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Voici un commentaire linéaire de l’acte I scène 6 du Malade imaginaire de Molière.
La scène 6 est étudiée ici en intégralité.
Le malade imaginaire, acte I scène 6, introduction
Jean-baptiste Poquelin, dit Molière, est un homme de théâtre du XVIIème siècle et l’un des dramaturges français les plus connus.
Il emprunte à la farce populaire et la comédie de mœurs pour hausser la comédie au rang de la tragédie.
Il excelle dans la comédie de caractère (L’école des femmes (1662), Le Misanthrope (1666), L’Avare (1668)…) et crée avec le musicien Lully la comédie-ballet, un nouveau genre mêlant représentation théâtrale, chant et danse.
Le Malade imaginaire, comédie-ballet jouée en 1673, est la dernière pièce de Molière.
Elle tourne en ridicule l’hypocondrie, la paranoïa et la tyrannie domestique d’Argan, le personnage principal. (Voir la fiche de lecture du Malade imaginaire de Molière).
En annonçant marier sa fille Angélique au médiocre fils d’un médecin, Argan suscite la résistance comique de sa servante, Toinette. Leur conflit épuise Argan. Dans l’acte I scène 6, Béline, sa seconde femme et belle-mère d’Angélique, vient le réconforter.
Scène étudiée : acte I scène 6
ARGAN.- Ah ! ma femme, approchez.
BÉLINE.- Qu’avez-vous, mon pauvre mari ?
ARGAN.- Venez-vous-en ici à mon secours.
BÉLINE.- Qu’est-ce que c’est donc qu’il y a, mon petit fils ?
ARGAN.- Mamie.
BÉLINE.- Mon ami.
ARGAN.- On vient de me mettre en colère.
BÉLINE.- Hélas ! pauvre petit mari. Comment donc mon ami ?
ARGAN.- Votre coquine de Toinette est devenue plus insolente que jamais.
BÉLINE.- Ne vous passionnez donc point.
ARGAN.- Elle m’a fait enrager, mamie.
BÉLINE.- Doucement, mon fils.
ARGAN.- Elle a contrecarré une heure durant les choses que je veux faire.
BÉLINE.- Là, là, tout doux.
ARGAN.- Et a eu l’effronterie de me dire que je ne suis point malade.
BÉLINE.- C’est une impertinente.
ARGAN.- Vous savez, mon cœur, ce qui en est.
BÉLINE.- Oui, mon cœur, elle a tort.
ARGAN.- Mamour, cette coquine-là me fera mourir.
BÉLINE.- Eh là, eh là.
ARGAN.- Elle est cause de toute la bile que je fais.
BÉLINE.- Ne vous fâchez point tant.
ARGAN.- Et il y a je ne sais combien que je vous dis de me la chasser.
BÉLINE.- Mon Dieu, mon fils, il n’y a point de serviteurs, et de servantes qui n’aient leurs défauts. On est contraint parfois de souffrir leurs mauvaises qualités, à cause des bonnes. Celle-ci est adroite, soigneuse, diligente, et surtout fidèle [i] ; et vous savez qu’il faut maintenant de grandes précautions pour les gens que l’on prend. Holà, Toinette.
TOINETTE.- Madame.
BÉLINE.- Pourquoi donc est-ce que vous mettez mon mari en colère ?
TOINETTE, d’un ton doucereux.- Moi, Madame, hélas ! Je ne sais pas ce que vous me voulez dire, et je ne songe qu’à complaire à Monsieur en toutes choses.
ARGAN.- Ah ! la traîtresse.
TOINETTE.- Il nous a dit qu’il voulait donner sa fille en mariage au fils de Monsieur Diafoirus ; je lui ai répondu que je trouvais le parti avantageux pour elle ; mais que je croyais qu’il ferait mieux de la mettre dans un couvent.
BÉLINE.- Il n’y a pas grand mal à cela, et je trouve qu’elle a raison.
