Le dormeur du val, Rimbaud : analyse

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le dormeur du val rimbaudVoici une analyse du poème « Le Dormeur du val » d’Arthur Rimbaud.

 Le Dormeur du val, introduction :

« Le dormeur du val » est un poème de Rimbaud issu des Cahiers de Douai, rassemblant les textes composés lors d’une fugue du jeune poète, âgé de 16 ans, alors que faisait rage la guerre franco-prussienne.(Voir la fiche de lecture des Cahiers de Douai pour le bac de français)

Marqué par l’horreur de la guerre, il écrit ce sonnet qui fait découvrir au lecteur le spectacle de la mort d’un jeune soldat et vise à nous faire partager son indignation et sa colère.

Rimbaud adopte une stratégie particulière de dénonciation dans la mesure où son sonnet se distingue par ses descriptions féériques de la nature.

Poème étudié

C’est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

Le Dormeur du val, Rimbaud

Questions possibles à l’oral de français sur « Le dormeur du val » :

♦ Que met ici en opposition Rimbaud ?
♦ Qu’est-ce qui fait l’efficacité de cette dénonciation de la guerre ?
♦ Que dénonce le poète dans « Le dormeur du Val » ?
♦ Quels sont les effets sur le lecteur recherchés par le poète dans ce sonnet ?
♦ Comment la chute du sonnet invite-t-elle le lecteur à une relecture du poème ?

Annonce du plan

Nous verrons d’abord qu’Arthur Rimbaud met en place un décor apaisant (I), puis nous aborderons l’attitude ambiguë du « dormeur » (II). Pour terminer, nous remarquerons l’efficacité de la dénonciation de la guerre dans ce sonnet (III).

I – Un décor apaisant et charmeur

A – Un cadre lumineux

La description du décor qui ouvre ce poème laisse une grande place à la lumière.

Le « soleil » revient deux fois (vers 3 et 13) et illumine (« luit ») tout le poème, créant des effets de reflets dans la rivière (« haillons / D’argent ») et projetant ses « rayons ».

La « lumière » est elle-même présente au vers 8, associé à l’eau (elle « pleut ») ; elle inonde la scène, créant une sorte de halo autour du jeune soldat, lui-même « pâle ».

Le jeu de métaphores (les lambeaux de soleil, la pluie de lumière) et la versification mettent sans cesse en évidence ces éléments lumineux, par les rejets en début de vers de « D’argent » et « Luit ».

B – Une nature vivante

On trouve dans « Le Dormeur du val » de nombreuses personnifications de la nature, à qui le poète prête des attributs humains : la rivière « chante » et « accroch[e] des haillons » (elle est véritablement active), la montagne est « fière », la nature « berce ».

La capitale au terme « Nature » et l’apostrophe (par l’impératif « berce-le ») en fait une entité à part entière, à laquelle le poète peut s’adresser.

Le verbe chanter, l’adverbe « follement » et les « haillons / D’argent » apportent une touche festive à l’ensemble.

La nature semble se mettre en mouvement pour faire une ronde joyeuse autour de l’homme allongé.

L’eau, également très présente dans le poème (« rivière », « pleut », « baignant »), est aussi symbole de vie et de mouvement.

C – Un environnement protecteur

Sous ses aspects de gaieté, le cadre du poème est aussi apaisant, protecteur.

Le jeune soldat semble ainsi confortablement installé « dans son lit vert », « souriant », la nuque « dans le frais cresson bleu ».

La Nature le « berce », la montagne « fière » semble veiller sur lui, comme autant de figures maternelles que le poète invoque.

Transition : Après s’être longuement attardé sur le spectacle d’une nature en fête, Rimbaud décrit le dormeur du val, un jeune soldat allongé au sol, plongé dans un étrange sommeil.

II – Un sommeil ambigu

A – Un sommeil profond

Le soldat est peu décrit et seulement de l’extérieur (on sait uniquement qu’il est « jeune » et « pâle »), mais Rimbaud accorde une grande importance à sa position : « il est étendu dans l’herbe », « tête nue », « la nuque baignant dans le frais cresson ».

Le champ lexical du sommeil est omniprésent, à commencer par le titre : « Le dormeur du val ». Le verbe « dormir » revient lui-même trois fois (vers 7, 9 et 13), accompagné au vers 9 d’un synonyme : « fait un somme ».

Le jeune homme est par ailleurs comparé à un enfant (« comme / Sourirait un enfant malade »), qui serait allongé « dans un lit vert », où mère Nature le « berce ».

La « bouche ouverte » rappelle elle aussi la position de l’enfant profondément endormi.

L’immobilité du dormeur est accentuée jusqu’à la fin du poème, avec le rejet au dernier vers de l’adjectif « Tranquille ».

