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Voici une analyse du poème « Il pleure dans mon cœur » de Paul Verlaine.
Ce poème de Verlaine appartient au recueil : Romances sans paroles, paru en 1874.
Cette date correspond à la période où Verlaine et Rimbaud se rencontrent, d’où l’épigraphe qui précède le poème : « Il pleut doucement sur la ville (Arthur Rimbaud) ».
Problématiques possibles sur « Il pleure dans mon coeur » :
♦ En quoi ce poème est-il original ?
♦ Quelle conception de la poésie est développée dans ce texte ?
♦ Comment sont caractérisés les sentiments du poète ?
♦ Analysez la musicalité du poème.
♦ Commentez la métaphore de la pluie.
Dans cette analyse, nous verrons que la mélancolie du poète (I) s’exprime à travers la musicalité du poème (II).
Lire le poème « Il pleure dans mon cœur » (le texte)
I – La mélancolie du poète
A – Une peine de cœur
La mélancolie se manifeste d’abord à travers le champ lexical de la tristesse : « Il pleure
» (v. 1, 9), « langueur
» (v. 3), « deuil
» (v. 12), « peine
» (v. 13, 16).
Cette peine est rattachée au cœur du poète, tantôt complément circonstanciel de lieu (« Il pleure dans mon cœur
», v. 1 ; « dans ce cœur
», v. 10), tantôt complément d’objet (« Qui pénètre mon cœur
», v. 4)
Le mot « cœur » est omniprésent dans le poème. Il apparaît dans chacune des strophes :
♦ « mon cœur
» (vers 1, 4 et 16)
♦ « un cœur
» (v. 7)
♦ « ce cœur
» (v. 10)
Le terme se situe chaque fois à une place où il est mis en valeur : à la rime dans la première strophe, à la césure aux vers 7 et 10 (« Pour un cœur/qui s’ennuie
», « Dans ce cœur/qui s’écœure
» ).
L’écœurement du poète s’exprime à travers la redondance du mot « cœur », répété tout au long du poème.
La rime intérieure au vers 10 traduit bien l’idée d’une saturation (« Dans ce cœur/qui s’écœure
» ).
B – Une peine sans objet
Pourtant la cause de cette tristesse est inconnue, incertaine.
L’incertitude est marquée par les adverbes interrogatifs et par la ponctuation, à travers l’alternance entre les phrases interrogatives et exclamatives : « Quelle est cette langueur / Qui pénètre mon cœur ?
» (v. 3-4), « Quoi ! Nulle trahison ?
» (v. 11), « De ne savoir pourquoi (…) / Mon cœur a tant de peine !
» (v. 14- 16).
Le pronom indéfini « Nulle » (v. 11) et la répétition de la préposition « sans » insistent sur l’absence de cause : « sans raison
» (v. 9 et 12), « sans amour et sans haine
» (v. 15).
Cette absence contraste avec l’emploi du superlatif (« la pire peine
», v. 13) et de l’hyperbole (« tant de peine !
», v. 16), comme si le poète, indécis, se balançait entre la joie et la peine.
En effet, les apostrophes lyriques à la deuxième strophe accompagnées de points d’exclamations peuvent traduire un enthousiasme paradoxal du poète face à la pluie : « O bruit doux de la pluie / Par terre et sur les toits !
» (v. 5-6), « O le chant de la pluie !
» (v. 8).
Le lecteur est lui aussi dans l‘indécision, se demandant si la pluie apaise le cœur du poète et berce sa peine ou bien la ranime et l’amplifie.
C – De l’absence d’objet à l’absence du poète
La personne du poète semble s’effacer progressivement au fil du texte.
Une mise à distance s’opère entre la première strophe et les deux suivantes. Le pronom possessif « mon » (v. 1 et 4) est remplacé par le pronom indéfini « un » (v. 7) puis par le démonstratif « ce » (v. 10) pour désigner le cœur du poète.
Le poète se met à l’écart en employant une métonymie (le cœur) pour représenter sa personne.
D’ailleurs, à part le possessif « mon » et malgré le registre lyrique, la première personne est absente.
L’effacement du poète s’effectue également à travers la tournure impersonnelle (présente dès le titre « Il pleure dans mon cœur » puis reprise aux vers 1 et 9 ; « il pleut
», v. 2 ; « C’est
», v. 13) et l’infinitif (« De ne savoir pourquoi
», v. 14).
Le néologisme « Il pleure
», formé à partir de « il pleut
» souligne la comparaison entre le cœur du poète et la ville, à travers la métaphore filée de la pluie : « Il pleure dans mon cœur / Comme il pleut sur la ville
» (v. 1-2).
