Le Menteur, Corneille : fiche de lecture

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Voici une fiche de lecture complète de la pièce Le Menteur de Pierre Corneille, écrite en 1643-1644.

Le Menteur est au programme du bac de français, dans le cadre du parcours « Mensonge et comédie » .

Le Menteur de Pierre Corneille est une œuvre à la croisée du classicisme et du baroque. Elle connut un immense succès lors de sa représentation en 1644.

Cette comédie vive, spirituelle et élégante, éloignée des excès de la farce, incorpore jeux de mots subtils et rebondissements ingénieux.

Elle préfigure la comédie de caractère qui sera plus tard perfectionnée par Molière et rappelle que Corneille est un auteur majeur du XVIIème siècle qui a excellé dans tous les genres dramatiques, de la comédie à la tragédie.

Le Menteur : analyse en vidéo

Analyses linéaires sur Le Menteur :

Dissertation sur Le Menteur :

Qui est Corneille ?

Pierre Corneille (1606-1684) est l’un des plus célèbres dramaturges français du XVIIème siècle.

Après des études chez les jésuites à Rouen et un cursus de droit, il obtient un vif succès en 1629 avec Mélite, une comédie.

S’ensuivent d’autres comédies (L’Illusion comique en 1636 et Le Menteur en 1643), des tragi-comédies (Clitandre en 1631 et Le Cid en 1637) et de nombreuses tragédies comme Horace (1640), Cinna (1642) et Polyeucte (1643) qui lui valent une pension du cardinal de Richelieu.

En 1647, il est élu à l’Académie française.

Comment résumer Le Menteur ?

Acte I

À Paris, au jardin des Tuileries, Dorante, un jeune homme tout juste débarqué de Poitiers, interroge son valet Cliton sur la façon de séduire les dames de la Capitale.

Lors d’une rencontre fortuite avec Clarice et Lucrèce, deux jeunes femmes issues d’un milieu aisé, il se vante d’un glorieux passé militaire en Allemagne, déployant ainsi son premier mensonge.

Mais un quiproquo va complexifier l’intrigue : Dorante inverse l’identité des deux jeunes femmes; il est persuadé que Clarice se nomme Lucrèce.

À Alcippe, l’amant de Clarice qu’il croise par hasard, il livre le récit fantasmé d’une somptueuse fête galante qu’il aurait organisée la veille.

Acte II

Géronte, le père de Dorante, veut marier son fils à Clarice.

Celle-ci veut pouvoir observer le jeune homme avant de s’engager (elle ignore alors qu’il s’agit du garçon rencontré aux Tuileries).

Isabelle, la suivante de Clarice, suggère une ruse : Lucrèce propose un rendez-vous à Dorante, et Clarice prendra sa place.

De son côté, Dorante, qui veut échapper à cette union, invente un histoire rocambolesque dans laquelle il raconte qu’il est déjà marié à Orphise, rencontrée à Poitiers.

Acte III

Lors du rendez-vous arrangé, Clarice découvre que « l’inconnu » croisé au parc n’est autre que Dorante, le fils de Géronte.

Alors qu’elle se fait passer pour Lucrèce, comme l’a suggéré sa suivante, elle démasque le jeune homme et s’indigne de l’entendre clamer que ses mensonges visaient à échapper au mariage avec Clarice.

Acte IV

Dorante démontre sa virtuosité de menteur.

En effet, après avoir fait croire à  son valet Cliton qu’il s’est battu en duel avec le prétendant de Clarice, Alcippe, et l’a laissé pour mort, il soutient, lorsque son prétendu adversaire entre sur scène, que ce dernier a bénéficié d’un traitement miraculeux.

Ayant oublié le nom des personnages qu’il a lui-même inventés, il doit ensuite improviser devant Géronte qui veut écrire à Armédon, le père d’Orphise, la soi-disante épouse poitevine.

Enfin, Dorante fait parvenir à Lucrèce, par l’intermédiaire de sa servante Sabine, une lettre d’amour. Clarice met en garde Lucrèce contre Dorante et ses mensonges, mais son amie éprouve des sentiments amoureux.

