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Voici une fiche de lecture complète de la pièce Pour un oui ou pour un non de Nathalie Sarraute, écrite en 1982.
Pour un oui ou pour un non est au programme du bac de français dans le cadre du parcours « Théâtre et dispute » .
Pour un oui ou pour un non est une oeuvre particulièrement intéressante car elle permet de comprendre ce que sont les « tropismes », notion au cœur de l’écriture de Nathalie Sarraute.
Les tropismes, ce sont ces émotions infimes, ces mouvements fugaces, ces petits malaises innommables qui se cachent derrière les mots des conversations banales et stéréotypées.
C’est donc à une véritable exploration du langage que nous sommes conviés, afin de prendre conscience des sous-entendus, des sentiments imperceptibles non exprimés et de l’implicite qui sont tapis derrière la parole ordinaire.
Analyses linéaires sur Pour un oui ou pour un non :
- La scène d’exposition, « Pourquoi ne veux-tu pas le dire ? »
- Le motif de la dispute (c’est bien ça)
- Pour un oui ou pour un non, deux conceptions opposées du bonheur
- La dispute finale (c’est une lutte à mort) : analyse
- Pour un oui ou pour un non, le dénouement
Dissertation :
Qui est Nathalie Sarraute ?
Nathalie Sarraute (1900-1999) est une écrivaine française d’origine russe.
Son œuvre avant-gardiste débute avec un recueil de courts textes publié en 1939, Tropismes, qui explore « les mouvements indéfinissables qui glissent très rapidement aux limites de la conscience
» et sous-tendent nos conversations.
En 1956, son essai L’Ère du soupçon critique les conventions traditionnelles du roman et font d’elle une figure du Nouveau Roman, aux côtés de Robbe-Grillet et Claude Simon.
Elle est l’autrice de nombreux romans comme Le Planétarium (1959), Les Fruits d’or (1963), et de pièces de théâtre telles que Le Silence (1967) ou Pour un oui ou pour un non (1982) qui connaît un succès considérable. Son autobiographie Enfance (1983) associe également écriture littéraire et recherche analytique.
Comment résumer Pour un oui ou pour un non ?
H1 rend visite à son ami H2 pour s’enquérir de la raison d’un éloignement qu’il ressent entre eux depuis quelques temps.
H2 nie d’abord toute distance, puis, poussé dans ses retranchements, avoue qu’il a été blessé par le ton de son ami, qui a déclaré : « C’est biiien…ça », alors qu’il se vantait d’un petit succès.
La futilité du motif rend H1 perplexe.
À partir de cet instant, la machine infernale s’emballe : chaque nouvelle réplique met de l’huile sur le feu.
H1 reformule le ressenti de son ami en le qualifiant de « condescendance ». Éclairé par ce mot, H2 demande leur avis à un couple de voisins, H3 et F, qui ne sont pas convaincus par le mobile de la dispute.
Les échanges entre H1 et H2 mettent en lumière deux tempéraments opposés. H1 incarne la bourgeoisie : il vit dans un bonheur matériel, stable, modéré. H2 est à vif, plus spontané, sentimental et sensible.
Alors que la réconciliation semble possible, un mot de H1, au sujet d’un vers de Verlaine, envenime de nouveau la situation.
L’incompatibilité entre les deux amis devient béante et irréparable : « C’est un combat sans merci. Une lutte à mort. Oui, pour la survie. Il n’y a pas le choix. C’est toi ou moi
», observe H.2.
Quels sont les thèmes importants dans Pour un oui ou pour un non ?
L’amitié
Les deux personnages sont liés affectivement par un passé commun : « Tu te souviens comme on attendrissait ta mère », H.2 : « Oui pauvre maman elle t’aimait bien
».
La mention de la figure maternelle protectrice et bienveillante transforme cette amitié en fraternité symbolique : « un ami de toujours… un frère….
».
