train de vider la scène (« Dans la trappe les financiers ») et d’installer le néant. Il est animé par une puissance de mort vouée à se répéter tragiquement (« j’irai de village en village » ).

Transition : Mais cette tragédie n’est qu’une apparence. Alfred Jarry utilise les codes tragiques pour mieux les subvertir.

 II – Une scène satirique

 A – Une parodie de MacBeth

Cette scène est une parodie de la pièce de Shakespeare Macbeth.

Alfred Jarry a remplacé l’espace écossais de MacBeth par l’espace polonais mais les deux personnages, Macbeth et Père Ubu sont devenus rois suite à un régicide commis par eux-mêmes.

Le binôme Père Ubu et mère Ubu est une réécriture parodique du couple Macbeth / Lady Macbeth.

Comme Lady Macbeth à l’acte V de la pièce de Shakespeare, Mère Ubu a un rôle modérateur auprès de Père Ubu : « De grâce modère-toi, Père Ubu », « Quelle basse férocité ! », « Tu es trop féroce Père Ubu », « Mais enfin, Père Ubu, quel roi tu fais, tu massacres tout le monde ».

Mère Ubu, comme Lady Macbeth, présente à Père Ubu un miroir de sa violence. Elle est la voix de sa conscience. Le présent de l’indicatif « tu massacres » actualise la violence en la condamnant comme un chœur dans une tragédie ou comme les sorcières dans Macbeth.

Cette réécriture de Macbeth permet à Jarry de dresser une satire de la tyrannie.

B – Une satire de la tyrannie

Le personnage d’Ubu permet de faire la satire de la tyrannie.

Le roi Ubu est un personnage animé par la passion et non par la raison comme le montrent ses nombreuses phrases exclamatives : « Condamné ! » ou « Très bien ! très bien ! ».

Ses phrases souvent nominales et la modalité injonctive montrent un roi dominé par l‘instinct : « Apportez », « faites avancer », « Amenez », « Commence ».

Il s’exprime comme un enfant avec la répétition de la conjonction de coordination « et » ou les néologismes scatologiques comme « Merdre » ou « bouffresque ».

Loin d’avoir l’étoffe d’un souverain, il apparaît comme un enfant capricieux, narcissique et autocrate.

Ce narcissisme apparaît dans l’emploi récurrent de la première personne du singulier: «Eh ! je m’enrichis. Je vais faire lire MA liste de MES biens. Greffier, lisez MA liste de MES biens ».

Les majuscules des pronoms possessifs « MA » et « MES » révèlent que pour le Père Ubu, la royauté n’est pas un ministère mais une propriété dont il a une jouissance exclusive.

Cette jouissance transparaît dans l’énumération du greffier dont le père Ubu se délecte : «Principauté de Podolie, grand-duché de Posen, duché de Courlande, comté de Sandomir, comté de Vitepsk, palatinat de Polock, margraviat de Thorn ». L’exclamation « Comment c’est tout » trahit l’avidité infinie du pouvoir.

Le Père Ubu est un tyran dans la mesure où il enfreint le principe de séparation des pouvoirs, voulant exercer tous les rôles à la fois : 
♦ « je veux faire des lois maintenant »;
♦ « Qui rendra maintenant la justice – Tiens ! moi »
♦ « je veux garder pour moi la moitié des impôts 
».

Le roi Ubu décrète devant le spectateur la concentration de tous ces pouvoirs.

Le roi Ubu incarne un révolutionnaire violent et anxiogène comme le montre le champ lexical de la révolutionréformer », « changement », « établirons », « tout changer»).

L’opposition qui s’exprime à travers les quatre magistrats et les quatre financiers n’a aucune importance pour lui. Seuls sa parole et son pouvoir sont légitimes.

On peut voir dans le Père Ubu une caricature du Général Boulanger qui a ébranlé la IIIème République en 1888 par ses succès électoraux et par les soutiens des bonapartistes et des monarchistes qui l’encouragèrent à prendre l’Elysée.

Transition : Derrière cette critique de la tyrannie qui a failli frapper la France en cette fin de XIXème siècle, Alfred Jarry fait avant tout une pièce comique et tente de renouveler le théâtre

III – Les bases d’un nouveau théâtre

 A – Un comique farcesque

La scène 2 de l’acte III d’Ubu Roi se rapproche de la farce et a inspiré les dramaturges du XXème siècle comme Beckett ou Ionesco.

Le comique dans cette scène d’abord fondé sur les décalages sémantiques.

Le père Ubu utilise indifféremment des tournures civiles comme « J’ai l’honneur de vous annoncer » qui semblent respecter la bienséance et des tournures familières comme « bouffre » ou vulgaires comme « Merdre ».

Ce décalage est accentué par le lyrisme de l’expression « ma douce enfant » qui ne correspond pas au personnage.

La syntaxe du Père Ubu est même incorrecte dans « Tu n’as rien autre chose » qui crée un décalage comique avec le registre soutenu attendu pour un roi.

Le comique de mots est accentué par les néologismes comme « Pince-Porc » ou « Chambre-à-sous » qui font du père Ubu un personnage rabelaisien goulu et égoïste.

Les répétitions « Excellent ! Excellent ! » ou « Très bien ! Très bien » font de lui une marionnette qui parle mécaniquement.

