Des Cannibales, Montaigne, Or je trouve, pour revenir à mon propos….

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montaigne les cannibalesVoici une analyse du chapitre 31 « Des cannibales » des Essais de Michel de Montaigne.

Il s’agit de l’extrait qui va de « Or je trouve, pour revenir à mon propos » à « trouverait-il la république qu’il a imaginée éloignée de cette perfection« .

Lire l’extrait commenté « Des cannibales » de Montaigne (le texte)

Pour ton bac de français 2020, n’oublie pas de regarder mon analyse des chapitres « Des Cannibales » et « Des coches » Des Essais.

Des cannibales – Introduction :

Les Essais sont l’œuvre principale de Montaigne, auteur humaniste du XVIème siècle.

Sous un angle philosophique mais aussi politique et social, il y aborde toute une variété de sujets et livre ses réflexions sur sa propre vie et sur la condition de l’homme.

Dans le chapitre 31, « Des Cannibales », publié en 1595, Montaigne évoque la découverte des « sauvages » du Nouveau Monde et l’étonnement des Européens face à des coutumes différentes des leurs.

En parlant d’eux, il parle également de l’homme européen, prétendument civilisé, détourne les idées préconçues sur ces cannibales et propose sa vision de la « barbarie ».

Problématiques pour l’oral sur « Des cannibales » :

♦ En quoi ce texte « des cannibales » prend-il le contre-pied des préjugés ethnocentriques de l’époque de Montaigne ?
♦ Comment fonctionne la stratégie argumentative de Montaigne ?
♦ Qu’est-ce qui fait l’originalité de l’humanisme de Montaigne ?
♦ En quoi ce texte est-il une dénonciation de la civilisation ?

« Des cannibales » – Annonce du plan

Nous étudierons d’abord ce qui fait la force argumentative de ce texte (I), avant de commenter l’éloge qui est fait des « sauvages » (II). Pour terminer, nous verrons que cet éloge permet à Montaigne de critiquer l’idée de progrès dans la société de son époque (III).

I – La stratégie argumentative de Montaigne

A – « Barbare » et « sauvage » : des définitions relatives

Dans le premier paragraphe, Montaigne entreprend de relativiser les termes de « barbare » et « sauvage ».

Il utilise ainsi une tournure négative : « il n’y a rien de barbare et de sauvage dans cette nation » pour montrer qu’il va à l’encontre des idées reçues de ses contemporains.

Il définit d’abord la barbarie comme « ce qui n’est pas dans [les] coutumes » de la personne qui emploie ce mot. Aussi, chacun juge les autres sociétés selon ce qu’il connaît : sa propre société.

Il dénonce ainsi les préjugés ethnocentristes qui poussent chacun à considérer que sa société est la meilleure, la plus « parfaite », et que les autres sont par conséquent inférieures.

Il exploite ensuite la polysémie du mot « sauvage » en comparant les hommes du Nouveau Monde aux fruits « que la nature a produits d’elle-même et dans sa marche ordinaire ».

Il renverse le sens du terme pour faire apparaître ses connotations mélioratives (positives), car un fruit sauvage est considéré comme meilleur qu’un fruit issu de l’agriculture.

B – Une analogie entre l’homme sauvage et le fruit sauvage

Si l’argumentation de Montaigne dans cet extrait sur les cannibales est si efficace, c’est que le lecteur parvient aisément à suivre le raisonnement.

L’analogie entre l’homme sauvage et le fruit sauvage structure le texte : c’est à partir du sens positif du mot « sauvage » que Montaigne va construire son argumentation.

Tout au long du texte, il oppose ainsi la société des « sauvages » et celle des Européens, à travers une série d’antithèses : les hommes du Nouveau Monde possèdent des « vertus et propriétés » qui sont « les véritables », « les plus utiles», « les naturelles », alors que « nous » (les Européens) les « avons abâtardies » par « notre goût corrompu ».

De même, « la beauté et la richesse » de la Nature ont été « étouffée[s] » par les Européens. Ce qui est mis en avant, c’est le parallèle entre homme civilisé et fruit cultivé, qu’il considère comme inférieurs à l’homme et aux fruits sauvages.

Enfin, Michel de Montaigne oppose les « lois naturelles » des sauvages aux « procédés artificiels » des « lois humaines » : dans la société dite civilisée, les rapports entre les hommes sont régis par la cupidité, la domination et le mensonge.

