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Voici une analyse du poème « Le ciel est par-dessus le toit» de Paul Verlaine publié dans le recueil Sagesse (1881).
Le ciel est par-dessus le toit, Verlaine, introduction d’analyse
Lorsque Paul Verlaine publie Sagesse en 1881, il sort d’une longue période d’errance personnelle.
En septembre 1871, il rencontre Arthur Rimbaud et entreprend avec lui une relation amoureuse qui va le conduire en Angleterre et en Belgique.
Suite à une scène de jalousie, il blesse Rimbaud d’un coup de revolver 1873.
Incarcéré à la prison de Mons, il passera deux ans en détention et retrouve le chemin de la foi.
« Le ciel est par-dessus le toit » est un poème mélancolique (I) où Verlaine retrouve le chemin de la foi (II) à travers un lyrisme nouveau (III).
Questions possibles à l’oral de français sur « Le ciel est par dessus le toit »
♦ Comment s’exprime la mélancolie de Verlaine dans ce poème ?
♦ Spleen et idéal dans la poésie de Verlaine.
♦ Dans quelle mesure peut-on rapprocher ce poème du titre du recueil Sagesse?
♦ Comment pourrait-on caractériser le lyrisme de Verlaine ?
♦ Qu’est-ce qui fait l’originalité de ce poème ?
Clique ici pour lire le poème « Le ciel est par-dessus le toit ».
I – Un poème mélancolique
A – L’espace carcéral
Le poème « Le ciel est par-dessus le toit » suggère un univers carcéral.
C’est tout d’abord l’opposition entre l’espace intérieur et l’espace extérieur (« ciel », « arbre », « cloche », « oiseau », « ville
») qui suggère la prison.
A travers la locution prépositive « par-dessus
» ainsi que par la proposition relative « qu’on voit
», Verlaine crée une distance physique avec le monde extérieur.
Ces deux locutions sont d’ailleurs reprises anaphoriquement pour insister sur la distance qui sépare le poète du monde extérieur.
Cet effet de distance est accentué par la position du poète dans l’espace. Le poète semble en effet en contrebas et ne peut embrasser le monde par son regard levé vers le ciel. Cette situation suggère l’enfermement dans un cachot où le monde n’apparaît que par une mince ouverture.
Le poème « Le ciel est par-dessus le toit » dessine donc en creux un univers carcéral.
Cet emprisonnement est accentué le champ lexical de l’ouïe : « cloche », « doucement tinte », « Chante sa plainte », « paisible rumeur
».
On remarque en effet que les expressions oxymoriques qui font référence au bruit sont immédiatement atténuées :
♦ Le verbe « tinte » qui suggère un bruit sec est atténué par l’adverbe « doucement ».
♦ Le terme « rumeur » qui suggère agitation et mouvement est tempéré par l’adjectif « paisible ».
Le monde ne parvient donc au poète que sous la forme d’un vague écho ce qui renforce l’impression d’incarcération et d’éloignement.
B – Le spleen poétique
Du fait de l’incarcération, le poète est envahi par le spleen et la mélancolie.
Le champ lexical de la nature « le ciel », « un arbre », « un oiseau », « la vie
» dessine un paradis perdu dont le poète est séparé.
Le registre pathétique transparaît dans le champ lexical de la tristesse (« doucement tinte », « chante », « plainte », « pleurant », « sans cesse
»).
Dans ce champ lexical, l’assonance en [an] et [in] fait entendre la plainte du poète.
Quant à l’adverbe « sans cesse » , il insiste sur le caractère répétitif et infini de l’ennui qui n’est pas sans rappeler le spleen baudelairien.
Le pathos est accentué par l’interjection vocative « ô » qui donne à la quatrième strophe des accents élégiaques (« ô toi que voilà
» ).
Par ailleurs, le poète n’utilise pas le « je » dans ce poème. Il a recours au pronom impersonnel « on » qui suggère une dépersonnalisation (= perte de sens de soi-même) caractéristique de la poétique du spleen au XIXème siècle. Abandonné dans sa prison, le poète est absorbé par le néant et perd son identité.
La phrase interrogative finale et le dernier terme « jeunesse
» exprime l’action destructrice du temps et les regrets du poète : « Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà / De ta jeunesse ?
» .
Transition : Cette mélancolie carcérale trouve une issue dans la conversion religieuse de Verlaine.
II – La conversion religieuse de Verlaine
A – La présence de la religion
« Le ciel est par-dessus le toit » est parsemé de termes appartenant au champ lexical de la religion : « Le ciel », «bleu », « palme », « cloche », « Mon Dieu, mon Dieu », «
la vie
».
