Ce coeur qui haïssait la guerre, Robert Desnos : analyse

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ce coeur qui haissait la guerreVoici une analyse du poème « Ce cœur qui haïssait la guerre » de Robert Desnos.

Clique ici pour lire le poème.

Ce cœur qui haïssait la guerre, introduction :

« Ce coeur qui haïssait la guerre » de Robert Desnos, écrit pendant la Seconde Guerre Mondiale, a été publié de façon posthume dans le recueil Destinée arbitraire en 1975.

Robert Desnos fait explicitement référence à la guerre, appelant les français à s’engager tout en affirmant son idéologie pacifiste. C’est un double combat que mène le poète (I), qui se sert ici du symbole du coeur pour exprimer engagement communicatif (II).

Questions possibles sur « ce coeur qui haissait la guerre » :

♦ De quelle manière s’exprime l’engagement du Desnos dans ce texte ?
♦ Analysez la progression du poème.
♦ Comment se construit l’argumentation du poète ?
♦ Commentez les images représentées dans le poème.
♦ Quel est l’enjeu/quels sont les enjeux de la poésie dans ce texte ?
♦ Quelle est la fonction du poète dans ce texte ?

I – Un double combat

A – Un combat contre la guerre

Robert Desnos, qui a toujours affirmé son idéologie pacifiste, exprime dès le premier vers de ce poème sa haine de la guerre : « Ce cœur qui haïssait la guerre » (vers 1 et 17), « haine » (v.6), « les vieilles colères » (v. 18).

La guerre est omniprésente. On la retrouve tout d’abord à travers le champ lexical de la guerre et du combat : « la guerre » (vers 1, 17 et 21), « bat », « combat », « bataille » (v. 2), « émeute », « combat » (v. 9), « à l’assaut » (v. 14). Elle est également connotée aux vers 6-7 : « sang », « salpêtre » et « sifflent ».

Pourtant, alors que Robert Desnos exprime sa haine de la guerre, il affirme dans le même temps sa volonté de se battre « pour le combat et la bataille« .

Le corps du poète devient même une machine de guerre, à travers les métaphores et comparaisons : « Voilà qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre et de haine », « que les oreilles en sifflent », « comme le son d’une cloche » (vers 5 à 10).

Le cœur du poète devient le moteur de ce combat, comme en témoigne le champ lexical du bruit, du son : « bruit » (vers 7, 8, 11, 14), « sifflent » (v. 7), « le son d’une cloche », « échos » (v. 9-10).

Le double combat du poète, à la fois contre la guerre et « pour le combat et la bataille » (v. 2), peut paraître contradictoire. Mais ce paradoxe s’explique car le poète se bat pour la liberté.

B – Un combat pour la liberté

Robert Desnos est ainsi partagé entre son opposition à la guerre et sa défense de la liberté et de la vie.

Ce déchirement entre deux idéologies antagonistes est fortement marqué dans le poème :

♦ A travers la succession de conjonctions ou d’adverbes exprimant l’opposition ou l‘objection : « Mais » (v. 11 et 18), « Pourtant » (v. 17).

Par un passage de l‘imparfait au présent qui souligne la nécessité de se battre compte tenu des circonstances : « qui haïssait » // « voilà qu’il bat » (v. 1-2), « qui ne battait » (v. 3) // « Voilà qu’il se gonfle et qu’il envoie […] » (v. 5).

Ainsi la défense de la liberté ne peut se réaliser qu’à travers la révolte : « Révolte contre Hitler et mort à ses partisans ! » (v. 16). Le poète appelle à combattre, à s’engager, mais pour la liberté : « Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté » (v. 21).

Le paradoxe est donc à la fois justifié et résolu : c’est la perte de liberté qui entraîne la révolte grandissante du poète.

D’ailleurs le terme « Liberté » est mis en valeur au vers 18 par la majuscule et l’expression exclusive : «<em> un seul mot ». C’est pour cette valeur fondamentale que le poète s’engage.