Par une série d’anaphores à la fin du texte (« pas de… ; pas de… »), il dénonce les travers de la civilisation, alors que dans la langue des cannibales, les mots désignant les vices n’existent pas, ce qui prouve qu’ils n’y sont pas sujets.

Transition : La stratégie argumentative de Montaigne a d’abord pour but d’amener ses contemporains européens à repenser la notion de « barbarie », et il prend ainsi le contre-pied des idées de l’époque en faisant l’éloge des cannibales.

II – Éloge des « sauvages »

A – Éloge de la simplicité et de la pureté

On trouve sans peine dans ce texte le registre épidictique : Montaigne fait l’éloge des « sauvages » et de la nature en renversant les préjugés négatifs et en employant de nombreux termes mélioratifs : « vertus », « utiles », « véritables », « saveur », « finesse », « grande et puissante mère Nature », « beauté », « richesse »…

Les « cannibales » apparaissent ainsi supérieurs parce qu’ils ont su rester simples et sans artifices (ils n’ont pas de vêtements, par exemple), mais surtout purs, proche de « l’état originel » (« une telle pureté », « état naturel aussi pur et simple »).

Le sauvage est donc l’homme dans son état « originel », tel qu’il était lorsqu’il n’était pas civilisé, c’est-à-dire, selon Montaigne, « abâtardi » et « corrompu ».

B – La supériorité de la nature

Les sauvages sont supérieurs aux Européens car ils sont proches de la nature, que Montaigne juge supérieure à la culture.

Ainsi, les hommes sont incapables de « reproduire » par leurs « inventions » et « vaines et frivoles entreprises » les œuvres de la nature (comme le nid de l’oiseau ou la toile de la « chétive araignée »). Au contraire, « l’art » de l’homme ne produit que des choses « imparfaites ».

La nature est pure, et c’est donc la dégrader, la corrompre et l’étouffer que de tenter de la corriger.

En superposant les lois humaines aux lois naturelles, l’homme a créé des rapports « artificiels ». La « mère Nature », ici personnifiée, est donc perçue comme source de perfection.

Transition : En louant le mode de vie des « cannibales », Montaigne ne se contente pas de les défendre : c’est pour lui un prétexte pour critiquer la prétendue supériorité de l’Europe civilisée et la notion de progrès.

III – « Des cannibales » : une critique de la société contemporaine

A – Le progrès est contre nature

Montaigne oppose ainsi clairement la nature et la culture, l’état originel de l’homme et la civilisation.

L’homme a perverti la nature en la « détourn[ant] de l’ordre habituel », alors qu’elle était pure et authentique, ce qui s’applique également aux lois.

Par la civilisation, l’homme a lui-même inventé toutes les sources de son malheur : les vices (« mensonge », « trahison », « dissimulation », etc.) qui corrompent ses relations avec les autres hommes. La sophistication qui accompagne la civilisation devient ainsi un artifice.

Les progrès n’ont donc rien fait d’autre qu’éloigner l’homme de l’état de nature.

Selon Montaigne, les sauvages non civilisés vivent selon « une heureuse condition humaine » qui « surpasse » tout ce qu’ont pu imaginer les penseurs et les artistes.

B – La remise en question de la culture occidentale

En critiquant les penseurs antiques tels que le philosophe Platon et le législateur Lycurgue, c’est tout un pan de la culture occidentale que Montaigne remet en question.

Son dialogue fictif avec Platon (« dirais-je à Platon ») oppose l’utopie platonicienne de La République (œuvre dans laquelle Platon dépeint sa société idéale) à ce que Montaigne et ses contemporains peuvent observer (« ce que nous voyons par expérience ») chez les sauvages du Nouveau Monde.

La condition humaine idéale est donc celle d’un « âge d’or » qui correspond au temps où la civilisation n’existait pas encore.

Il faut donc retrouver la pureté des origines en enlevant toutes les inventions artificielles ajoutées par l’homme, et qui sont listées dans l’avant-dernière phrase : « commerce », « lettres », « science des nombres », « magistrat », etc.

C – Un humanisme original

Par son discours de tolérance, ses références à l’Antiquité et son ouverture d’esprit, Montaigne s’inscrit dans la lignée des humanistes de son époque.