L’homophonie entre « pleure » et « pleut » et la même tournure impersonnelle amènent à confondre les deux verbes ainsi que la mélancolie du poète et la pluie.
L‘intériorité du poète se laisse passivement envahir par l’extérieur : « pénètre mon cœur
» (v. 4).
Le poète garde tout au long du texte le statut de complément d’objet. L’acteur principal semble alors être la pluie, et plus encore son « chant ».
II – La musicalité du poème
A – Le chant de la pluie : répétition et monotonie
La reprise systématique des mêmes termes au premier et au dernier vers de chaque strophe créée une redondance, accentuée par la répétition du mot « cœur » tout au long du texte.
Cette redondance souligne à la fois la monotonie de la pluie qui tombe et l’ennui du poète (« Pour un cœur qui s’ennuie
», v. 7).
La monotonie s’exprime également à travers :
♦ Le rythme :
– Le poème est constitué de quatre quatrains composés d’hexasyllabes, ce qui donne au poème un rythme régulier.
– Les enjambements d’un vers à l’autre reproduisent la régularité de l’alexandrin.
– La monotonie se retrouve dans la construction même du poème.
♦ Les sonorités.
– L’allitération en « l » reproduit le son de la pluie et développe la métaphore filée à travers la musicalité : « Il pleure
» (v. 1 et 9) ; « il pleut
», « la ville
», « Quelle
», « langueur
» (v. 2-3) ; « la pluie
» (v. 5 et 8), « nulle
» (v. 11).
– L’allitération est renforcée par les consonnes géminées (deux consonnes identiques et consécutives prononcées) de « ville », « quelle » et « nulle ». Le redoublement du « l » marque un appui sur la consonne qui souligne l’effet de monotonie.
– Enfin, les vers monosyllabiques peuvent traduire l’écho des gouttes de pluie : « Il pleure dans mon cœur/Comme il pleut sur la ville
» (v. 1-2), « O bruit doux de la pluie/Par terre et sur les toits
» (v. 5-6), « O le chant de la pluie !
» (v. 8), « C’est bien la pire peine
» (v. 13), « Mon cœur a tant de peine !
» (v. 16).
Le chant de la pluie, monotone et répétitif, reflète et berce l’ennui du poète, qui hésite entre douleur et soulagement, souffrance et plaisir.
B – Entre douceur et agressivité
Cette hésitation entre douceur et agressivité est marquée par des oppositions :
♦ Interrogation et exclamation (« Quoi ! Nulle trahison ?…
», v. 11)
♦ Amour et haine : « Sans amour et sans haine
» (v. 15)
♦ Air et terre : « Par terre et sur les toits !
» (v. 6)
L’opposition est aussi présente dans l’oxymore : « bruit doux
» (v. 5), qui se retrouve dans les sonorités du poème.
En effet, la douceur des allitérations en « l » et « s » et de l’assonance en « ou » (« sur », « cette », « doux », « s’ennuie », « sans », « ce », « s’écœure », « savoir », « amour
») s’oppose à l’agressivité et au son lourd et fort de l’allitération en « r » et de la consonance en « k » (« cœur », « comme », « sur », « Quelle », « Qui », « langueur », « pénètre », « bruit », « terre », « raison », « Quoi », « trahison », « pire », « savoir », « pourquoi
»).
Comme souvent chez Verlaine, les consonnes sourdes se mêlent aux consonnes sonores.
La pluie qui tombe doucement (en référence à l’épigraphe de Rimbaud qui introduit le poème) résonne dans le cœur vide du poète.
C – Correspondance entre les sensations et la musicalité
Le parallélisme entre « Il pleure » et « il pleut » à la première strophe et la comparaison (« comme », v. 2) entre le chagrin du poète et la pluie sont renforcés par la musicalité.
Le poète transpose musicalement ses impressions, créant alors une sensation auditive.
Le sens et le son se renforcent mutuellement : Verlaine invente ainsi un nouveau langage poétique, purement musical.
Cette correspondance entre sensation et son se retrouve dans le double-sens du terme « romance » présent dans le titre du recueil, qui suggère à la fois une musique et une histoire d’amour. « Sans paroles » souligne la pureté du langage poétique musical.
La mélancolie du poète n’est en fait qu’un prétexte à la musique.
Il pleure dans mon cœur : conclusion
Verlaine développe dans ce poème sa conception nouvelle de l’art poétique basée sur la musicalité, dont ses premiers poèmes offraient déjà un aperçu (voir par exemple « Mon Rêve familier »).
