La terre est bleue comme une orange, Paul Eluard : commentaire

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la terre est bleu comme une orange Voici une analyse du poème « La Terre est bleue comme une orange » de Paul Eluard.

Lire « La terre est bleue… » d’Eluard (le texte)

« La terre est bleue… », introduction :

Ce célèbre poème de Paul Eluard appartient à son second recueil : L’Amour la Poésie, publié en 1929.

Le poète y retrace son histoire tumultueuse avec sa muse et première femme : Gala. « La Terre est bleue comme une orange » évoque le bonheur partagé des premiers temps de leur union.

Si la femme, située à la fois au cœur du poème et au centre du monde (I), est omniprésente, c’est que seul son amour peut donner au poète accès à la poésie (II).

Problématiques possibles sur « La terre est bleue comme une orange » :

♦ En quoi ce poème est-il caractéristique de la poésie d’Eluard ?
♦ En quoi ce poème « La terre est bleue » est-il caractéristique du surréalisme ?
♦ Quel est, d’après ce poème, le lien entre amour et poésie ?
♦ Commentez les images du poème.
♦ Que peut-on dire de la représentation de la femme ici ?
♦ Analysez la structure et la progression du poème.

I – La femme : au cœur du poème, au centre du monde

A – Dominance de la femme et du féminin

Dans ce poème « La terre est bleur comme une orange », la femme est omniprésente.

Sa présence est marquée des vers 6 à 9 – soit quasiment au centre du poème – à travers le pronom « Elle » au début du vers 6.

Puis, dans la deuxième strophe, son importance grandit à travers l’adresse du poète à sa muse: « Tu as toutes les joies solaires/Tout le soleil sur la terre/Sur les chemins de ta beauté. » (v. 14 à 16).

La redondance entre « toutes » et « Tout », qu’on trouve également à la fin de la première strophe (« Tous les secrets tous les sourires », v. 8 ; « toute nue », v. 9) montre que la femme représente tout pour Eluard. Elle est au centre du monde.

Par ailleurs, on note la dominance des noms féminins tout au long du poème : « La terre » (v. 1 et 15), « une orange », « une erreur » (v. 1-2), « sa bouche d’alliance » (v. 6), « indulgence » (v. 8), « guêpes », « aube » (v. 10-11), « fenêtres », « ailes », « feuilles », « joies » (v. 12 à 14), « ta beauté » (v. 16).

L’assonance en « e » qui règne dans le poème souligne cette féminité.

La personne du poète est au contraire totalement absente.

On ne trouve en effet dans le poème aucune occurrence de la première personne (« je »).

Comme dans d’autres poèmes (voir par exemple « La courbe de tes yeux »), le poète est passif et donc dépendant de la femme aimée.

Cette toute-puissance de la femme est soulignée dans son rapport à la nature et au monde.

B – Analogie entre la femme et le monde

Chez Eluard, la femme entretient un rapport étroit avec la terre, le cosmos.

Dans « La terre est bleue comme une orange », elle est comme le miroir de l’univers.

La comparaison insolite qui ouvre le poème : « La terre est bleue comme une orange » (v. 1) n’est pas aussi absurde qu’elle en a l’air si on considère que la couleur bleue renvoie aux yeux de Gala et la couleur orange à sa chevelure (le poète mentionne dans un poème du recueil précédent, Capitale de la douleur, la « chevelure d’oranges » de sa muse, et dans un autre poème il la décrit comme : « Une étoile nommée azur/Et dont la forme est terrestre »).

Ainsi, le poète associe la femme aimée à la terre à travers leur forme sphérique : la terre, l’orange et le visage de Gala se rejoignent dans une rondeur commune.

Cette forme est également marquée dans tout le poème par les sonorités, avec l’assonance en « ou » et en « o » obligeant le lecteur à une ouverture ronde de la bouche : « orange », « mots » (v. 1-2), « vous », « tour » (v. 3-4), « les fous et les amours », « bouche » (v. 5-6), « tous » (v. 7), « toute » (v. 9), « autour du cou », « collier » (v. 11-12), « couvrent », « solaires » (v. 13-14), « Tout le soleil » (v. 15).

Par ailleurs, cette analogie entre la femme et la terre est développée dans la deuxième strophe à travers le lien à la nature.