Cependant, la dénonciation des « progrès » (ou plutôt des méfaits) de la civilisation place ses idées à part.

Contrairement à Rabelais par exemple, qui fait de son abbaye de Thélème un lieu utopique car tous les habitants sont éduqués, cultivés, élégants, Montaigne prône un retour à une plus grande simplicité et la suppression de ce qui caractérise les sociétés civilisées (le droit, les arts et les sciences, de toute façon inférieures à ce qui existe déjà dans la nature).

« Des cannibales » – Conclusion :

C’est donc une vision originale des « cannibales » que propose Montaigne dans ses Essais : renversant le sens courant du terme, ce sont les hommes civilisés qu’il qualifie de « sauvages », car ils cherchent à tout prix à dégrader l’œuvre parfaite de la nature, alors que les hommes du Nouveau Monde vivent selon les lois naturelles, en harmonie avec elles. On retrouve cette même vision dans d’autres chapitres des Essais, comme le chapitre « Des coches » .

Il livre ainsi un éloge de la nature et du naturel, en opposition aux préjugés de son époque, selon lesquels la culture et la civilisation sont indispensables à l’homme pour une heureuse condition humaine. Montaigne considère plutôt la simplicité et l’authenticité comme source de bonheur.

L’idée que les progrès de la civilisation sont en réalité des méfaits sert de fondement au mythe du « bon sauvage », qui sera repris bien plus tard, au XVIIIème siècle, par exemple par Rousseau dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755), où il soutient que l’état originel de l’homme le conduit à la vertu et au bonheur, puisqu’il ignore le mal.

Analyse des chapitres « Des cannibales » et « Des coches » :

Tu étudies Les Cannibales de Montaigne ? Regarde aussi :

Des cannibales, Montaigne, ils ont leurs guerres contre les nations
Des cannibales, trois d’entre eux…hauts de chausses
« Des coches », Montaigne : analyse
De l’expérience, Montaigne (Quand je danse, je danse) (commentaire rédigé)
Au lecteur, Montaigne (commentaire)
L’abbaye de Thélème, Rabelais
Chapitre 8 de Pantagruel, Rabelais
Heureux qui comme Ulysse, Du Bellay
Discours de la servitude volontaire, La Boétie

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

Je suis professeur particulier spécialisée dans la préparation du bac de français (2nde et 1re).

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41 commentaires

  • Bonjour,
    je voulais savoir si cette analyse est faite dans l’ordre du texte comme demandé à l’oral ou si c’est juste un commentaire de texte ?

  • Bonjour Amélie,
    Merci pour ton commentaire.
    Comme il est composé ça veut dire qu’il n’est pas utilisable tel quel pour l’oral ?
    J’ai lu qu’à l’oral il ne s’agissait seulement que de comm linéaire. Faut-il le modifier ou ça passe comme ça ?

    Merci d’avance pour ta réponse.

  • Bonjour Amelie,

    Merci pour votre site. Pouvez vous me donner quelques informations sur votre site. Je vois dans les commentaires….. analyse lineaire. Peut on utiliser lanalyse lineaire pour faire un commentaire?
    Merci

  • Vos commentaires sont giga-pratiques! Je fais le bac blanc dans deux jours et je n’ai pas assez revise tous les textes. Tout revoir dans mes fascicules de cours n’est pas une bonne alternative vu qu’il me reste deux jours mais avec vos commentaires je peux bien comprendre vite. Vous savez bien synthetiser et c’est vraiment magnifique. Je lis etant interessee c’est incroyable. Merci beaucoup, c’est admirable!

  • super site pour moi aussi, j’avais sut je me serais abonner avant. Comment faites vous pour trouver tout ça, moi personnellement tous mes commentaires je les fait grâce a internet sinon ça tien sur une page et pas trois ou quatre comme ce qu’on nous demande au minimum a l’écrit

  • Bonjour, tes commentaires sont vraiment super !
    Mon texte débute à  » Or je trouve, pour revenir à mon propos » à « les paroles même qui signifient le mensonge […] le pardon inouies  » ce commetaire colle t-il également avec mon texte ?
    Merci encore 🙂

  • bonsoir j’ai voulu juste savoir qui sont les hommes de nouveau monde
    et aussi si c’est commentaire ne sont pas un peu long pour l’oral (on a que 10 min)
    merci d’avance

    • Je sais que répondre maintenant est un peu tard… mais peut-être que ça pourra en aider d’autre donc… Les « sauvages » sont en fait les Tupinambas du Brésil (qui habitaient dans la baie de Rio de Janeiro) et qui ont été colonisés en 1555 par les troupes de l’amiral Nicolas Durand de Villegagnon (chevalier de Maltes et huguenot).
      Voilà, j’espère que ça pourra aider certains d’entre vous !