Malgré le cliché de la comparaison entre la pluie et les larmes, le poète créé un nouveau langage poétique essentiellement sonore, musical.
La personne du poète s’efface. Ses sensations et ses sentiments sont suggérés par le rythme et les sonorités. Cette transposition musicale rapproche le travail du poète de celui du musicien. On retrouve cette musicalité et ce lyrisme impersonnel dans d’autres poèmes comme « Le ciel est par-dessus le toit« .
Tu étudies ‘Il pleure dans mon cœur » de Verlaine ? Regarde aussi :
♦ Green, Verlaine : analyse
♦ Poèmes saturniens [fiche de lecture]
♦ Monsieur Prudhomme, Verlaine (commentaire rédigé)
♦ L’enterrement, Verlaine (commentaire rédigé)
♦ Verlaine : biographie
♦ Fêtes galantes, Verlaine [fiche de lecture]
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Merciii beaucoup franchement vous nous sauvez tous: on a des profs absents et pas clairs …. si on réussit c’est grâce à vous! Merci encore !
Je trouve ce poème palpitant
Super commentaire, clair, bien expliqué, avec un plan bien organisé et réfléchi comme vous savez les faire 🙂 rien avoir avec le cours d’autres profs qui accumule les remarques sans faire de lien entre elles.
1.Quel est le ton général de ce poème ?
2.Citez et expliquez les comparisons dans le poème ?
3.Qu’en pensez vous de l’âge de narrateur ?
le tableau que vous avez choisit est de qui ?
Merci beaucoup, c’est plus clair que le cour de notre professeur
Bonjour, votre blog est super mais j’aimerai savoir quel est le sens du mot ennui dans ce poème et comment la pluie devient progressivement métaphore de l’état du poète.
Merci d’avance.
S’il vous plaît, ma prof sur ce commentaire m’a dit « impair dans les rime 1.2.4 et pas 3 » que cela veut il dire?
Bonjour,j’avais un devoir sur la chanson il pleure dans mon cœur de paul verlaine je l’ai lu est c’est un beau poeme mais j’avais une question c’est la suivante: »quel est le theme de ce poème? » S’il vous plait si vois s’avez la reponse me la dire et merciii.
MERCIIIIII ! Je l’avais étudié en lecture analytique mais en relisant la fiche que mon professeur m’avait donné il m’a semblé qu’ill n’y avait pas vraiment de grandes parties. On aurait juste dit 3 sous-parties tres peu détaillées, meme avec ce que j’avais noté ca me semblait pas suffisamment analyse, alors un grand Merci ! (Vive ce moment où je fait mes fiches de francais à la derniere minute …….)
Bonjour Amélie, merci pour cette analyse… Je me demandais juste s’il ne faudrait pas parler aussi du XIXe siècle, du Romantisme, de son lien avec Rimbaud, de l’état d’esprit de Verlaine à ce moment… Parce que j’ai eu l’impression en lisant l’analyse, que cette mélancolie est injustifiée, et qu’elle n’est « qu’un prétexte à la musique »
Pourriez vous me l’expliquer svp?
Merci 🙂
Bonjour, j’aimerais connaître le nom du tableau en début d’article, je dois faire une ouverture justifiée pour mon oral et cette œuvre m’intéresse.
Merci d’avance.
bonsoir ,
je voudrais savoir si les deux premiers vers est une paronomase?
merci d’avance
bonsoir
peut on dire que les deux premiers vers sont une paronomase ?
merci d’avance
Bonjour,
je n’arrive pas à m’expliquer le titre. Pouvez vous me le dire, m’expliquer ce titre, s’il vous plaît ?
Merci beaucoup d’avance et merci pour votre blog, il est vraiment très clair et très instructif.
Bonsoir Victor,
Ce titre, « Il pleure dans mon cœur », est un néologisme (une expression inventée par Verlaine) comme je l’explique à Olive dans le commentaire juste au dessus. Il est formé par analogie avec l’expression « Il pleut » et permet d’évoquer la mélancolie de Verlaine (où la pluie et les pleurs se confondent).
Votre blog est super et votre commentaire est très instructif. Mais j’ai une question, peut-on dire que le titre il pleure sur mon coeur est un néologisme ?
Bonsoir Olive et merci pour ton message. Oui, l’expression « Il pleure dans mon cœur » est un néologisme : il s’agit d’un mot nouveau, inventé par Verlaine. C’est plus précisément la tournure impersonnelle « il pleure » formée à partir de « il pleut » qui est une création de Verlaine.