ARGAN.- Ah ! mamour, vous la croyez ; c’est une scélérate. Elle m’a dit cent insolences.
BÉLINE.- Hé bien je vous crois, mon ami. Là, remettez-vous. Écoutez, Toinette, si vous fâchez jamais mon mari, je vous mettrai dehors. Çà, donnez-moi son manteau fourré, et des oreillers, que je l’accommode dans sa chaise. Vous voilà je ne sais comment. Enfoncez bien votre bonnet jusque sur vos oreilles ; il n’y a rien qui enrhume tant, que de prendre l’air par les oreilles.
ARGAN.- Ah ! mamie, que je vous suis obligé de tous les soins que vous prenez de moi.
BÉLINE, accommodant les oreillers qu’elle met autour d’Argan.- Levez-vous que je mette ceci sous vous. Mettons celui-ci pour vous appuyer, et celui-là de l’autre côté. Mettons celui-ci derrière votre dos, et cet autre-là pour soutenir votre tête.
TOINETTE, lui mettant rudement un oreiller sur la tête, et puis fuyant.- Et celui-ci pour vous garder du serein.
ARGAN se lève en colère, et jette tous les oreillers à Toinette.- Ah ! coquine, tu veux m’étouffer.
BÉLINE.- Eh là, eh là. Qu’est-ce que c’est donc ?
ARGAN, tout essoufflé, se jette dans sa chaise.- Ah, ah, ah ! je n’en puis plus.
BÉLINE.- Pourquoi vous emporter ainsi ? Elle a cru faire bien.
ARGAN.- Vous ne connaissez pas, mamour, la malice de la pendarde. Ah ! elle m’a mis tout hors de moi ; et il faudra plus de huit médecines, et de douze lavements, pour réparer tout ceci.
BÉLINE.- Là, là, mon petit ami, apaisez-vous un peu.
ARGAN.- Mamie, vous êtes toute ma consolation.
BÉLINE.- Pauvre petit fils.
ARGAN.- Pour tâcher de reconnaître l’amour que vous me portez, je veux, mon cœur, comme je vous ai dit, faire mon testament.
BÉLINE.- Ah ! mon ami, ne parlons point de cela, je vous prie, je ne saurais souffrir cette pensée ; et le seul mot de testament me fait tressaillir de douleur.
ARGAN.- Je vous avais dit de parler pour cela à votre notaire.
BÉLINE.- Le voilà là-dedans, que j’ai amené avec moi.
ARGAN.- Faites-le donc entrer, mamour.
BÉLINE.- Hélas ! mon ami, quand on aime bien un mari, on n’est guère en état de songer à tout cela.
Problématique
Comment l’apparition de Béline, l’affectueuse épouse d’Argan, révèle-t-elle son caractère hypocrite et intéressé, opposé à la sincérité impertinente de Toinette ?
Annonce de plan linéaire
Dans une première partie, du début de la scène à « Holà ! Toinette !
», Argan appelle au secours son épouse Béline, qui le console de sa dispute avec Toinette.
Puis, dans une deuxième partie, de « Madame » à « pour vous garder du serein.
», l’ingénieuse Toinette parvient à ranger Béline de son côté.
Enfin, dans une troisième partie, de « Hé là, hé là ! » à la fin de la scène, Argan veut récompenser Béline dans son testament
I – Argan appelle au secours son épouse Béline
(Du début à « Holà ! Toinette !
»)
La scène s’ouvre sur l’interjection exclamative « Ah ! », par laquelle Argan exprime sa souffrance.
L’impératif « ma femme, approchez
» programme le contenu la scène : Argan appelle Béline à l’aide.
Celle-ci, par l’adjectif qualificatif « pauvre », considère d’emblée Argan comme une victime, alors qu’il est le maître de maison. Cet écart antithétique est comique.
Argan est si bouleversé qu’il ne parvient pas à exprimer la cause de sa souffrance et appelle à l’aide de manière paroxystique, comme si sa vie était en jeu : « Venez-vous en ici à mon secours.