  • Bonsoir,
    Je suis vraiment désespéré car je ne comprends pas ce que je dois répondre : il faut que j’explique sur le texte Des cannibales, chapitre 31 ce que Montaigne veut dire entre les lignes 21 à 25 / 25 – 44 / 45 à 50 / 51 – 55 et 55 à la fin.
    Je suis perdu, pourriez vous juste un peu m’aider ??
    Merci

  • Bonjour, j’ai une question
    est-ce que Montaigne critique Platon où c’est le contraire?
    Et quel est le lien entre cet extrait et l’Antiquité?
    Merci de bien vouloir me répondre
    Bonsoir

  • Bonjour,

    je te remercie énormément pour cette analyse pertinante! Notre professeur de Français ne précise pas souvent les axes des L.A et gâce à ton travail, je m’y retrouve mieux! 🙂

    • avant de vous attaquer à Montaigne, revoyez votre orthographe. ☺
      Sinon, une lecture attentive du texte peut être un bon départ. Si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas

    • Bonjour. Il est je pense possible de faire 2 ouvertures, mais si je peux émettre un conseil, il faudrait que ces 2 ouvertures soient liées.

  • Je ne sais pas si cela est du aux différentes traductions du texte mais mon extrait commence à « Or je trouve, pour en revenir à mon propos » et non à « Je trouve maintenant pour en revenir à mon sujet »… Bref petit détail insignifiant d’après moi.
    Sinon, mon extrait se termine un peu avant, à « les moins importantes et les moins parfaites pour le dernier ». Je n’ai pas encore lu le commentaire de cette page, mais logiquement je ne pourrai pas vraiment m’appuyer dessus, nan? (en raison d’un long paragraphe en plus que je n’ai pas qui doit bien faire une partie complète dans votre commentaire…)

    • Les adaptations du texte de l’ancien français vers le français moderne sont en effet différentes selon les ouvrages, il ne faut pas s’en inquiéter. Certes, ton passage est plus court que celui que j’étudie dans ce commentaire, pour autant, tu n’as quasiment rien à changer, juste quelques exemples dans le dernier axe de lecture. Bon courage.

  • Merci énormément pour toutes ces aides !
    Malheureusement on ne peut pas copier/coller vos commentaires afin de les imprimer :/
    Bonne continuation et merci beaucoup

  • Ohhh ton site est vraiment génial! On vient de faire Montaigne dernièrement et il fait parti de nos lectures analytiques donc c’est super parce que je ne comprends strictement RIEN aux explications de la prof.Malheureusement mon imprimante ne fontionne pas!! :’)
    Bon, je v ais recopier à l’écrit ton commentaire qui est clair, et compréhensible.Comme je suis en 1e L je ne pense pas qu’il fasse donner des explications plus complexes.
    Si tu peux me répondre ça serait pas mal.
    Bisous 🙂

    • Bonsoir Lilou,
      Merci pour ton message 🙂 Effectivement, je conçois les commentaires sur mon site avec un seul but en tête : vous aider à l’oral de français. Ces commentaires sont donc largement suffisants pour votre oral, tu peux leur faire confiance 🙂

  • Bonsoir je voudrais savoir un truc : à l’oral de Français, pour passer d’une partie à une autre, doit-on dire genre « passons à notre 2ème grande partie » ou « on va étudier maintenant… » ???? Merci d’avance!!

    • Je pense que cela fait un peu lourd « passons à notre 2eme grande partie ». Ce n’est que mon avis mais je pense qu’il serait préférable de résumer ta 1ère partie puis d’introduire la 2nde. Ex: Nous avons évoqué le fait que…. Analysons maintenant…. (libre à toi de changer les formules, à l’oral, je pense que ce sera instinctif)

  • C’est super de découvrir vos lectuers analytiques chaque semaine surtout quand c’est sur des textes qu’on présente à l’oral, merci 🙂

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