 II – Le symbole du coeur

A – Le cœur : symbole de vie et d’engagement

Le cœur est omniprésent. Le terme présent dans le titre du poème (« Ce coeur qui haïssait la guerre ») apparaît aux vers 1, 3, 11, 13, 17 et 21, scandant alors tout le poème.

Il est même répété  au vers 11, soit au cœur du poème : « d’autres cœurs, de millions d’autres cœurs ».

Organe vital majeur du corps humain, il devient ici le sujet principal du poème, désignant le poète par synecdoque (la synecdoque substitue un terme par un autre terme qui lui est proche dans un rapport de partie à tout ou de tout à partie – voir les figures de style).

Il représente également de façon métaphorique la situation paradoxale du poète à travers la polysémie du verbe « battre », qui peut renvoyer à la fois à la guerre, aux battements cardiaques et à la lutte pour la liberté : « voilà qu’il bat pour le combat et la bataille ! » (v. 2). Ici, la polysémie est soulignée par la dérivation lexicale.

Les battements de cœur sont associés de façon lyrique au rythme de la vie naturelle : « Ce cœur qui ne battait qu’au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit » (v. 3-4), « Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et des marées, du jour et de la nuit. » (v. 21-23).

L’auteur suggère implicitement que la guerre est anti-nature et s’oppose à la liberté et à la vie.

Le cœur, symbole de vie, marque l’engagement du poète mais aussi celui de milliers d’autres combattants.

B – Du coeur aux coeurs : de l’individuel au collectif

Le poème « Ce coeur qui haïssait la guerre » est divisé en deux strophes.

On remarque entre les deux un passage du singulier au pluriel, de l’individuel au collectif : « Ce cœur », « il bat » (v. 1-2) // « Ils battent […] tous ces cœurs » (v. 12).

Les « échos » (v. 10) à la fin de la première strophe annoncent le rattachement « de millions d’autres cœurs » (v. 11) à celui du poète au début de la deuxième strophe : « battant comme le mien » (v. 12).

Robert Desnos généralise ainsi son cas particulier : celui d’un français haïssant la guerre mais n’ayant plus d’autre choix que de combattre pour la liberté.

La comparaison entre le cœur du poète et le cœur « des millions de Français » (v. 19), le parallélisme entre les deux strophes ainsi que la répétition de « même » (« Ils battent au même rythme pour la même besogne », v. 13 ; « un même mot d’ordre », v. 15) soulignent une autre valeur fondamentale : la fraternité.

La révolte du poète se propage au sein de la population française et se trouve alors amplifiée, ce qui se traduit par une succession d’hyperboles : « millions d’autres cœurs » (v. 11), « tous ces cœurs » (v. 13), « millions de cervelles » (v. 15), « millions de Français » (v. 19).

La montée de la révolte est également représentée par la métaphore de la vague : « Leur bruit est celui de la mer à l’assaut des falaises » (v. 14).

La fonction du poète est ici de convaincre et persuader les Français de s’allier et de combattre pour retrouver leur liberté.

 III – Un engagement communicatif

A – L’argumentation du poète

La visée argumentative de l’auteur est clairement marquée dans le poème.

Tout d’abord, la présence de l’énonciateur est soulignée aux vers 10 et 12 à travers l’emploi de la première personne du singulier et du possessif d’une part, l’exclamation (vers 2 et 16) et l’interpellation du locuteur d’autre part : « Ecoutez, je l’entends qui me revient renvoyé par les échos », « battant comme le mien ».

Par ailleurs, le discours est construit.

Les idées sont organisées à l’aide de connecteurs logiques, qui traduisent une progression du discours : « voilà qu’ » (v. 2, 5), « Et qu’ » (v. 7-8), « Mais » (v. 11, 18), « Et » (v. 15, 19), « Pourtant » (v. 17), « Car » (v. 21).

Le poète cherche à convaincre et à persuader ses locuteurs, notamment à travers la généralisation, qui montre que tous les Français sont concernés.

Leur devoir est de lutter pour la liberté, comme le suggère l’euphémisme « besogne » et le verbe « imposera » (v. 20), qui connote l’idée de travail, d’un devoir à accomplir.

