Pamphile, Les Caractères, La bruyère : analyse

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Voici un commentaire linéaire du portrait de Pamphile issu de la partie 9 (« Les grands » ) des Caractères de La Bruyère.

L’extrait étudié ici va du début de la remarque 50 à « vrais personnages de comédie, des Floridors, des Mondoris« .

Portrait de Pamphile, Les Caractères, introduction

Les Caractères, publié entre 1688 et 1696 par Jean de La Bruyère, s’inscrit dans le mouvement du classicisme.

Le moraliste se donne pour fonction de dépeindre les vices de chacun afin d’améliorer la société.

Dans Les Caractères, La Bruyère dénonce ainsi les défauts et passions à travers des « remarques » d’une grande variété, allant de la maxime au portrait animé.

La Bruyère, qui fréquenta l’aristocratie, notamment en tant que précepteur, crée ainsi une œuvre où fusionnent la légère conversation mondaine et l’austère gravité du théologien. (Voir la fiche de lecture sur Les caractères de La Bruyère).

« Pamphile », issu de la neuvième partie « Les Grands » (IX, 50) qui critique l’aristocratie, dresse le portrait d’un aristocrate orgueilleux.

Extrait étudié

Pamphile ne s’entretient pas avec les gens qu’il rencontre dans les salles ou dans les cours : si l’on en croit sa gravité et l’élévation de sa voix, il les reçoit, leur donne audience, les congédie ; il a des termes tout à la fois civils et hautains, une honnêteté impérieuse et qu’il emploie sans discernement ; il a une fausse grandeur qui l’abaisse, et qui embarrasse fort ceux qui sont ses amis, et qui ne veulent pas le mépriser.

Un Pamphile est plein de lui-même, ne se perd pas de vue, ne sort point de l’idée de sa grandeur, de ses alliances, de sa charge, de sa dignité ; il ramasse, pour ainsi dire, toutes ses pièces, s’en enveloppe pour se faire valoir ; il dit : Mon ordre, mon cordon bleu ; il l’étale ou il le cache par ostentation. Un Pamphile en un mot veut être grand, il croit l’être ; il ne l’est pas, il est d’après un grand. Si quelquefois il sourit à un homme du dernier ordre, à un homme d’esprit, il choisit son temps si juste, qu’il n’est jamais pris sur le fait : aussi la rougeur lui monterait-elle au visage s’il était malheureusement surpris dans la moindre familiarité avec quelqu’un qui n’est ni opulent, ni puissant, ni ami d’un ministre, ni son allié, ni son domestique. Il est sévère et inexorable à qui n’a point encore fait sa fortune. Il vous aperçoit un jour dans une galerie, et il vous fuit ; et le lendemain, s’il vous trouve en un endroit moins public, ou s’il est public, en la compagnie d’un grand, il prend courage, il vient à vous, et il vous dit : Vous ne faisiez pas hier semblant de nous voir. Tantôt il vous quitte brusquement pour joindre un seigneur ou un premier commis ; et tantôt s’il les trouve avec vous en conversation, il vous coupe et vous les enlève. Vous l’abordez une autre fois, et il ne s’arrête pas ; il se fait suivre, vous parle si haut que c’est une scène pour ceux qui passent. Aussi les Pamphiles sont-ils toujours comme sur un théâtre : gens nourris dans le faux, et qui ne haïssent rien tant que d’être naturels ; vrais personnages de comédie, des Floridors, des Mondoris.

Les Caractères, IX, 50

Problématique

En quoi Pamphile, aristocrate orgueilleux et hypocrite, permet-il à La Bruyère de dénoncer une aristocratie qui n’a de grand que sa richesse ?

Annonce de plan linéaire

Dans le premier paragraphe, La Bruyère dénonce l’orgueil ridicule de Pamphile, qui ne sait converser.

Puis, dans un deuxième mouvement, de « Un Pamphile » à « d’après un grand », Pamphile est dépeint comme un vil imitateur des grands.

Enfin, dans un troisième et dernier mouvement, de « Si quelquefois » à « des Mondoris. », La Bruyère dépeint Pamphile comme un comédien hypocrite et opportuniste.

I – L’orgueil de Pamphile, qui ne sait converser

(Premier paragraphe)

Le portrait de Pamphile s’ouvre sur une négation totale : « Pamphile ne s’entretient pas avec les gens qu’il rencontre dans les salles ou dans les cours ».