Les deux personnages sont ainsi le miroir l’un de l’autre : « je te connais trop bien
». C’est pourquoi la distance, même infime, paraît insupportable à H1 qui vient en demander les raisons.
Cette amitié reprend même certaines formules du langage amoureux : «C’est à cause de ce rien que tu t’es éloigné ? Que tu as voulu rompre avec moi ?
», déclare H.1. Le terme « rompre », qui revient comme un leitmotiv dans la pièce et appartient au registre du lien sentimental, exprime de façon hyperbolique l’amitié qui lie les deux personnages.
Mais l’amitié n’empêchera pas la dispute qui révèle que l’autre, malgré l’histoire commune et les codes sociaux, représente toujours une altérité irréductible et complexe à comprendre.
La dispute
H1 veut comprendre la distance prise par H2. Il estime que la discussion va déboucher sur une entente et que le dialogue et la dispute ont donc un sens, une issue : ils permettront d’aboutir à un éclaircissement et un apaisement.
Mais H2 ne partage pas cette vision optimiste du conflit. Pour lui, la discussion constitue une boîte de Pandore : dès qu’on l’ouvre, le mécanisme de l’hostilité se met en marche et les dégâts sont irréversibles : « en parler seulement, évoquer ça…ça peut vous entraîner…de quoi on aurait l’air ?
», dit-il.
Et sur ce point, la pièce lui donne raison. À partir du moment où il évoque les raisons de sa rancune, la machine est lancée.
Chaque parole alimente le feu de la dispute comme le mot « condescendance » ou la mention de « Verlaine » qui amplifient l’hostilité.
La conclusion est sans appel : « C’est un combat sans merci. Une lutte à mort. Oui, pour la survie. Il n’y a pas le choix. C’est toi ou moi.
» Le vocabulaire darwinien (lutte pour la survie) souligne que la dispute a ramené les deux hommes sur le terrain de la violence primaire que rien ne peut plus réparer.
La bourgeoisie
Au fil de la pièce, il devient évident que les deux personnages incarnent des types sociaux opposés.
H2 décrit H1 comme un personnage qui souhaite tout « classer » (p. 47), « inspecter », « fouiller » (p. 46), citer (comme le vers de Verlaine). Il est caractérisé par sa modération, sa rationalité et son bonheur bourgeois : « quand tu te tenais devant moi…bien carré dans ton fauteuil, ton premier-né debout entre tes genoux… l’image de la paternité comblée…
». H2 l’accuse de « condescendance ».
H2, au contraire, apparaît plus sensible à la subtilité des sentiments, des mots, de la nature (H1 lui reproche d’avoir fait une trop longue pause, lors d’une randonnée, pour admirer le paysage). H2 incarne donc l’âme poétique mais aussi le « raté » (p. 45) d’un point de vue bourgeois et matérialiste.
Le langage
Nathalie Sarraute montre que le langage ne réside pas simplement dans les mots prononcés : il est un système complet intégrant la voix, le ton, l’intention voire l’inconscient.
C’est ainsi que le « C’est bien …ça …», dont le sens est pourtant positif, devient la raison de la rupture : « Il y avait entre « C’est bien » et « ça » un intervalle plus grand. « C’est biiien… ça » Un accent mis sur « bien »… un étirement : « biiien » et un suspens avant que « ça » arrive
».
Ainsi, derrière le sens commun des mots, H2 perçoit l’intention inconsciente qui se glisse avec lui, ici la condescendance, le mépris et l’indifférence bourgeoise.
Le langage se dote d’une double épaisseur : un sens apparent (la félicitation du « c’est bien ») et un sens caché (la condescendance que suggèrent l’étirement et le suspens).
Quelles sont les caractéristiques de l’écriture de Nathalie Sarraute ?
L’écriture dans cette pièce est d’une grande richesse.
À bien des égards, la pièce s’apparente à une comédie en raison du caractère dérisoire du chef d’accusation.