Le comique de gestes transparaît dans les didascalies externes : « On empile les nobles dans la trappe », « On enfourne les financiers ». Les personnages sont assimilés à des objets.

Cette déshumanisation correspond à l’esthétique de la farce. Les personnages sont réunis dans un univers qui n’est qu’un Carnaval, animé par un roi parodique et grotesque.

B – Les prémices d’un théâtre nouveau

Ubu-Roi peut être considérée comme la première pièce de théâtre « moderne » car elle pose les principes d’un nouveau théâtre fondé sur l’absurde, la transgression et la provocation.

Les financiers semblent donner la définition de ce nouveau théâtre qui transgresse toutes les règles classiques : « c’est idiot », « C’est absurde », «Ca n’a ni queue ni tête ».

Le dramaturge invente de nouveaux objets : « caisse à nobles », « crochet à nobles », « couteau à nobles ». Le metteur en scène devra faire preuve d’inventivité pour donner vie à ces néologismes qui attendent d’être incarnés sur scène.

Enfin, en évacuant tous les personnages traditionnels du théâtre tragique (« Plus de justice, plus de finances »), Jarry vide le théâtre de ses personnages types pour les remplacer par des personnages imprévisibles et destructeurs. C’est un théâtre de la déconstruction qui met en scène le néant et la destruction.

Ubu-Roi a eu une influence considérable sur les auteurs du XXème siècle : cette pièce a légué aux dadaïstes et surréalistes, au théâtre de l’absurde et à l’OULIPO le goût de la subversion, de la provocation et du canular.

Ubu-Roi, acte 3 scène 2, conclusion

A la fois tragique et comique, amusant et inquiétant, le personnage du père Ubu symbolise un nouveau théâtre et contient en germe le théâtre de l’absurde.

On retrouve chez Camus avec Caligula mais encore plus chez Beckett et surtout Ionesco dans Macbett cette figure du roi absurde qui détruit tout autour de lui.

Tu étudies Ubu-Roi ? regarde aussi :

Ubu Roi, Jarry, acte V scène 4 : analyse
Oh les beaux jours, Beckett [Fiche de lecture]
En attendant Godot, Beckett : résumé
La Cantatrice chauve, Ionesco : résumé
Rhinocéros, Ionesco, scène d’exposition : analyse
Rhinocéros, acte II tableau 2 (transformation de Jean) : analyse
Rhinocéros, dénouement (monologue de Bérenger) : analyse

Qui suis-je ?

Amélie Vioux

Professeure et autrice chez hachette, je suis spécialisée dans la préparation du bac de français (2nde et 1re).

Sur mon site, tu trouveras des analyses, cours et conseils simples, directs, et facilement applicables pour augmenter tes notes en 2-3 semaines.

Je crée des formations en ligne sur commentairecompose.fr depuis 14 ans.

Tu peux également retrouver mes conseils dans mon livre Réussis ton bac de français 2025 aux éditions Hachette.

J'ai également publié une version de ce livre pour les séries Techno ici.

4 commentaires

  • Bonjour madame en faite j’aimerais que vous m’aidiez à faire une commentaires composé sur le 2 livre de Shakespeare Macbeth et Heiner Muller Macbeth d’après Shakespeare s’il vous plaît…
    Car je jamais fait sa et je dois m’entraîner.merci et bon journée

  • Merci Amélie c’est pratique d’avoir un contenu large que tu proposes sur un grand nombre de texte.

    J’imagine que tu t’occupes principalement des sujets d’oral technologique pour 2018, si ils sont identiques à l’échelle nationale ?

  • bonjour Amélie,
    en essayant de réviser mes fiches pour l’oral de français je me suis rendu compte que je n’y arrivais pas du tout, il m’est impossible de ressortir une analyse, meme une simple analyse qui à ressemble ce que j’ai étudié a l’oral,c’est le trou noir et je n’arrive meme pas a faire de phrase correct, pour les plans je peux faire un bon plan cohérent après avoir revisé ma fiche en rapport avec le texte mais le lendemain je dois tous reprendre, si ça continue je vais devoir refaire une analyse en 30 min, j’ai l’impression d’etre bloqué et je passe un oral blanc dans deux semaines saurais-tu ce que je peux faire pour m’améliorer ? j’ai pourtant de très bonnes notes à l’écrit,et meme mon professeur de francais ne comprends pas pourquoi je suis coincée, aurais-tu des conseils ? des astuces ?
    merci d’avance
    (je suis inscrite depuis un bon moment mais je ne trouve pas la barre pour se connecter)

    • Bonjour Sam,
      Je te conseille d’apprendre tes fiches par couches (et non linéairement) en suivant la technique que je vous ai donnée par email. Cette méthode vous donne des repères pour éviter les trous noirs. Il faut savoir aussi que la mémoire est vite saturée : il faut lui laisser de l’espace pour apprendre et retenir. Cela implique de réduire au maximum les sources de distractions (ordinateur, facebook, séries, sms…) et de faire des exercices de relaxation ou de respiration régulièrement pour t’aider à « détoxifier » ton cerveau et à retrouver la concentration nécessaire pour mémoriser des informations. Bon courage !

Laisse un commentaire !