Germinal, incipit : commentaire

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germinal zola incipitVoici un commentaire de l’incipit de Germinal d’Emile Zola.

L’extrait étudié va du début du chapitre 1 à « Alors, l’homme reconnut une fosse. ». Clique ici pour lire le texte de l’incipit de Germinal commenté ici.

Incipit de Germinal, introduction :

Le mot « germinal » qu’a choisi Zola pour le titre de ce roman paru en 1885, treizième de la série des Rougon-Macquart, n’est pas anodin : il désigne le mois de mars du calendrier révolutionnaire, début du printemps et promesse de renouveau.

Mais pour Zola, romancier naturaliste, il importe de décrire avec précision les conditions de vie des hommes de son époque.

Il s’attaque dans Germinal à la lutte des mineurs pour leurs droits sociaux (plus précisément de la longue grève de 1884). L’incipit s’ouvre donc sur une atmosphère sombre : le protagoniste, Etienne Lantier, encore anonyme, chemine de nuit dans un environnement hostile.

Extrait étudié :

Dans la plaine rase, sous la nuit sans étoiles, d’une obscurité et d’une épaisseur d’encre, un homme suivait seul la grande route de Marchiennes à Montsou, dix kilomètres de pavé coupant tout droit, à travers les champs de betteraves. Devant lui, il ne voyait même pas le sol noir, et il n’avait la sensation de l’immense horizon plat que par les souffles du vent de mars, des rafales larges comme sur une mer, glacées d’avoir balayé des lieues de marais et de terres nues. Aucune ombre d’arbre ne tachait le ciel, le pavé se déroulait avec la rectitude d’une jetée, au milieu de l’embrun aveuglant des ténèbres.

L’homme était parti de Marchiennes vers deux heures. Il marchait d’un pas allongé, grelottant sous le coton aminci de sa veste et de son pantalon de velours. Un petit paquet, noué dans un mouchoir à carreaux, le gênait beaucoup ; et il le serrait contre ses flancs, tantôt d’un coude, tantôt de l’autre, pour glisser au fond de ses poches les deux mains à la fois, des mains gourdes que les lanières du vent d’est faisaient saigner. Une seule idée occupait sa tête vide d’ouvrier sans travail et sans gîte, l’espoir que le froid serait moins vif après le lever du jour. Depuis une heure, il avançait ainsi, lorsque sur la gauche, à deux kilomètres de Montsou, il aperçut des feux rouges, trois brasiers brûlant au plein air, et comme suspendus. D’abord, il hésita, pris de crainte ; puis, il ne put résister au besoin douloureux de se chauffer un instant les mains.

Un chemin creux s’enfonçait. Tout disparut. L’homme avait à droite une palissade, quelque mur de grosses planches fermant une voie ferrée ; tandis qu’un talus d’herbe s’élevait à gauche, surmonté de pignons confus, d’une vision de village aux toitures basses et uniformes. Il fit environ deux cents pas. Brusquement, à un coude du chemin, les feux reparurent près de lui, sans qu’il comprît davantage comment ils brûlaient si haut dans le ciel mort, pareils à des lunes fumeuses. Mais, au ras du sol, un autre spectacle venait de l’arrêter. C’était une masse lourde, un tas écrasé de constructions, d’où se dressait la silhouette d’une cheminée d’usine ; de rares lueurs sortaient des fenêtres encrassées, cinq ou six lanternes tristes étaient pendues dehors, à des charpentes dont les bois noircis alignaient vaguement des profils de tréteaux gigantesques ; et, de cette apparition fantastique, noyée de nuit et de fumée, une seule voix montait, la respiration grosse et longue d’un échappement de vapeur, qu’on ne voyait point.

Alors, l’homme reconnut une fosse.

Questions possibles à l’oral de français sur l’incipit de Germinal :

♦ Comment Zola introduit-il son protagoniste ?
♦ Quel est le rôle du paysage dans cet incipit ?
♦ Comment le réalisme de cet incipit laisse-t-il peu à peu place au fantastique ?
♦ En quoi cet incipit annonce-t-il le reste du roman Germinal ?

