Demain dès l’aube, Victor Hugo : lecture linéaire

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demain dès l'aube lecture linéaireVoici une analyse linéaire du poème « Demain dès l’aube » issu des Contemplations de Victor Hugo.

Victor Hugo, auteur romantique du XIXème siècle, publie en 1856 Les Contemplations, un recueil de poésie écrit en hommage à sa fille Léopoldine décédée en 1843 dans un tragique accident.

(Voir ma fiche de lecture des Contemplations de Victor Hugo)

Le poème « Demain dès l’aube » est issu du livre IV des Contemplations, « Pauca Meae », consacré au deuil de Léopoldine et à la douleur du poète.

Problématique :

Comment Victor Hugo transforme-t-il cette évocation du deuil en prière et en hommage à sa fille  ?

Annonce de plan linéaire :

Ce poème commence paradoxalement par une négation du deuil (I), puis le poète entre dans une posture méditative (II) jusqu’à domestiquer la douleur du deuil grâce à la poésie (III).

(Je te propose ici une lecture linéaire, organisée autour des mouvements du texte, conformément à ce qui est attendu de toi à l’oral de français. Tu peux aussi lire mon commentaire composé de Demain dès l’aube).

I – La négation du deuil

(1er quatrain)

Alors que le poème « Demain dès l’aube » évoque le deuil, le premier quatrain commence paradoxalement par trois compléments circonstanciels de temps évoquant l’avenir « Demain », « dès l’aube », « à l’heure où blanchit la campagne » (v.1).

Ce premier quatrain donne l’impression que le poète part dans une quête amoureuse et s’adresse à une femme aimée et vivante.

Le verbe « blanchir » suggère la nouveauté, la candeur, la naissance.

Placé en rejet, le verbe « Je partirai » au vers 2 montre une résolution du poète à franchir les obstacles (« la forêt », « la montagne »), comme dans un poème d’amour courtois.

L’incise « Vois-tu » au vers 2 crée l’illusion d’un dialogue, renforcée par l’anaphore de la première et de la deuxième personne du singulier (je et tu) sur le modèle A/B/A/B/A qui donne l’impression que la femme aimée répond au poète : « Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends ».

Le champ lexical de la nature « campagne », « forêt », « montagne » crée un espace naturel et romantique.

L’alexandrin « Je ne puis /demeurer// loin de toi /plus longtemps » est un tétramètre (vers de quatre pieds) à débit régulier qui fait penser au style galant. Par ce vers, Victor Hugo donne l’impression d’être un chevalier servant qui va à la rencontre de sa bien-aimée.

II – Une méditation tragique

(2ème quatrain)

Alors que le premier quatrain fait songer à un poème galant adressée à la femme aimée, Victor Hugo entre dans le deuxième quatrain dans une démarche de méditation.

Les termes appartenant au champ lexical de la sensation (« les yeux », « voir », « entendre », «  bruit ») sont présents mais systématiquement précédés de prépositions exprimant la négation : « Sans rien voir », « sans entendre aucun ».

Comme un ermite, le poète se ferme au monde extérieur.

Victor Hugo adopte une posture tragique de repli sur soi : « les yeux fixés sur mes pensées », « le dos courbé », « les mains croisés ».

Le rythme des vers 7 et 8 est irrégulier, saccadé, comme si le poète étouffait un sanglot :
« Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées (1/3/4/4)
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit. » (1/5//6)

Ce rythme irrégulier met en valeur les adjectifs « Seul » et « Triste » isolés en début de vers, qui montrent un héros tragique, victime de la fatalité d’un destin funèbre.

L’expression « dos courbé » rappelle la lourdeur du personnage tragique écrasé par le poids de la fatalité.

La réversibilité entre le jour et la nuit (« le jour sera pour moi comme la nuit ») souligne le basculement dans un univers sombre et tragique.

III – La domestication du deuil

(3ème quatrain)

Le troisième quatrain initie un changement dans l’attitude du poète.

La métaphore « or du soir » (v.9) pour désigner les étoiles donne un caractère magique à ce pèlerinage.

Les « voiles au loin» (v.10) appellent au voyage, et à l’exotisme.

Le monde extérieur vient ainsi rappeler le poète à la vie.

Mais Victor Hugo joue sur la polysémie des termes :
♦ Le verbe « tombe » fait aussi entendre le mot « tombe« , qui désigne le monument funéraire;
♦ Les « voiles » évoquent le vêtement du deuil.

Tous les mots sont ainsi réversibles: ils disent la vie en même temps que la mort.

Même le nom propre « Harfleur » annonce le bouquet funéraire que le poète va déposer au cimetière au vers 12 : « Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur« .

Ce n’est qu’au vers 11 que le substantif « tombe » sort définitivement de l’ambiguïté lexicale pour ne représenter que le monument funéraire de Léopoldine : « je mettrai sur ta tombe« . Le poète domestique sa douleur pour mettre des mots sur la mort de sa fille.

La richesse des rimes (« tombe / tombe », « Harfleur / fleur ») et les effets de rimes internes « j’arriverai » / « Je mettrai », « houx vert » / « bruyère » donnent une dimension musicale et presque litanique à ce dernier quatrain, comme si Victor Hugo préparait une prière.

Demain, dès l’aube, explication linéaire, conclusion

Victor Hugo fait un travail de domestication du deuil de sa fille par les mots et l’expression poétique.

Il passe de la négation du deuil à la tragédie puis accède à une posture de prière qui reconnaît la disparition douloureuse de Léopoldine.

Dans d’autres poèmes du livre « Pauca meae », comme le poème « Elle avait pris ce pli », c’est l’évocation de souvenirs familiaux heureux qui permet à Hugo d’apaiser sa douleur.

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Amélie Vioux

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7 commentaires

  • Bonjour,
    Quel est le point commun dans le construction du vers 3 et du vers 6 de Demain dès l’aube.
    Les deux propositions sont séparées par une virgule, mais dans le v3 on a un point final et dans le vers 6 une virgule. Mais je ne vois aucun points communs.
    Merci

  • Bonjour ,
    j’ai besoin de votre avis concernant ce texte.
    J’aime beaucoup ce poème et j’aurais aimé le présenter à l’oral de français mais n’est-il pas un peu court pour cela ?

  • Bonjour, j’ai trouvé cette analyse très utile et aimerait proposer un ajout.
    Le « dos courbé » du poète au vers 7 le représente s’effondrant sur lui-même comme le fit son étoile en s’éteignant. ( j’évoque bien entendu la mort de Léopoldine )
    J’espère que ce commentaire vous sera utile

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