Acte V

Philiste, un ami de Dorante et Alcippe, révèle à Géronte que le mariage de son fils à Poitiers n’est que fabulation.

Face à la colère paternelle, Dorante justifie son récit imaginaire par sa volonté d’épouser Lucrèce, dont il a eu confirmation par Sabine des sentiments à son égard.

Lorsque le jeune menteur rencontre les deux amies, il déclare sa flamme à Clarice, qu’il prend toujours pour Lucrèce, puis se sort de cette situation en prétendant avoir reconnu Clarice lors du rendez-vous nocturne.

La pièce s’achève ainsi sur l’annonce des mariages d’Alcippe et Clarice d’une part et Dorante et Lucrèce d’autre part.

Quels sont les thèmes importants dans Le Menteur ?

Le mensonge

Si Dorante est le menteur qui donne son titre à la pièce, tout le monde ment dans cette comédie : Lucrèce, Clarice, Sabine et même Cliton exercent tour à tour leurs talents de dissimulation. Le mensonge est donc omniprésent.

Dorante se démarque bien sûr par sa virtuosité de conteur. C’est un incurable affabulateur, et de ce point de vue, la pièce constitue une comédie de caractère qui vise à faire rire d’un défaut humain universel.

Mais alors que l’objectif affiché de la comédie traditionnelle est de corriger les mœurs par le rire, on peut être surpris que Corneille ne condamne pas ici le mensonge.

Au contraire, la réplique finale de Cliton traduit l’admiration du valet pour son maître : « Vous autres qui doutiez s’il en pouvait sortir , / Par un si rare exemple apprenez à mentir. » (Acte V,scène 7).

Car le mensonge est un jeu qui requiert stratégie, mémoire et esprit. Dorante est enivré par la mise en danger procurée par ses inventions. La tromperie constitue pour lui une stimulation intellectuelle, un mode de vie, un talent d’inventeur.

La galanterie

Le Menteur se démarque des comédies traditionnelles de l’époque aux personnages ridicules et souvent farcesques.

Ici, le héros est de lignée noble et évolue dans un univers mondain aux codes galants où l’apparence, les règles sociales, l’art de la séduction et de la conversation priment.

Dorante affirme d’ailleurs dès la première scène chercher des « galanteries » et s’enquiert de la façon de plaire aux dames.

Le langage précieux infuse dans toute la pièce, comme Dorante s’en explique à Cliton à l’acte I, scène 6 : « Oh ! Le beau compliment à charmer une dame, / De lui dire d’abord : « J’apporte à vos beautés / Un cœur nouveau venu des universités ». Lorsque dans la scène 5 de l’acte I, il évoque une fête qu’il aurait organisée, il se lance dans un récit digne d’un roman précieux où abondent nourriture, fruits exotiques et divertissements.

Par ailleurs, la séduction, omniprésente dans la pièce, s’exprime chez tous les personnages, de la rivalité amoureuse entre Clarice et Lucrèce à la jalousie d’Alcippe, jusqu’au récit rocambolesque du mariage poitevin avec Orphise imaginé par Dorante.

Le théâtre

Si Corneille ne condamne pas le mensonge dans cette pièce, ne serait-ce pas parce que Dorante, dont l’inventivité est source de divertissement et de plaisirs, incarne la virtuosité du dramaturge ?

D’ailleurs, les autres personnages se comportent souvent comme des spectateurs complices, usant à l’égard de Dorante d’un vocabulaire théâtral : « Il fait pièce nouvelle, écoutons. » (Clarice, dans l’acte III scène 5) ; « Et si ce mariage est de même méthode / La pièce est fort complète et des plus à la mode » (Philiste, dans l’acte V scène 1).

À travers ce personnage créatif, divertissant et séducteur, Corneille se permet un discret éloge du théâtre, qui n’est rien d’autre qu’un mensonge plaisant et agréable.

Quelles sont les caractéristiques de l’écriture de Corneille ?

Corneille ancre résolument son écriture dans une tonalité comique, basée sur le décalage entre les attentes du spectateur et ce qui est représenté sur scène.

Mais il s’agit d’un comique subtil, qui s’éloigne de la farce traditionnelle puisqu’il repose sur une habileté verbale des personnages et le déploiement d’intrigues complexes et enchevêtrées.