La femme, entre ciel (« bleue », « ailes », « solaires », « soleil ») et terre (« terre », « fleurissent vert », « feuilles », « chemins »), est alors associée à la nature par hypallage: « les guêpes fleurissent » (v. 10), « Sur les chemins de ta beauté » (v. 16) et à travers la métaphore : « L’aube se passe autour du cou/Un collier de fenêtres » (v. 11-12)

La femme porte le monde comme un bijou. Elle s’impose et s’expose au regard comme un beau paysage.

Cette image souligne la sensualité et l’érotisme qui dominent le poème.

C – Sensualité et érotisme

La sensualité est évoquée à travers un champ lexical du désir, de l’érotisme : « baisers » (v. 4), « bouche » (v. 6), « toute nue » (v. 9), « cou » (v. 11).

L’érotisme associé au corps de la femme est un motif récurrent du surréalisme, dont Eluard a fait partie. Et comme souvent chez les surréalistes, le corps est perçu de façon métonymique, à travers l’une de ses composantes.

Ici c’est principalement la bouche qui caractérise la femme dès sa première occurrence : « Elle sa bouche d’alliance » (v. 6). L’absence de verbe souligne le lien entre le tout et la partie, et marque la libération du langage.

L’ « alliance » connote la forme sphérique qui domine le poème et peut évoquer l’union du couple, à la fois physique et maritale.

Mais cette alliance, c’est aussi celle entre amour et poésie.

II – De l’amour à la poésie

A – Un amour heureux, un amour fou

Pour Paul Eluard, amour et poésie sont indissociables, comme le montre l’absence de mot ou de ponctuation dans le titre du recueil (L’Amour la Poésie).

L’amour vécu inspire sa poésie, qui découle de l’expérience amoureuse du poète. Dans le texte même, l’amour passe avant la poésie : « Jamais une erreur les mots ne mentent pas/Ils ne vous donnent plus à chanter/Au tour des baisers de s’entendre » (v. 2 à 4).

Il s’agit avant tout d’un amour heureux, marqué par un bref champ lexical du bonheur, de la gaieté : « chanter » (v. 3), « sourires » (v. 7), « joies » (v. 14).

L’alternance entre hexasyllabes et octosyllabes, soit des vers réguliers, traduit l’équilibre amoureux.

Cet amour heureux et harmonieux est représenté par des sonorités douces, telle que l’allitération en « m », en « l » et en « s » : « bleue », « comme », « jamais », « les mots », « mentent » (v. 1-2), « Les fous et les amours », « Elle », « sa », « alliance », « les secrets », « les sourires » (v. 5-6), « quels vêtements d’indulgence » (v. 8), « fleurissent », « se passent » (v. 10-11), « collier », « ailes » (v. 12-13), « solaires », « soleil » (v. 14-15), « les chemins » (v. 16).

L’amour, ici comme chez les surréalistes, rime avec folie. Le vers 5 rapproche en effet amour et folie, à travers la conjonction de coordination « et » et la rime interne en « ou » : « Les fous et les amours ».

L’amour fou, libérateur, donne accès à une nouvelle réalité.

B – Un amour libérateur

L’amour fait surgir de nombreuses images insolites que le poète énumère.

La fusion entre la nature et la femme créée une nouvelle réalité à partir d’hypallages (« bouche d’alliance », « vêtements d’indulgence », v. 6-8 ; « Les guêpes fleurissent », « collier de fenêtres », v. 10-12 ; « les chemins de ta beauté », v. 16), de comparaisons et de métaphores improbables (« La terre est bleue comme une orange », v. 1 ; «Au tour des baisers de s’entendre », v. 4 ; « L’aube se passe autour du cou », v. 11).

L’amour transforme le monde et libère le langage.

Cette libération est marquée dans le poème par l’absence de rimes et de ponctuation (excepté le point à la fin de chaque strophe), mais aussi de verbe.

En effet, les phrases nominales sont nombreuses (v. 2 à 8, v. 12 et 15-16), et la plupart des verbes sont à l’infinitif, mode qui rapproche le verbe du nom (« chanter », « s’entendre », v. 3-4 ; « croire », v. 9).

Le poète se libère des contraintes de l’écriture.

L’énoncé du poète, disloqué et spontané, se rapproche de la pratique surréaliste de l’écriture automatique, qui a pour but de libérer la parole en s’affranchissant des barrières de la conscience.