Cette négation inaugurale annonce le portrait d’une figure négative.

D’emblée, Pamphile contredit en effet les bonnes mœurs de l’honnête homme du XVIIème siècle, dont l’une des pratiques sociales essentielles est l’art de la bonne conversation.

L’onomastique (=choix des noms) est ainsi d’une ironie comique, Pamphile étant « celui qui aime » (-phile) tout (« pam- » ), ce que contredit pourtant ce portrait.

Pamphile donc ne converse pas avec les autres. Plutôt, « si l’on en croit sa gravité et l’élévation de sa voix, il les reçoit, leur donne audience, les congédie ». La parataxe (juxtaposition de propositions, sans mots de liaison) restitue le traitement expéditif qu’il accorde à ses interlocuteurs, qui semblent réifiés.

La hauteur de son rang social l’amène à traiter quiconque comme un subalterne.

Pamphile tente cependant d’incarner une « honnêteté impérieuse », mais « qu’il emploie sans discernement ». Cette litote laisse entendre que cet aristocrate incarne très mal les vertus sociales qu’il est censé représenter.

C’est ce que suggèrent les antithèses qui mettent en relief l’écart entre le rang social et la médiocrité de Pamphile : « des termes tout à la fois civils et hautains« ; « honnêteté impérieuse« , « fausse grandeur qui l’abaisse ».

Les proches mêmes de Pamphile le désapprouvent, lui «qui embarrasse fort ceux qui sont ses amis, et qui ne veulent pas le mépriser.» Pamphile apparaît donc entouré d’hypocrites.

II – Pamphile, vil imitateur des grands

(De «Un Pamphile» à «d’après un grand»)

Le deuxième paragraphe fait glisser le mot « Pamphile » du nom propre au nom commun grâce à l’article indéfini « un » (=c’est une figure de style que l’on appelle l’antonomase) : « Un Pamphile est plein de lui-même » .

Cette antonomase universalise le blâme de Pamphile. Pamphile n’est en effet qu’un représentant d’une catégorie d’individus qui manifestent les mêmes défauts universels.

« Un Pamphile » donc « est plein de lui-même, ne se perd pas de vue, ne sort point de l’idée de sa grandeur, de ses alliances, de sa charge, de sa dignité ».

L’énumération et la parataxe restituent l’orgueil de l’aristocrate convaincu de sa supériorité sur les autres.

Afin de mieux convaincre de la hauteur de son rang, Pamphile s’enveloppe de « toutes ses pièces ». Cette hyperbole désigne les médailles et emblèmes qui attestent de son appartenance à la haute aristocratie.

Pamphile déclare ainsi «Mon ordre, mon cordon bleu». (Le cordon bleu était la marque des chevaliers du Saint-Esprit, ordre le plus prestigieux de l’Ancien Régime). Ce court passage au discours direct donne encore davantage de vivacité au portrait.

La répétition du déterminant possessif « mon » assimile ces insignes à des objets vidés de leur sens.

De plus, ce cordon bleu, Pamphile « le cache par ostentation » : l’antithèse satirique montre l’hypocrisie du personnage, faussement humble et véritablement orgueilleux.

Pamphile n’a donc de l’aristocrate que les emblèmes, mais pas le caractère.

Au terme de cette période oratoire (=longue phrase), la Bruyère dresse un bilan sévère avec la locution prépositionnelle « en un mot » : Pamphile « veut être grand, il croit l’être ; il ne l’est pas, il est d’après un grand. »

Ce chiasme (structure ABBA) met en valeur l’écart entre les prétentions de Pamphile à incarner l’aristocratie (« veut être », « croit être » ) et la réalité (« ne l’est pas », « est d’après un grand. » ) Pamphile n’a de l’aristocratie que les richesse et les privilèges, non la vertu morale.

Ce chiasme dénonce une aristocratie qui a perdu sa grandeur morale.

III – Pamphile, comédien hypocrite et opportuniste

(De « Si quelquefois » à « des Mondoris. »)

Non seulement Pamphile est orgueilleux, mais il est aussi hypocrite : il ne veut surtout pas être surpris en familiarité avec un «homme d’esprit» s’il est un «homme du dernier ordre», expression qui se veut péjorative.

L’expression « jamais pris sur le fait » est comique car elle présente un acte simple et amical (adresser un sourire à quelqu’un ) comme un délit.