Ce champ lexical est constitué de symboles religieux :
♦ L’espace supérieur (« par-dessus
») est occupé par le bleu céleste qui symbolise la grâce (« Le ciel (…) si bleu
» );
♦ Le « toit » et la « ville » symbolisent le monde et l’ordre de la nature;
♦ La « palme » rappelle l’arbre dont les rameaux ont servi à saluer l’entrée de Jésus dans Jérusalem (Matthieu, 21, 1-10).
♦ L’allitération en [v] dans la deuxième strophe (« la vie est là […] Vient de la ville
») laisse entendre le mot « vie ». Alors que le poète semble rongé par le néant dans sa prison, la vie se rappelle à lui et vient lui apporter l’espoir.
L‘exclamation (« Si bleu, si calme !
») laisse aussi entendre cette voix de la vie et de l’enthousiasme.
Cette dimension religieuse est accentuée par l’anaphore « Mon Dieu, mon Dieu
» qui rapproche ce poème d’une prière.
En outre, ce poème de la solitude laisse curieusement surgir une quatrième strophe où le poète dialogue avec un « tu ».
Ce court dialogue (tiret en début de strophe, verbe à l’impératif « Dis », modalité interrogative) permet deux lectures différentes :
1 – Le poète dialogue avec un confesseur qui l’interroge sur la vanité de sa vie d’où la question philosophique : « Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà / De ta jeunesse ?
».
2 – Le poète dialogue avec lui-même et met alors à nu le processus de regret et de remords sur une vie dissolue. L’expression « toi que voilà
» adopte un ton inquisiteur, presque judiciaire comme si le poète passait au tribunal de sa conscience mortifiée.
Le poète met ainsi en scène sa confession. On remarque que la question finale reste sans réponse. Ce silence est celui de la contrition et de la conversion.
B – Une sagesse retrouvée
Derrière la souffrance et le spleen, se dégage paradoxalement une paix dans ce poème, comme si le poète parvenait à trouver une sagesse.
Le champ lexical de la paix montre une issue à la tristesse : « si calme », « Berce », « Doucement », « Simple et tranquille », « paisible
».
Les nombreux parallélismes de construction (« Si bleu /si calme ! », « par-dessus le toit / par-dessus le toit », « dans le ciel qu’on voit / sur l’arbre qu’on voit », « Mon Dieu mon Dieu, la vie est là », « ô toi que voilà /toi que voilà
» ) ainsi que le mouvement de bercement de la « palme » donnent une impression d’équilibre et de balancement qui suggère la paix intérieure.
Ce mouvement de balancier se retrouve dans le rythme du poème : l’alternance d’octosyllabe et de tétrasyllabe (4 syllabes) ainsi que l’alternance entre les déterminants définis et indéfinis « Le ciel / un arbre », « La cloche / un oiseau
» créent un balancement qui suggère le calme et l’apaisement du poète.
Transition : La prison est paradoxalement pour le poète l’occasion de réécouter la nature et de faire silence en lui pour mieux se connaître et inventer un nouveau lyrisme.
III – Un nouveau lyrisme
A – Une critique du lyrisme traditionnel
Paul Verlaine fait émerger dans « Le ciel est par-dessus le toit » un nouveau lyrisme.
Il casse tout d’abord le symbole du lyrisme traditionnel : l’alexandrin.
Son poème est composé d’une alternance d’octosyllabes et de tétrasyllabes qui semble être des vestiges d’alexandrins.
Pour introduire une musique différente, Verlaine a en effet rompu les deux hémistiches. Au rythme 6/6 traditionnel de l’alexandrin se substitue le rythme 8/4, première entorse au lyrisme traditionnel :
« Le ciel est, par-dessus le toit, (8)
(4)
Si bleu, si calme ! (4)
Un arbre, par-dessus le toit, (8)
Berce sa palme »
Ensuite, Verlaine évite soigneusement l’utilisation de la première personne « je », pronom lyrique par excellence. C’est même la deuxième personne du singulier qui prend la place du « je » lyrique : « tu », « ô toi », « tu », « toi que voilà », « ta
».
L’évitement du « je » crée une distance avec le romantisme. Par la deuxième personne, le « je » est dédoublé, mis à distance. Le lecteur peut retrouver ses propres impressions dans la lecture du poème.
Enfin, Verlaine mise sur une simplicité inhabituelle du vocabulaire.
La deuxième moitié du XIXème siècle est marquée par la poésie parnassienne et symboliste qui use d’un vocabulaire recherché et d’une syntaxe complexe. Or Verlaine cultive ici une forme de banalité dans le choix des termes (« bleu » , « calme » , « oiseau sur l’arbre
» …) ou la structure des phrases (répétition des expressions : « par-dessus le toit », « qu’on voit » ou « toi que voilà
».)
