La Princesse de Montpensier, Madame de Lafayette, excipit : analyse

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Voici une analyse linéaire de la fin de la nouvelle La Princesse de Montpensier de Madame de La Fayette (dernière page).

L’extrait étudié va de « Cependant, après que le mal de madame de Montpensier fut venu au dernier point » à « si la vertu et la prudence eussent conduit toutes ses actions.« 

Plus connue pour son roman La princesse de Clèves, Madame de Lafayette, femme de lettres, a publié anonymement en 1662, La Princesse de Montpensier.

Cette nouvelle retrace une double guerre : la guerre civile qui déchire la France au moment de la seconde guerre de religion et la guerre intérieure qui voit s’opposer la passion amoureuse destructrice à la raison et aux vertus cardinales.

À la fin du récit, la Princesse de Montpensier, éprise du Duc de Guise et à laquelle le Comte de Chabannes voue un amour profond, se trouve à Champigny et voit sa santé décliner.

Extrait analysé

Cependant, après que le mal de madame de Montpensier fut venu au dernier point, il commença à diminuer : la raison lui revint ; et, se trouvant un peu soulagée par l’absence du prince son mari, elle donna quelque espérance de sa vie. Sa santé revenait pourtant avec grand’ peine, par le mauvais état de son esprit ; et son esprit fut travaillé de nouveau, quand elle se souvint qu’elle n’avait eu aucune nouvelle du duc de Guise pendant toute sa maladie. Elle s’enquit de ses femmes si elles n’avaient vu personne, si elles n’avaient point de lettres ; et, ne trouvant rien de ce qu’elle eût souhaité, elle se trouva la plus malheureuse du monde, d’avoir tout hasardé pour un homme qui l’abandonnait. Ce lui fut encore un nouvel accablement d’apprendre la mort du comte de Chabanes, qu’elle sut bientôt par les soins du prince son mari. L’ingratitude du duc de Guise lui fit sentir plus vivement la perte d’un homme dont elle connaissait si bien la fidélité. Tant de déplaisirs si pressants la remirent bientôt dans un état aussi dangereux que celui dont elle était sortie : et, comme madame de Noirmoutier était une personne qui prenait autant de soin de faire éclater ses galanteries que les autres en prennent de les cacher, celles du duc de Guise et d’elle étaient si publiques, que, toute éloignée et toute malade qu’était la princesse de Montpensier, elle les apprit de tant de côtés, qu’elle n’en put douter. Ce fut le coup mortel pour sa vie : elle ne put résister à la douleur d’avoir perdu l’estime de son mari, le cœur de son amant, et le plus parfait ami qui fut jamais. Elle mourut en peu de jours, dans la fleur de son âge, une des plus belles princesses du monde, et qui aurait été sans doute la plus heureuse, si la vertu et la prudence eussent conduit toutes ses actions.

La Princesse de Montpensier, Madame de La Fayette, excipit

Problématique

En quoi cet excipit propose-t-il une vision tragique et moralisatrice de l’amour ?

Plan linéaire

Dans un premier temps, nous analyserons l’expression de la souffrance de la Princesse, omniprésente au début de cet extrait (1er mouvement).

Dans un deuxième temps, nous verrons que cette souffrance va être aggravée par les nouvelles mortifères apprise par la Princesse de Montpensier (2ème mouvement).

Enfin, dans un troisième temps, nous étudierons la dimension moralisatrice explicite de la nouvelle (3ème mouvement).

I – L’expression d’une souffrance infinie

De « Cependant, après que le mal de madame de Montpensier fut venu au dernier point » « à «un homme qui l’abandonnait» .

La première phrase exprime la torture de la Princesse, à l’apogée de sa souffranceau dernier point»).

Alors qu’elle est mourante, un début de soulagement, mis en évidence par l’antithèse «au dernier point» / «diminuer», lui accorde un peu de répit.

Cet apaisement se traduit par le retour de «la raison».

Un lien de cause est établi entre la proposition participiale qui rappelle «l’absence du prince son mari» et l’«espérance de sa vie» qu’elle retrouve.

Le sentiment de honte face à son mari dont elle a perdu l’estime cause donc à la Princesse cette santé fluctuante.

Son chagrin est rendu palpable, comme en témoigne le champ lexical de la souffrance: «le mal», «grand peine», « travaillé», «maladie».

À la souffrance physique de Madame de Montpensier est liée une souffrance morale intense.

En effet, la proposition conjonctive «qu’elle n’avait eu aucune nouvelle du duc de Guise pendant toute sa maladie» souligne que son amour pour le Duc est intact.

Sa souffrance est redoublée par l’absence de son amant.

Les interrogatives indirectes et les négations «si elles n’avaient vu personne, si elles n’avaient point de lettres» matérialisent l’inquiétude de la Princesse.

