Crépuscule de Victor Hugo : analyse

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crepuscule victor hugoVoici une analyse linéaire du poème « Crépuscule » issu du livre II des Contemplations de Victor Hugo.

Crépuscule, Victor Hugo, introduction

Dans Les Contemplations, Victor Hugo recherche le dialogue avec la nature.

La civilisation des Lumières, sous l’égide des Encyclopédistes, fait reposer le progrès sur la technique et l’art d’être maître et possesseur de la nature.

Dans le livre II des Contemplations, Victor Hugo s’attache à retisser un lien avec la nature pour retrouver un lyrisme qui s’était étiolé au XVIIIème siècle.

(Voir ma fiche de lecture des livres I à IV des Contemplations pour le bac de français).

Le poème « Crépuscule » est composé de 7 quatrains écrits en alexandrins.

Problématique

Comment Victor Hugo affirme-t-il dans « Crépuscule » un nouveau langage poétique à l’écoute de la nature ?

Crépuscule

L’étang mystérieux, suaire aux blanches moires,
Frisonne; au fond du bois la clairière apparaît ;
Les arbres sont profonds et les branches sont noires ;
Avez-vous vu Vénus à travers la forêt ?

Avez-vous vu Vénus au sommet des collines ?
Vous qui passez dans l’ombre, êtes-vous des amants ?
Les sentiers bruns sont pleins de blanches mousselines;
L’herbe s’éveille et parle aux sépulcres dormants.

Que dit-il, le brin d’herbe ? et que répond la tombe ?
Aimez, vous qui vivez ! on a froid sous les ifs.
Lèvre, cherche la bouche ! aimez-vous ! la nuit tombe;
Soyez heureux pendant que nous sommes pensifs.

Dieu veut qu’on ait aimé. Vivez ! faites envie,
O couples qui passez sous le vert coudrier.
Tout ce que dans la tombe, en sortant de la vie,
On emporta d’amour, on l’emploie à prier.

Les mortes d’aujourd’hui furent jadis les belles.
Le ver luisant dans l’ombre erre avec son flambeau.
Le vent fait tressaillir, au milieu des javelles,
Le brin d’herbe, et Dieu fait tressaillir le tombeau.

La forme d’un toit noir dessine une chaumière;
On entend dans les prés le pas lourd du faucheur;
L’étoile aux cieux, ainsi qu’une fleur de lumière,
Ouvre et fait rayonner sa splendide fraîcheur.

Aimez-vous ! c’est le mois où les fraises sont mûres.
L’ange du soir rêveur, qui flotte dans les vents,
Mêle, en les emportant sur ses ailes obscures,
Les prières des morts aux baisers des vivants.

Annonce de plan linéaire

Victor Hugo fait apparaître sous nos yeux un tableau fantastique et animé (I) où les morts invitent les vivants à aimer (II). Mais ce poème donne surtout à voir la conception du monde de Victor Hugo qui repose sur la continuité entre la vie et la mort (III)

I – Un tableau crépusculaire animé

(Les trois premiers quatrains)

A – Un tableau mystérieux

Victor Hugo ouvre son poème « Crépuscule » sur une description de la nature, faisant apparaître sous nos yeux un tableau romantique.

Le champ lexical de la nature (« étang », « bois », « clairière », « arbres », « branches », « forêt » ) ouvre un espace bucolique qui rappelle la tradition pastorale.

La mention de « Vénus » confirme cet espace littéraire Antique.

Mais Victor Hugo apporte une touche romantique à ce tableau pastoral et idyllique.

Le champ lexical du mystère donne en effet une dimension fantastique à cette description : « mystérieux », « suaire », « moires », « Frissonne », « apparaît ».

La dimension fantastique est accentuée par le contraste noir/blanc (« blanches moires »/ « branches sont noires ») et la proximité phonique entre « moires » et « noires« .

D’autres procédés suggèrent un paysage surprenant, inattendu :

♦ Les allitérations en (v) : « Avez-vous vu Vénus à travers la forêt ? » qui font entendre le bruissement des feuilles sur le passage de Vénus.
♦ Le verbe « Frissonne », en rejet au v.2 qui donne l’impression que la nature s’éveille. ,

Victor Hugo nous fait voir ce tableau en perspective comme le suggère le champ lexical de l’espace (« au fond du », « profond », à travers »).

Le champ lexical des couleurs concourt également à faire de ce poème un tableau, comme si le poète utilisait toute la palette de couleurs des peintres : « blanches », « noires », « bruns », « blanches », « vert coudrier ».

A la fin du premier quatrain, Victor Hugo introduit une deuxième personne du pluriel « avez-vous… » qui désigne le lecteur et a pour objectif de le faire entrer en dialogue avec la nature et le poète.

Cette illusion de dialogue est renforcée au deuxième quatrain « Avez-vous vu Vénus au sommet des collines ? »

B – Un tableau animé

Dans ce poème, la nature est animée d’un langage comme le montre le champ lexical de la parole : « parle », « dit-il », « répond », « lèvre », « bouche » et la personnification de l’étang (« l’étang frissonne » ) et de « l’herbe » qui « s’éveille » .

Le poète est alors celui qui écoute la nature, qui en saisit le langage pour le traduire en poésie : « Que dit-il, le brin d’herbe ? » . La poésie devient ainsi la retranscription du dialogue de la nature.