Annonce du plan

Nous verrons que cet incipit de Germinal joue bel et bien un rôle informatif (I), puis nous aborderons la confrontation centrale : l’homme face au paysage (II). Pour terminer, nous remarquerons le glissement opéré du réalisme vers le fantastique, dans la vision du protagoniste (III).

I – Un incipit informatif

A – Un contexte spatio-temporel réaliste

Le décor est décrit en détail et bien ancré dans la réalité : nous sommes sur « la grande route de Marchiennes à Montsou », constituée de « dix kilomètres de pavé », et nous savons que le protagoniste est à « deux kilomètres de Montsou » lorsqu’il tourne sur la gauche.

Marchiennes est une ville qui existe réellement dans le Nord-Pas-de-Calais, même si Montsou est un endroit inventé par Zola.

Quant au paysage, « les champs de betteraves » et « l’immense horizon plat » nous confirment que le récit se déroule dans le nord de la France.

La saison et même l’heure sont également données de manière assez précise : l’homme est parti « vers deux heures » et marche « sous la nuit sans étoiles ». Le « vent de mars » nous renseigne sur la période de l’année, de même que les « terres nues » et « le froid », qui indiquent l’hiver.

B – Introduction du protagoniste

Le personnage principal, Etienne Lantier, n’est pas encore nommé dans cet incipit mais il est bien le protagoniste de cet extrait. Désigné comme « un homme », « il » puis « l’homme », il est le point central et nous suivons son cheminement.

Quelques indices nous sont d’ores et déjà livrés : ce n’est pas un vieillard, car il marche « d’un pas allongé » ; c’est un « ouvrier sans travail et sans gîte », et le « coton aminci de sa veste » montre qu’il ne doit pas être très riche. Il appartient donc à la classe des travailleurs, mais n’a pas d’emploi.

Enfin, nous avons accès à quelques-unes de ses pensées : sa « seule idée » est « l’espoir que le froid serait moins vif après le lever du jour ». C’est un besoin primaire : nous sommes dès l’incipit plongés dans l’univers des indigents.

C – Un début de roman intrigant

Les rares informations données sur Etienne, qui se cantonnent à des besoins primaires (il a lui-même la « tête vide » ; tout ce qui le préoccupe est le froid qui fait « saigner » ses « mains gourdes »), ainsi que la référence à la « fosse », ancrent le récit dans un certain milieu, celui des mineurs.

Mais d’autres éléments restent problématiques. L’heure à laquelle l’homme entreprend ce voyage de Marchiennes à Montsou est intrigante : pourquoi, lorsqu’on n’a pas les moyens d’être mieux couvert, partir en plein cœur de la nuit ?

Les informations précises mais parcimonieuses que nous donne Zola invitent à de nombreuses questions sur l’identité et le passé de ce personnage, ainsi que sur le but de son voyage : où va-t-il ? pourquoi n’a-t-il pas de travail ?

Transition : Ainsi, ce passage remplit parfaitement le double-rôle d’un incipit : informer et inciter à continuer. La situation initiale qui s’esquisse ici intrigue ; le lecteur est témoin dès ces premières lignes de l’affrontement entre cet homme solitaire et son environnement.

II – Un face-à-face : l’homme contre son environnement

A – Une nature hostile

Le paysage qui entoure le marcheur est aride : la plaine est « rase », les terres « nues », le sol « noir ».

Le ciel lui-même est menaçant, comme le souligne le champ lexical de l’obscurité : « sans étoiles », « d’une obscurité et d’une épaisseur d’encre », « mort ». L’antithèse « l’embrun aveuglant des ténèbres » souligne la noirceur du paysage.

La température est un autre élément hostile : le vent est omniprésent (« souffles du vent de mars, des rafales larges ») et même personnifié. En effet, les « lanières du vent d’est » semblent indiquer que le vent est doué de volonté et cherche à fouetter Etienne.

B – La faiblesse de l’homme

La platitude du paysage est écrasante pour ce personnage qu’on imagine debout et « seul », minuscule dans ces immenses plaines (l’horizon est « plat » et le seul signe de vie humaine sont des maisons « aux toitures basses » et « un tas écrasé de constructions », qui reste « au ras du sol »).