La longue phrase complexe restitue son agitation tandis que le superlatif «la plus malheureuse du monde» traduit l’intensité de son état final.

La prise de conscience est brutale: elle a «tout hasardé pour un homme qui l’abandonnait.»

La Princesse est en position d’objet direct dans la proposition relative «qui l’abandonnait»: elle subit cette chute, cet abandon par celui qu’elle aime.

II – Des nouvelles mortifères

De «Ce lui fut encore un nouvel accablement» à «qu’elle n’en put douter»

Le deuxième mouvement va plus loin en intensité, comme le souligne l’adverbe «encore»: «Ce lui fut encore un nouvel accablement».

La nouvelle de la mort du comte de Chabannes lui est transmise «par les soins du prince son mari».

Les émotions de la Princesse sont à leur comble au point qu’elles sont chacune intensifiées par des adverbesd’intensité : «plus vivement», «elle connaissait si bien», «tant de déplaisirs si pressants», «aussi dangereux».

Elle déplore ainsi un homme remarquable par son amitié fidèle. La mort du compte de Chabannes est d’autant plus cruelle que le lecteur sait que le comte de Chabannes est tué injustement car il n’est pas l’amant de la Princesse.

Après s’être amélioré, l’état de santé de la Princesse s’aggrave donc devant cette injustice et le martyr du comte : « Tant de déplaisirs si pressants la remirent bientôt dans un état aussi dangereux que celui dont elle était sortie » . Le verbe au passé simple (« remirent« ) souligne la brutalité de la rechute de la Princesse. Le comparatif « aussi dangereux que » annonce déjà une fin fatale. C’est donc la souffrance psychologique de la Princesse qui précipite sa souffrance physique et sa mort.

De plus, elle comprend qu’elle a été abandonnée par le duc de Guise, épris de Madame de Noirmoutier.

Le portrait esquissé de cette femme souligne son exubérance: elle «prenait autant de soin de faire éclater ses galanteries que les autres en prennent de les cacher».

L’antithèse «éclater»/«cacher» souligne l’absence de bienséance et de pudeur de l’amante du Duc de Guise.

La relation amoureuse du Duc et de Madame de Noirmoutier constitue une nouvelle source de souffrance, d’autant plus humiliante qu’elle est connue de tous comme le souligne le pluriel dans «si publiques», «de tant de côtés».

III – Une portée moralisatrice

De «Ce fut le coup mortel pour sa vie» à la fin de La Princesse de Montpensier

Le troisième et dernier mouvement du texte s’achève sur les conséquences dramatiques de cette liaison au grand jour.

L’expression paroxystique, mise en emphase par le présentatif « ce » – «ce fut le coup mortel de sa vie» – le confirme.

Ensuite, l’énumération en rythme ternaire – «d’avoir perdu l’estime de son mari, le cœur de son amant, et le plus parfait ami qui fut jamais» symbolise la perte de trois hommes, sans qu’ils ne soient nommés : la confiance de son mari le Prince, l’amour de son amant le Duc de Guise, et l’amitié indéfectible du Comte de Chabannes.

La Princesse est désormais seule au monde.

L’ellipse mène à une conclusion tragique : la mort rapide de la Princesse de Montpensier, dont les qualités sont mises en avant : sa jeunessedans la fleur de son âge») et la beautéune des plus belles princesses du monde»).

La dernière phrase révèle le point de vue moralisateur du narrateur.

Il explique la mort de la Princesse par son comportement immoral qu’il condamne sans détour.

En effet, l’utilisation du conditionnel passéaurait été sans doute») et la tournure hypothétique (avec la conjonction de subordination «si») traduisent l’irréel du passé: «si la vertu et la prudence eussent conduit toutes ses actions.»

La mort de la Princesse est donc présentée comme un châtiment mérité: la passion amoureuse est blâmée, par opposition à la raison et la vertu.

Par conséquent, Madame de Lafayette condamne explicitement les passions (ce qui rappelle les valeurs prônées par les auteurs classiques).

Il fait reposer le bonheur sur deux idéaux : «la vertu et la prudence».

Excipit de La Princesse de Montpensier, conclusion

La nouvelle se clôt par la mort de la Princesse de Montpensier.

Cette fin apporte un éclairage tragique sur le tiraillement intérieur vécu entre raison et sentiments, entre passion amoureuse et vertu.

La souffrance est en effet présentée à la fin du récit comme un châtiment mérité: la transgression sociale et morale commise par la Princesse ne peut avoir d’autre issue que la mort.

Quelques années plus tard, la Princesse de Clèves, recluse dans un couvent, choisira la religion, pour se punir de son amour pour le Duc de Nemours et laisser «des exemples de vertu inimitable» (Voir l’analyse de l’excipit de La Princesse de Clèves).

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Amélie Vioux

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