La Bruyère met en scène le renversement des valeurs : Pamphile préfère la compagnie d’aristocrates puissants malgré leurs vices à celle d’honnêtes hommes qui ne sont pas du même rang.

Sa maîtrise de la comédie sociale est poussée : « aussi la rougeur lui monterait-elle au visage s’il était malheureusement surpris dans la moindre familiarité avec quelqu’un qui n’est ni opulent, ni puissant, ni ami d’un ministre, ni son allié, ni son domestique. »

Seule la physiologie (le rougissement des joues) peut démasquer ce comédien hypocrite.

Le conditionnel (« monterait-elle » ) exprime ici un fait possible mais non réalisé, et souligne la maîtrise de Pamphile qui sait éviter la réalisation de certaines conditions (« s’il était malheureusement surpris… » )

L’anaphore en « ni » crée un effet comique car les conditions rendant un individu fréquentable aux yeux de Pamphile sont très nombreuses. L’énumération souligne également l’inversion des valeurs de l’aristocrate : seules puissance, richesse et relations comptent.

La Bruyère montre que Pamphile confond moralité et richesse, car il blâme le peu de fortune comme s’il s’agissait d’un vice : « Il est sévère et inexorable à qui n’a point encore fait sa fortune. »

Suit une saynète au présent de l’indicatif qui mobilise le lecteur à travers le pronom personnel « vous » : « Il vous aperçoit un jour dans une galerie, et il vous fuit ». 

Mais le lendemain, Pamphile est capable d’un comportement antithétique, si d’autres conditions sont réunies, comme le soulignent les propositions subordonnées circonstancielles de condition  : « et le lendemain, s’il vous trouve en un endroit moins public, ou s’il est public, en la compagnie d’un grand, il prend courage, il vient à vous, et il vous dit : Vous ne faisiez pas hier semblant de nous voir. » Pamphile est donc un opportuniste qui change de comportement en fonction des circonstances. La parataxe (juxtaposition de propositions sans mot de liaison) restituent l’assurance hypocrite de l’aristocrate.

Cette saynète est particulièrement vivace grâce au discours direct : « et il vous dit, Vous ne faisiez pas hier semblant de nous voir.« 

Le point-virgule entre les deux saynètes marque par la syntaxe la versatilité d’un homme tour à tour fuyant et affable : « Il vous aperçoit un jour dans une galerie, et il vous fuit; et le lendemain… ». 

Pour Pamphile, l’espace public est un théâtre qui nécessite une importante mise en scène de soi : « Vous l’abordez une autre fois, et il ne s’arrête pas ; il se fait suivre, vous parle si haut que c’est une scène pour ceux qui passent. »

Le terme « scène » amène la comparaison avec le « théâtre » : « Aussi les Pamphiles sont-ils toujours comme sur un théâtre : gens nourris dans le faux, et qui ne haïssent rien tant que d’être naturels ».

L’imitation de la nature est un principe clé du classicisme; l’honnête homme doit fuir les artifices, rester simple et naturel. Le reproche de fausseté que La Bruyère adresse à Pamphile est donc sévère. Pamphile est l’allégorie de la fausseté, le contraire de l’honnête homme.

L’antonomase (« Un Pamphile« ) passe désormais au pluriel de généralité (« Les Pamphiles« ) . De plus, le présent de vérité générale et l’adverbe temporel « toujours » font du Pamphile une figure omniprésente et universelle.

La Bruyère fait des Pamphiles de « vrais personnages de comédie » au point de les assimiler à des hommes de théâtre véritables et contemporains (« des Floridors, des Mondoris »).

Portrait de Pamphile, conclusion

Nous avons vu que Pamphile, aristocrate orgueilleux et hypocrite, permet à La Bruyère de dénoncer une aristocratie qui n’a de grand que sa richesse.

Pamphile est l’allégorie de l’hypocrite. Figure ambivalente et contradictoire, il est un véritable comédien.

La Bruyère a cependant percé le masque du comédien.

Ce portrait dénonce la perte des valeurs aristocratiques de vertu et de morale, généralement sous l’influence de l’enrichissement de la bourgeoisie.

Pamphile représente les arrivistes ambitieux et enrichis qui remettent en cause la domination de l’aristocratie.

La partie « De la Mode » dépeint d’autres figures aimant à se faire voir.

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Amélie Vioux

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3 commentaires

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