Lorsque H2 invite ses voisins à juger de la condescendance contenue dans le « C’est bien…ça », ceux-ci concluent avec humour : « Pas grand-chose en effet
».
Pourtant, la dimension tragique est aussi omniprésente.
Tout d’abord, Nathalie Sarraute reprend le topos de la tragédie grecque des frères ennemis.
Puis, comme dans une tragédie, les personnages sont les jouets du destin. Ici, cependant, ce sont les mots qui incarnent la fatalité en lançant la machine infernale de la division et de l’inimitié : « je t’adjure solennellement, tu ne peux plus reculer
».
Que signifie le parcours « Théâtre et dispute » ?
Le conflit est omniprésent au théâtre : il constitue généralement le nœud de l’action que les personnages et l’intrigue vont parvenir à dénouer.
Mais Nathalie Sarraute détourne les conventions théâtrales autour de la dispute. Car si celle-ci constitue bien le nœud de l’action dans cette pièce, elle a lieu « pour un oui ou pour un non », et ne se dénoue pas au fil de l’oeuvre, bien au contraire !
Une dispute pour un oui ou pour un non…
Tout d’abord, chez Nathalie Sarraute, la dispute déjoue les conventions théâtrales car elle a lieu pour rien, « pour un oui ou pour un non » comme indiqué dans le titre de la pièce.
C’est en effet une parole anodine (« C’est biiien…ça ») qui cristallise la division et transforme en ennemis deux amis de toujours.
En cela, cette querelle est d’ailleurs comique : son motif dérisoire prête à sourire. Aucun mot blessant n’a été prononcé : tout est parti d’un simple ton, d’une insistance malencontreuse sur une syllabe.
…fondée sur la coexistence de deux niveaux de langage
Mais c’est bien là tout l’intérêt de cette dispute pour Nathalie Sarraute. Son but est d’illustrer la notion de « tropismes », ces mouvements inconscients qui affleurent à la surface du langage.
Ainsi, la dispute est fondée sur la coexistence de deux niveaux de langage :
- Le langage tangible, celui de la conversation usuelle qui affirme l’amitié.
- Le langage insaisissable, celui des intentions parfois inconscientes qui se manifestent et dévoilent des divisions fondamentales.
…Et qui révèle l’opposition fondamentale entre les hommes
Finalement, la dispute n’est pas ici un nœud dramaturgique que l’intrigue va dénouer, elle est un état, une façon d’être vis-à-vis d’autrui.
D’ailleurs, la pièce ne s’achève pas sur le départ de l’un des personnages. Au contraire, le rideau tombe lorsque la dispute atteint son paroxysme, une façon de suggérer que celle-ci a mis en lumière la division fondamentale des hommes, nourris de rivalité, de concurrence et de division, et qu’aucun dialogue ne pourra jamais apaiser.
La dispute entre H1 et H2 est donc une véritable expérience théâtrale : les personnages évoluent en huis clos et la scène lève le voile de la politesse, des conventions sociales et des égards pour faire surgir une opposition cruciale entre les hommes : celle de la raison (incarnée par H1) et des sentiments (incarnés par H2).
Tu étudies Pour un oui ou pour un non ? Voici des lectures cursives pour aller plus loin :
- Art, Yasmina Reza
- Antigone, Anouilh : résumé
- Le Mariage de Figaro, Beaumarchais (fiche de lecture)
- Caligula, Camus : résumé
- Les bonnes, Genet (fiche de lecture)
- Juste la fin du monde, Lagarce (fiche de lecture)
- L’île des esclaves, Marivaux (fiche de lecture)
- Le Malade imaginaire, Molière (fiche de elcture)
- Tartuffe, Molière (fiche de lecture)
- La dispute, Marivaux
- On ne badine pas avec l’amour, Musset (fiche de lecture)
- Phèdre, Racine (fiche de lecture)
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