L’amusement intellectuel culmine lorsque Corneille parodie des passages de sa propre pièce, Le Cid – tragédie qu’il a écrite en 1637 et qui a remporté un important succès.

Ainsi, à l’acte I scène 3, Dorante livre un récit de la guerre en Allemagne qui ressemble au célèbre monologue de Rodrigue, à la différence que la guerre racontée par Dorante est le fruit de son imagination et ne repose sur aucun exploit héroïque.

De même, lorsque Géronte, à l’acte V, scène 2, se rend compte de la tromperie de son fils, sa complainte prend les accents de celle de Don Diègue dans Le Cid (acte I, scène 4) : « Ô vieillesse facile ! ô jeunesse impudente ! Ô de mes cheveux gris honte trop évidente ! Est-il dessous le ciel père plus malheureux ? » Mais la tonalité a changé : à la vieillesse « ennemie » de Don Diègue, objet de déshonneur, répond la « vieillesse facile » de Géronte, objet de tromperie comique.

Que signifie le parcours « Mensonge et comédie » ?

Le mensonge et la comédie sont intimement liés dans Le Menteur.

Le mensonge comporte une dimension comique

Le mensonge comporte une dimension comique évidente dans cette pièce.

Il représente pour Dorante un jeu intellectuel relevé avec défi et bonheur, qui lui permet de panacher les styles.

Son expression est outrancière : le héros emploie un style épique pour évoquer ses prétendues guerres en Allemagne, romanesque pour dépeindre des fêtes somptueuses, ou farcesque pour imaginer la scène poitevine avec Orphise et Armédon.

L’enchaînement des mensonges en cascades engendre un comique de situation jubilatoire. Dorante se crée une identité qui n’est pas la sienne et se voit contraint avec chaque personnage (Clarice, Lucrèce, Géronte, Alcippe) de poursuivre cette comédie.

Les masques se surajoutent ; les situations deviennent de plus en plus inextricables. Le valet Cliton, dont les apartés révèlent au spectateur les mensonges de son maître, renforce la puissance comique du mensonge.

Le spectateur bénéficie en effet d’une place privilégiée d’observateur des stratégies adoptées par Dorante pour se sortir de situations critiques.

Dorante, l’invétéré menteur : une figure de l’acteur

Cette conception légère et spirituelle du mensonge permet d’assimiler Dorante à la figure de l’acteur mais aussi à celle du dramaturge.

En effet, l’acteur, comme le menteur, est l’emblème du masque et du faux-semblant.

Dorante ne cesse de changer de visage tout au long de la pièce : grand guerrier en Allemagne, organisateur de fêtes somptueuses à l’acte I, homme marié à l’acte II, amoureux transi à l’acte III, bretteur courageux et victorieux à l’acte IV, il endosse un ou plusieurs masques par acte et devient un personnage mouvant, insaisissable, à multiples facettes. Il incarne ainsi l’acteur par excellence qui porte le masque adapté au rôle qu’il souhaite jouer.

Dorante, l’illusionniste : une figure du dramaturge

Dorante se rapproche ensuite du dramaturge, cet illusionniste qui met en scène des intrigues imaginaires, plaisantes et divertissantes.

Comme un dramaturge, Dorante improvise en fonction de la sagacité et des réactions des autres personnages mais reste maître du jeu de bout en bout et se sort élégamment des situations les plus inextricables.

Le mensonge est finalement le rouage essentiel du théâtre comique qui appose un masque divertissant aux personnages et à la réalité.

La malicieuse morale finale de Cliton, seul sur scène, va dans ce sens : « Comme en sa propre fourbe un menteur s’embarrasse ! Peu sauraient comme lui s’en tirer avec grâce. Vous autres qui doutiez s’il en pourrait sortir / Par un si rare exemple apprenez à mentir » Alors que le premier vers s’engage vers une critique du mensonge (« sa propre fourbe »), la suite valorise la « grâce » de Dorante et l’érige en « rare exemple ». Corneille dresse ainsi l’éloge de l’illusion théâtrale qui demeure un objet de plaisir et de divertissement.

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Amélie Vioux

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