Enfin, l’évocation de sentiments vise à persuader. La haine et la colère (« haïssai[en]t », v. 1, 17, 21 ; « haine », v. 6 ; « vieilles colères », v. 18) font place à l’espoir : « l’aube proche » (v. 20) laisse entrevoir la possibilité d’un renouveau.

Mais l’argumentation du poète est surtout soutenue par la force du langage poétique.

B – Musicalité et lyrisme

La structure du poème « Ce cœur qui haïssait la guerre » est originale en ce qu’elle suit une forme libre aux vers irréguliers.

Cette forme irrégulière renforce l’expression des sentiments personnels du poète : l‘irrégularité des vers fait entendre les battements du cœur rythmés par la colère. Elle donne également au poème un souffle lyrique qui entraîne le lecteur/locuteur dans la même révolte.

La première personne du singulier favorise l’expression des émotions tandis que le champ lexical de la nature célèbre la vie et la liberté (« des saisons et des marées« ).

On peut également souligner la musicalité de ce poème dont le rythme et les sonorités portent le discours du poète en répercutant le bruit de son cœur.

D’une part, le retour de mêmes mots (« cœur[s] », v. 1, 3, 11, 13, 17, 21 ; le verbe « battre », v. 2-3, 12-13, 17, 21 ; « bruit », v. 7-8, 11, 14 ; « rythme des marées, des saisons, des heures du jour et de la nuit », v. 3-4, 17, 22-23) ou de mêmes sonorités tout au long du poème créent un rythme qui donne au discours une tonalité épique.

D’autre part, l‘allitération en « r », « d » ou « », ainsi que la consonance en « qu » et celle en « ba » au début du poème produisent un martèlement qui imite la dureté du bruit destructeur de la guerre auquel se mêle le bruit porteur de vie des battements de cœur : « u», « guerre » (v. 1, 3, 11, 17, 21), « qu‘il bat pour le combat et la bataille » (v. 2), « Ce ur qui ne battait qu‘au rythme » (v. 3), « qu‘ » (v. 5, 7, 8), « que » (v. 7, 8, 20), « brûlant de salpêtre » (v. 6), « bruit » (v. 7-8, 11, 14), « répande », « dans la ville et la campagne » (v. 8), « Comme », « d’une cloche », « combat », « Ecoutez », « qui me revient renvoyé par les échos » (v. 9-10), « battant », « battent » (v. 12-13), « mer », « porte », « ordre » (v. 14-15), « Révolte contre Hitler et mort à ses partisans » (v. 16).

Les nombreuses images poétiques employées par le poète comme la métaphore principale du cœur et les comparaisons à la nature et à la vie, embellissent la réalité de la guerre et mettent en valeur l’engagement dans la Résistance.

La reprise des quatre premiers vers à la fin du poème donne au texte une structure circulaire et traduit l’unification des battements des cœurs de tous les Français dans un chant commun pour la liberté et pour la vie.

Ce coeur qui haïssait la guerre : conclusion

Ce poème sonore, musical, a pour but de rassembler les Français autour de la voix du poète, qui appelle à s’unir contre la guerre, à lutter et à s’engager au nom de valeurs fondamentales que sont la liberté, la fraternité, et la vie. Le message est explicite : le discours, construit et argumenté, est un appel à la révolte.

Robert Desnos, poète à la fois pacifiste et engagé, se sert de la poésie comme force de rassemblement. Il fait ici de sa voix et du langage poétique une arme pour lutter contre la guerre.

Tu étudies « Ce coeur qui haissait la guerre » ? Fais le lien avec :

Souvenir de la nuit du 4, Victor Hugo : commentaire
L’enfant, Victor Hugo : commentaire
Strophes pour se souvenir, Aragon : commentaire (poème de la résistance)
La rose et le réséda, Louis Aragon : analyse
La colombe poignardée et le jet d’eau, Apollinaire (analyse)
Barbara, Prévert : analyse
Liberté, Paul Eluard : commentaire (poème de la résistance)
J’ai tant rêvé de toi, Desnos (analyse)
Si c’est un homme, Primo Levi (fiche de lecture)

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