Par cette banalité, Verlaine prend le contrepied du poète inspiré de la poésie romantique ou symboliste. Il ouvre une nouvelle ère poétique qui célèbre la simplicité et le quotidien.
B – Une réconciliation avec la nature
L’incarcération et la conversion de Verlaine le conduit à voir d’un œil nouveau les beautés d’un monde qu’il reconstruit.
Dans Poèmes saturniens publiés en 1866, Verlaine affichait son mépris de la nature et des effusions sentimentales qu’elle inspirait aux poètes romantiques : « Nature rien de toi ne m’émeut…
» (« L’Angoisse »).
Or dans « Le ciel est par-dessus le toit », Verlaine se réconcilie avec la nature.
L’alternance de déterminants définis et indéfinis montre la proximité de plus en plus forte qui se crée entre le poète et le monde. Les noms sont déterminés de manière de plus en plus précise comme « Un arbre
» qui devient « l’arbre
» et « Le ciel
» qui devient « le ciel qu’on voit
». Ces reprises donnent l’impression que Verlaine écrit par retouche, à mesure qu’il devient plus familier avec le monde qui l’entoure.
Son rapport à la nature est toutefois loin des effusions romantiques. Le paysage décrit est vague (« le ciel« , « un arbre« , « un oiseau » , « la ville
» ) : il concourt à suggérer une impression beaucoup plus que des images précises.
D’ailleurs, la frontière entre l’extérieur et l’intérieur se brouille : l’oiseau qui « chante sa plainte
» fait songer au poète « pleurant sans cesse
« , la « paisible rumeur
» semble faire écho au remord qui trouble le poète, le ciel bleu renvoie à un état contemplatif.
La nature est ainsi intériorisée. Verlaine recrée un monde intérieur qui lui permet de conjurer le spleen.
Le ciel est par-dessus le toit, Verlaine, conclusion
Très influencé par le Parnasse dans les années 1870, Verlaine revient avec Sagesse à une forme de proximité et de simplicité avec le monde.
Il retrouve le chemin de la foi et célèbre au cœur du désespoir, la beauté d’un monde qui lui manque et qu’il recrée par l’imaginaire.
A distance d’une poétique romantique qui l’a influencée dans sa jeunesse mais qu’il considère désormais trop emphatique, il cherche à retrouver une proximité simple avec le monde et à lui redonner du sens.
On retrouvera quelques décennies plus tard cette poésie de la simplicité dans certains poèmes d’Apollinaire comme « Les colchiques » aux accents verlainiens évidents.
Tu étudies « Le ciel est par-dessus le toit » de Verlaine ? Regarde aussi :
♦ Biographie de Verlaine
♦ Fêtes galantes, Verlaine [fiche de lecture]
♦ Art poétique, Verlaine (commentaire rédigé)
♦ Green, Verlaine (lecture linéaire)
♦ Il pleure dans mon coeur, Verlaine (commentaire rédigé)
♦ Poèmes saturniens [fiche de lecture]
♦ Automne malade, Apollinaire (commentaire rédigé)
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Bonjour, je cherche des pistes d’analyse linéaire pour le poème « Gaspard Hauser chante » de Verlaine. Pourriez vous me guider ?
Merci
Le vers 9 « Mon Dieu….vie » est au milieu du poème , ce qui signifie que dieu et la religion occupe une place centrale dans la vie de l’auteur.
il y a une faute d’orthographe au grand 1 , »une poème »
Coquille corrigée 🙂
« Cet effet de distance est accentué par la position du poète dans l’espace. Le poète semble en effet en contrebas et ne peut embrasser le monde par son regard levé vers le ciel. Cette situation suggère l’enfermement dans un cachot où le monde n’apparaît que par une mince ouverture. »
Point n’est besoin, en prison, d’être en contrebas de la fenêtre pour n’apercevoir pas grand’ chose ; même à un deuxième étage, l’horizon est largement absorbé par les hauts murs d’enceinte.
Mais il existe aussi des cellules où le fenestron est placé bien haut et alors, hors le ciel, il n’est guère de paysage…
Dans sa cellule 252 de la prison de Mons (cellule qui a été complètement transformée lors d’une modernisation de l’établissement, située au deuxième étage, Verlaine pouvait effectivement apercevoir quelques toitures (mais pas les maisons) et, au-delà, quelques hautes ramures des arbres qui bordent la Place du Parc (anciennement Saint-Jean). Son univers était très limité dans moins de 9 m²…