C’est l »amour de la femme, libérateur et créateur, qui donne vie à la poésie.

C – La naissance du poème

La présence du verbe « fleurir » au vers 10 (« fleurissent vert ») et les connotations astrales (« L’aube », v. 11 ; « solaires », « soleil », v. 14-15) à la deuxième strophe évoquent l’éclosion de la vie et le lever du jour.

De même, l’ « orange » du vers 1 rappelle la couleur du feu, du soleil, motifs liés chez les surréalistes à la création poétique.

Par ailleurs, le présent de l’indicatif souligne l’instantanéité du poème en train de s’écrire, de naître, en même temps que les amants s’accouplent : « est », « donnent » (v. 1-2), « fleurissent », « se passe » (v. 10-11), «  couvrent », « as » (v. 13-14).

Amour et poésie sont donc bien inséparables. C’est l’amour qui engendre la poésie pour Eluard. Le poète est dépendant de l’amour de la femme, à l’origine du poème comme la terre l’est de la nature.

« La terre est bleue comme une orange » : conclusion

« La Terre est bleue comme une orange » est caractéristique de la poésie d’Eluard et des surréalistes. On y retrouve les principales valeurs du Surréalisme : l’amour, la poésie, la liberté et la libre association des mots que l’on peut retrouver dans d’autres poèmes comme « Union libre » d’André Breton.

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Amélie Vioux

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7 commentaires

  • Pouvez vous me venir en aide svp merci voici j ai a faire  » écris sur ton fruit préféré en respectant les consignes ci dessous : j ai inventé des octosyllabe et au moins une metaphore » je vous remercie de l aide que vous pouvez me donner

  • Bonjour Amélie, je voudrais vous remercier et vous féliciter pour vos analyses. Elles sont très pertinentes. Je fais du soutien scolaire bénévole auprès de plusieurs collégiens et parfois de lycéens. L’un d’entre eux a de gros problèmes pour réaliser ses commentaires composés et cela fait deux fois que je me permets d’utiliser vos articles pour l’aider.
    Alors du fond du coeur, merci beaucoup. Passez un très bon week-end, cordialement, karine

  • Bonjour Diane,

    Voilà la définition d’un hypallage:  » Figure de style et de rhétorique qui consiste en la construction de mots où deux termes sont liés syntaxiquement alors qu’on s’attendrait à voir l’un des deux rattaché à un troisième.  »

    Cette définition me semble assez claire. Ici, « Les guêpes » sont associées syntaxiquement au verbe « fleurissent », tandis que, au niveau du sens, ce dernier fait écho aux fleurs.

    Cette certaine incompatibilité du fond et de la forme, de la syntaxe et du sens du vers, crée un effet de décalage, de confusion, qui est très intéressant ici.

  • Bonjour Amélie. Merci beaucoup pour tout. U
    Pourriez vous faire la lecture analytique de l’épisode de la naissance dans l’enfant de sable de tahar ben jelloun car nous n’avons étudié le texte que superficiellement avec un remplacent en classe

  • Merci une fois de plus pour cette magnifique analyse. Quelle chance d’en avoir de nouvelles tous les deux/trois jours! Juste une petite question: qu’est-ce qu’exactement un hypallage?
    Bon dimanche!

    • Bonjour Diane,

      Voilà la définition d’un hypallage:  » Figure de style et de rhétorique qui consiste en la construction de mots où deux termes sont liés syntaxiquement alors qu’on s’attendrait à voir l’un des deux rattaché à un troisième.  »

      Cette définition me semble assez claire. Ici, « Les guêpes » sont associées syntaxiquement au verbe « fleurissent », tandis que, au niveau du sens, ce dernier fait écho aux fleurs.

      Cette certaine incompatibilité du fond et de la forme, de la syntaxe et du sens du vers, crée un effet de décalage, de confusion, qui est très intéressant ici.

  • Bonjour Amélie,

    Alors voilà, j’ai un commentaire composé à faire pour mercredi sur « l’Etranger de Camus », plus précisemment sur « Le verdict » à partir de « Nous avons attendu très longtemps » jusqu’à « Cest alors qu’on m’a emmené ». Mais je n’arrive pas à trouver un plan en deux parties je n’ai que très peu d’idées, si tu veux bien m’aider s’il te plait ?

    Merci d’avance

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