» Cette réplique parodie la tragédie et tourne le personnage en ridicule.
Béline s’adresse à Argan avec des expressions qui l’infantilisent et le dévirilisent : « mon petit fils
»). Ces appellations illustrent l’incapacité d’Argan à se gérer.
S’ensuivent des apostrophes amoureuses que les époux s’échangent avec une lourdeur niaise et plaisante, ce qui rend le couple parodique.
Notons par exemple l’allitération en « m », comique ici car elle fait entendre un marmottement infantile : « Ma mie ! », « Mon ami ! », « me mettre en colère.
»
Incapable de gérer les conflits qui surgissent en son foyer, l’époux en appelle donc à sa femme, comme un enfant demandant à ce que soit châtié celui qui l’aurait offensé : « Votre coquine de Toinette est devenue plus insolente que jamais.
»
La servante insolente est un topos de la comédie qui ne peut qu’amuser le spectateur.
Béline invite son mari au calme, soulignant le caractère incontrôlable des passions d’Argan : « Ne vous passionnez donc point.
»
Elle s’exprime en mère, comme le montre ses tournures hypocoristiques* (*affectueuses) : « Là, là, tout doux !
» De manière comique, la hiérarchie du couple est donc renversée.
Argan n’a cependant de cesse de justifier sa colère avec impuissance : « Elle m’a fait enrager » , « elle a contrecarré » , « a eu l’effronterie
» .
La réplique « Et a eu l’effronterie de me dire que je ne suis point malade.
» met en relief l’absurde volonté d’Argan d’être malade.
Béline donne raison à son époux malgré l’aberration de son discours, comme une mère consolatrice : « c’est une impertinente » , « Oui, mon coeur, elle a tort
» . Elle ne cherche pas à le raisonner mais uniquement à aller dans son sens pour l’apaiser.
Argan va alors plus loin dans son accusation : « M’amour, cette coquine-là me fera mourir.
» Cette assertion hyperbolique fait rire le spectateur qui sait que Toinette œuvre justement contre l’hypocondrie de son maître.
Argan veut par conséquent chasser Toinette, comme un despote : « je vous dis de me la chasser
» .
Béline s’oppose à cette décision en une réplique portant sur les mœurs des serviteurs et servantes, dont elle reconnaît les « défauts », tout en soulignant les qualités de Toinette, « adroite, soigneuse, diligente, et surtout fidèle
».
Cette réplique exprime l’ambivalence du regard que les maîtres portaient sur leur personnel, entre défiance et reconnaissance.
II- L’ingénieuse Toinette parvient à ranger Béline de son côté
(De « Madame » à « pour vous garder du serein.
»)
Appelée par Béline, Toinette entre.
Sa réplique cérémonieuse « Madame. » la pose en servante obéissante. Cette posture, antithétique avec la scène précédente est comique et témoigne du jeu rusé de la servante.
Ce jeu se poursuit comme l’indique la didascalie « d’un ton doucereux
».
Face aux accusations de sa maîtresse, la servante feint la surprise, comme l’exprime l’adverbe « Hélas ! », et soutient de façon obséquieuse : « je ne songe qu’à complaire à monsieur en toutes choses.
»
Confrontée aux exclamations colériques d’Argan (« Ah ! la traîtresse !
»), Toinette se justifie : « Il nous a dit qu’il voulait donner sa fille en mariage au fils de monsieur Diafoirus : je lui ai répondu que je trouvais le parti avantageux pour elle
» .
Le discours indirect (« il nous a dit que » , « je lui ai répondu que
» ) donne l’impression d’un propos sincèrement rapporté, alors que le spectateur a assisté à la franchise agressive de Toinette dans la scène précédente.
Par la proposition « mais que je croyais qu’il ferait mieux de la mettre dans un couvent » ,
la servante montre ici toute son habileté car cette suggestion attise la vénalité de Béline, la mettant ainsi de son côté.