Face à la nature qu’on sent puissante et furieuse (le vent fouette, le sol semble « une mer »), l’homme paraît bien faible.

Esclave à la merci du vent, il est présenté comme pauvre et surtout souffrant physiquement (ses mains saignent à cause du froid).

Réduit à ses besoins primaires, il en presque déshumanisé face à une nature qui, elle, semble animée, alors qu’il n’est guère plus qu’un animal qui suit ses instincts (il va vers les brasiers, pourtant menaçants, car il ne peut « résister au besoin douloureux de se chauffer les mains »).

C – Un paysage industriel angoissant

Tout comme Etienne, le lecteur découvre le site minier de Montsou brusquement.

Dans le texte, cette découverte correspond à la première occurrence du passé simple (« lorsque sur la gauche, à deux kilomètres de Montsou, il aperçut… »), qui marque un tournant dans la situation initiale : après une longue marche de plusieurs kilomètres, le protagoniste approche de sa destination.

Malgré une apparition qui contraste avec le froid de l’hiver, ce nouvel élément du paysage reste menaçant : les « feux rouges, trois brasiers », qu’il doit atteindre en s’enfonçant encore plus dans le paysage plat (« chemin creux »), sont comparés à « des lunes fumeuses », amenant l’idée d’incendie et de destruction.

La description des bâtiments est marquée, tout comme le paysage naturel, par leur horizontalité et leur caractère lugubre : d’abord le village aux « toitures basses et uniformes », puis le site minier, une « masse lourde, un tas écrasé ».

Les fenêtres « encrassées », les lanternes qualifiées de « tristes » et les charpentes aux « bois noircis » contribuent à la vision funèbre du site.

Transition : C’est donc bien un sentiment d’angoisse et de solitude qui sous-tend cet incipit, dans lequel le protagoniste se retrouve aux prises avec un paysage hostile. L’atmosphère est rendue plus inquiétante encore par l’apparition d’une étrange vision.

III – La vision : du réalisme au fantastique

A – Glissement des points de vue

Après une description très réaliste du paysage et de l’homme sur la route, le texte bascule dans le troisième paragraphe dans une vision presque fantastique. Se produit en parallèle un glissement des points de focalisation (points de vue).

Alors que dans les deux premiers paragraphes, le narrateur déroule le récit d’un point de vue tour à tour externe (on observe le paysage, puis le personnage, à distance : on sait qu’il grelotte, quelques indications sont donnés sur ses vêtements et le paquet qu’il porte) et omniscient (le narrateur décrypte les pensées du personnage, « sa tête vide d’ouvrier » focalisé sur le froid), le récit passe soudain au point de vue interne.

À partir du premier verbe au passé simple (« aperçut »), l’incipit est narré du point de vue interne d’Etienne : le lecteur ne voit plus qu’à travers ses yeux, et donc, à partir d’une vision subjective et limitée. Ainsi, le lexique de la perception devient omniprésent : « aperçut », « disparut », « vision », « reparurent », « spectacle », « apparition », « voyait », « reconnut » car nous percevons la scène à travers le prisme du regard d’Etienne.

B – L’enfer minier

Mais tout comme le protagoniste, le lecteur se retrouve limité dans ce qu’il perçoit, comme en attestent la courte phrase « Tout disparut. » .

Puis les nombreux éléments descriptifs indiquent que la vision est indistincte : « confus », « fumeuses », « masse », « tas », « silhouette », « rares lueurs », « fenêtres encrassées », « vaguement », « profils ».

Les « feux rouges », seuls éléments de lumière et de chaleur du texte, ne semblent pas bienveillants. Au contraire, ils sont qualifiés de « brasiers » et sont « suspendus » dans les airs. Ils jouent le rôle de tentateurs : si Etienne s’approche de ce site minier, c’est parce que malgré la « crainte » qu’ils lui inspirent, il ne peut « résister au besoin douloureux de se chauffer les mains ».

La fumée omniprésente (« lunes fumeuses », « noyée de nuit et de fumée », « échappement de vapeur ») renforce la sensation d’étouffement et préfigure l’enfermement des miniers sous terre.