La « tombe » va même jusqu’à s’exprimer au discours direct au vers 10 : « Aimez, vous qui vivez ! on a froid sous les ifs »

Victor Hugo distingue deux puissances dans la nature : la vie et la mort qui est exprimée à travers son champ lexical : « sépulcres », « dormants », « tombe », « ifs » , « nuit ».

Cette atmosphère funéraire exprime la fragilité de la vie. Mais Victor Hugo y répond par une philosophie épicurienne qui invite le lecteur à profiter du moment présent.

II – Une invitation à aimer

(Les quatrains 2 et 3)

Dans « Crépuscule », Victor Hugo s’amuse à reprendre le célèbre vers du Sonnet pour Hélène de Ronsard : « Vivez, si m’en croyez,  n’attendez à demain : / cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie » ».

En effet, le vers 10 « Aimez, vous qui vivez » ainsi que les impératifs « Aimez », « cherche », « Soyez » renvoient le lecteur au poème de Ronsard et au carpe diem du poète latin Horace dont Ronsard s’est inspiré.

Carpe diem signifie « cueille le jour », c’est à dire profite du jour. C’est une philosophie de vie épicurienne selon laquelle il faut profiter des plaisirs simples de la vie.

Victor Hugo engage ainsi les amants et le lecteur à profiter de la vie.

Le champ lexical de l’amour (« Vénus », « Vénus », « amants », mousselines », « Aimez », « Lèvre », « bouche », « aimez-vous », « heureux ») place le lyrisme amoureux au cœur du poème.

Les allitérations en (f) et (v) créent une musicalité lyrique : « Aimez, vous qui vivez : on a froid sous les ifs » et en (ch) « cherche la bouche » .

III – La vision du monde de Victor Hugo

(les quatrains 4 à 7)

A – Une nouvelle religion

Mais le poème « Crépuscule » n’est pas qu’une invitation sensuelle à aimer.

À partir du quatrième quatrain, la nature permet de faire entendre la voix du créateur :  « Dieu veut qu’on ait aimé », ce que confirme le champ lexical de la religion : « Dieu », « vie », « amour » « prier » , « Dieu », « tombeau ».

Le verbe aimer n’est donc pas à comprendre uniquement dans sa dimension charnelle mais aussi dans sa dimension spirituelle, qui fait entendre le « Aimez-vous les uns les autres » de l’Évangile.

Par le subjonctif passé (« ait aimé ») , Victor Hugo amène le lecteur à se projeter dans le Jugement Dernier.

Les allitérations en (v) font entendre le souffle du vent et de la vie mais aussi le souffle de Dieu : « Dieu veut qu’on ait aimé. Vivez ! faites envie / Ô couples qui passez sous le vert coudrier » (v. 13 et 14).

L’utilisation du pronom impersonnel « on » et du présent de vérité générale (« passez » ) rapproche le poème d’un sermon et ce d’autant plus que le dernier verbe du 4ème quatrain est « prier ».

Dans le 5ème quatrain, l’antithèse « ombre/flambeau » suggère une lutte entre des forces de clarté et des forces obscures : « Le ver luisant dans l’ombre erre avec son flambeau » .

Victor Hugo joue sur la polysémie du « ver » qui désigne l’animal mais aussi le « vers » poétique. Ainsi le « ver luisant » est le symbole du poète qui éclaire le peuple avec son « flambeau », métaphore de l’écriture poétique.

La répétition du verbe « tressaillir » et le parallélisme de construction « Le vent fait tressaillir » et « Dieu fait tressaillir » montre la continuité entre la nature et Dieu : la nature est comme un écho, un reflet du créateur.

Dans le 6ème quatrain, le regard suit un mouvement ascendant puisque l’on passe du monde horizontal du « toit noir », de la « chaumière » et du « pré » à l’ « étoile aux cieux ».

Le pluriel du terme « cieux » prend un sens religieux tout comme la métaphore « fleur de lumière ».

Le « pas lourd du faucheur » est bien sûr une métaphore de la mort, mais cette mort est vaincue par la lumière. Le terme « faucheur » rime ainsi avec « fraîcheur » .

Le champ lexical de la lumière « étoile », « cieux », « lumière », « splendide » transfigure la mort en vie éternelle.

C – La continuité entre l’ombre et la lumière

Pour Victor Hugo, l’harmonie du monde repose sur la continuité entre l’ombre et la lumière.

En effet, la vie et la mort ne s’opposent pas mais communiquent et échangent continuellement.

Les jeux de contraste « ange »/ « soir », ailes / « obscures », « morts » / vivants » soulignent ainsi que l’ombre et la lumière se nourrissent mutuellement.

Cette conception du monde est renforcée par une esthétique romantique qui repose sur une alliance des contraires.

D’ailleurs, le titre du poème, « crépuscule », a un double sens. Le crépuscule est couramment la période précédant le coucher du soleil mais le terme désigne aussi la période précédant l’aube.

Le dernier vers où s’entrecroisent « morts » et « vivants » témoigne également d’une esthétique mêlée comme le suggère le verbe « Mêle »

Crépuscule, Victor Hugo, conclusion

Victor Hugo dans « Crépuscule » invente un nouveau langage poétique.

Le poète devient en effet le traducteur de la nature qui est perçue comme un grand texte, avec ses contrastes, sa tragédie et sa lumière.

L’auteur s’inscrit ici dans le mouvement romantique où la mélancolie conduit souvent à la spiritualité.

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Amélie Vioux

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