Béline donne en effet immédiatement son assentiment à cette suggestion : « Il n’y a pas grand mal à cela, et je trouve qu’elle a raison
» .
Cet assentiment confirme sa volonté de capter l’héritage d’Argan.
Indifférente aux « cent insolences
» de Toinette à l’égard d’Argan, Béline continue à chercher l’apaisement : elle rappelle à Toinette ses devoirs et « accommode dans sa chaise
» son époux hypocondriaque qu’elle infantilise pour mieux le maîtriser.
Argan, plein de tendresse (« Ah ! ma mie, que je vous suis obligé de tous les soins que vous prenez de moi !
»), ne remarque pas que son hypocondrie le rend dominable et manipulable.
Béline arrange les oreillers autour de son époux. La répétition du pronom démonstratif « celui-ci« et l’allitération en « s » est comique car elle exagère l’affection infantilisante de Béline : « que je mette ceci sous vous. Mettons celui-ci pour vous appuyer, et celui-là de l’autre côté. Mettons celui-ci derrière votre dos, et cet autre là pour soutenir votre tête.
»
Toinette brise les cajoleries de Béline en « mettant rudement un oreiller sur la tête
» d’Argan, qui jette « tous ses oreillers à Toinette, qui s’enfuit.
»
Cette cassure d’une relation affectueuse par un geste violent et extérieur est d’un comique farcesque.
Toinette entrave ainsi la stratégie manipulatrice de Béline.
III – Argan veut récompenser Béline dans son testament
(De « Hé là, hé là ! Qu’est-ce que c’est donc ?
» à la fin de la scène)
Béline, qui n’a pas vu le geste de Toinette, s’étonne vivement (« Qu’est-ce que c’est donc ?
») tandis qu’ Argan se jette dans sa chaise « tout essoufflé
« , avec impuissance. Cette scène mouvementée est particulièrement farcesque et plaisante à voir.
Les époux sont ridiculisés par leur incapacité à régir leur espace domestique.
Argan prévoit que la médecine pourra l’apaiser : « il faudra plus de huit médecines et de douze lavements pour réparer tout ceci.
» Ce dénombrement des remèdes est comique car il dénote une approche quantitative et non qualitative de la médecine.
Mais l’hypocondriaque se console également en son épouse : « Ma mie, vous êtes toute ma consolation.
» Plutôt que d’un couple, il s’agit d’une relation parentale hiérarchisée (« Pauvre petit fils !
»).
Paradoxalement, c’est le fils qui entend rétribuer l’amour de sa mère : « je veux, mon cœur, comme je vous ai dit, faire mon testament.
»
Béline feint tout d’abord la peine à l’annonce de cette récompense, en s’exprimant de façon hyperbolique : « le seul mot de testament me fait tressaillir de douleur.
» Le verbe « tressaillir » suggère une émotion forte que le spectateur pourrait associer à de la joie si Béline ne précisait pas qu’il s’agit de douleur.
Mais de manière comique, Béline a déjà fait venir son notaire comme le souligne le présentatif : « Le voilà là-dedans
» .
Béline prétend : « quand on aime bien un mari, on n’est guère en état de songer à tout cela.
» .
Le pronom impersonnel « on » s’apparente à un aphorisme tragique, comme si Béline était détachée des préoccupations matérielles.
Mais son empressement contredit ses paroles et trahit son intérêt pécuniaire.
Le malade imaginaire, acte I scène 6, conclusion
La scène 6 de l’acte I du Malade imaginaire est importante car elle introduit le personnage de Béline.
Le spectateur découvre combien l’affectueuse épouse d’Argan est en réalité hypocrite et mue par l’intérêt pécuniaire.
Toinette se caractérise au contraire par son sincérité effrontée. Argan est entourée par deux femmes qui, chacune à leur manière, le protègent tout en profitant de sa faiblesse.
C’est dans l’acte III scène 12 qu’Argan ouvrira les yeux sur Béline grâce à une ingénieuse mise en scène de Toinette.
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