C – Le symbolisme de la vision

La « vision de village » devient un peu plus loin, lorsqu’Etienne arrive à la mine, une « apparition fantastique ».

L’obscurité qui prédomine dans cet incipit, avec l’insistance sur la couleur noire (couleur par excellence de ce roman noyé dans le charbon), peut se lire comme un symbole de mort.

Alors qu’Etienne est réduit à l’état d’un pauvre vagabond, la mine, elle, est personnifiée : dotée d’une « voix » et d’une « respiration grosse et longue », elle se tapit dans la nuit comme une bête prête à lui sauter dessus. Cette description annonce d’ores et déjà l’effondrement de la mine qui mènera de nombreux ouvriers à la mort.

L’apparition se dissipe assez vite, Etienne reconnaissant ensuite « la fosse ». Il ne se dégage pas moins de ce premier contact avec son nouveau lieu de travail une impression funèbre.

Incipit de Germinal, conclusion

Loin de se contenter d’informer le lecteur sur la situation initiale, cet incipit de Germinal annonce en grande partie l’intrigue : l’affrontement entre l’homme et les forces qui le dépassent ainsi que la monstruosité de la mine, animal tapi dans l’obscurité et prêt à bondir sur sa proie, laisse présager les luttes dans lesquelles s’engageront en vain les miniers.

Cet incipit est à rapprocher de la conclusion du roman, où Etienne marche là encore seul sur la route mais en plein jour, dans un printemps naissant et plein de promesses : c’est alors un passage porteur d’espoir pour l’avenir des ouvriers.

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Amélie Vioux

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15 commentaires

  • Bonjour,
    Je viens de lire votre fiche sur comment faire une ouverture au bac mais je n’ai pas lu le livre en entier et je ne vois pas avec quelle oeuvre je pourrais faire le lien. Pourriez-vous m’indiquer des idées d’ouverture, s’il vous plaît ?

  • Bonjours , dites quelqun sait pourquoi etienne il porte un manteau rouge ? J au cherche partout et je ne trouve rien , c’est le prof qui m’a demander de trouver sa.

    Vous seriez des amours si vous m’aidez .

    Kiss

  • bonjour, ravie de te connaitre madame puisse- je te poser une question? bref je suis un étudiant en deuxième année universitaire et vraiment j’ai quelques problèmes de compréhension des figures de styles surtout l’analyse ‘ai besoin de ton aide; et aussi a propos de la progression argumentatif. ET MERCI

  • Bonjour,
    Je voudrais savoir quelles sont les caractéristiques du cadre spatio-temporel de cet incipit ?
    Serait-il possible de me répondre assez vite ?

    Cordialement

  • Bonjour Madame. J’adore vos commentaires. Ils sont super clairs et bien expliqués. Je vous reconnais tout de suite quand je tombe sur vos commentaires 🙂

  • Bonjour,

    Désolé je n’ai pas laissé mon commentaire dans la bonne case, je le remets ici. Dans certains commentaires vous proposez « les questions possibles à l’oral » et dans d’autres commentaires  » problématiques possibles ». Pouvez-vous m’éclairer sur cette différence ?

    Merci d’avance

  • mon prof de Français nous a donné ce texte en lecture analytique mais avec des axes différents. Nous avons:

    A. L’incipit de Germinal
    a. Description précise
    b. Présentation du personnage: ouvrier médiocre

    B. Un personnage pathétique
    a. Un quotidien ennuyeux
    b. La misère
    c. La souffrance

    Je n’ai pas aimé du tout nos axes de lecture mais mes camarades m’ont dit que c’est est-ce que je pourrais garder ce plan pour l’oral?

  • Je m’aperçois en regardant sur ce site que mon prof de français utilise ce que tu fais pour ces cours et nous dicte mots pour mots, je trouve ça facile de se prétendre prof de français en faisant ça. Il nous a aussi donné un commentaire littéraire a faire qu’il a trouve sur internet

    • Bonjour,

      Dans certains commentaires d’incipit, vous proposez les questions possibles au bac et dans d’autres commentaires vous citez les problématiques possibles. Pouvez-vous m’éclaircir sur cette différence ?

      Merci d’avance

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