B – L’ambivalence des termes

Cependant, nombreux sont les termes employés qui ont une double interprétation, même si Rimbaud nous mène effectivement sur la (fausse) piste du soldat endormi.

Ainsi, la « bouche ouverte », l’immobilité du dormeur, dont même la « narine » ne frémit pas, sa pâleur et la comparaison avec l’« enfant malade » sont autant d’indices qui convergent vers une autre interprétation.

De même, certains détails sur sa position laissent à penser qu’il n’a pas choisi d’être là : sa nuque « baignant dans le frais cresson bleu » indique qu’elle est mouillée, ce qui n’est guère agréable, et par ailleurs, « il a froid ».

C – Une chute brutale et sans appel

C’est au tout dernier vers qu’arrive la chute : nous le comprenons, le soldat est mort après avoir reçu deux balles dans le cœur (« du côté droit » puisqu’il est décrit comme face à nous, donc à sa gauche à lui).

À la lecture de la chute, tous les indices ambivalents s’éclairent.

Alors que le poème vacillait entre deux interprétations (l’une implicite – le sommeil ; l’autre sous-jacente – la mort), le dernier vers fait basculer tout le poème dans la plus malheureuse.

Cette chute demande une deuxième lecture sous l’angle de la deuxième interprétation, dont le poète nous avait éloignés par la description d’une nature en fête.

Le « trou de verdure » prend alors des allures de tombeau et rappelle les « deux trous rouges » finaux ; « Les pieds dans les glaïeuls » (fleurs de deuil) évoquent les enterrements.

Transition : Arthur Rimbaud entretient ainsi tout au long du poème une ambiguïté sur le dormeur du val, qui sera tranchée de manière brutale par le dernier vers. Cet effet de surprise contribue à l’efficacité de la dénonciation.

III – L’efficacité de la dénonciation

A – Un effet de progression dramatique

Le sonnet « Le dormeur du val » est construit en deux quatrains et deux tercets qui suivent une ligne narrative claire :
♦ La première strophe plante le décor;
♦ La deuxième présente le seul personnage humain;
♦ Puis la perspective se centre sur ce personnage et son immobilité.

À la dernière strophe apparaît la première négation de tout le poème (« Les parfums ne font pas frissonner sa narine »), qui annonce la négation finale de la vie elle-même.

Ce schéma narratif est accompagné par les indices de plus en plus révélateurs qui font pencher vers la deuxième interprétation (la mort du soldat). D’une nature gaie et mouvante, on passe à une immobilité froide et « tranquille » ; le rejet de l’adjectif en début de vers accentue cette immobilité et provoque la chute, brutale car courte et sans explication (« Il a deux trous rouges au côté droit »).

B – Le symbolisme du tableau

« Le dormeur du val » frappe par sa composition presque picturale : les images sont saisissantes (les haillons d’argent, la lumière qui pleut), le cadre longuement décrit, le sujet (le dormeur) centré. C’est un portrait de soldat qui a laissé sa vie au combat.

Par ailleurs, le jeune mort reste anonyme et ne porte aucune marque distinctive, si ce n’est les deux trous qui révèlent qu’il est mort. Son anonymat est un symbole fort : puisqu’il n’est personne, il est aussi tous les hommes tombés au combat, faisant ainsi figure de soldat inconnu avant l’heure (la tombe du soldat inconnu, inaugurée après la Première Guerre mondiale, représente tous les soldats tués pendant la guerre).

Une relecture attentive à la lumière de la deuxième interprétation permet au lecteur de déceler les nombreuses oppositions présentes dans le poème, symboles de l’opposition fondamentale entre la vie et la mort :
♦ Le mouvement de la nature contraste avec l’inertie du soldat;
♦ Le soleil et la lumière qui inondent le tableau s’opposent au « froid » du corps;
♦ Le « vert » du lit au « rouge » des trous.

 C – Une dénonciation forte car indirecte

Si ce poème est si fort, c’est certes grâce à sa chute tardive, retardée jusqu’au dernier moment, mais aussi par le refus obstiné du poète de dire les choses comme elles sont. Impossible de ne pas comprendre que le jeune soldat est mort ; et pourtant, jamais le mot n’apparaît dans le poème.

Rimbaud travaille ici avec retenue.

Il ne cherche pas à convaincre le lecteur, il ne lui donne aucun argument : il se contente d’exposer une scène presque banale après une bataille.

Ainsi, le vers « Les parfums ne font pas frissonner sa narine » est une litote signifiant qu’il ne respire plus ; les « deux trous rouges » sont un euphémisme pour les balles qui l’ont abattu.

Le vocabulaire militaire brille d’ailleurs par son absence. Seul le terme « soldat », couplé avec l’actualité politique (la guerre franco-prussienne), nous informe sur le contexte possible et la raison de la mort.

Le dormeur du val, conclusion

La dénonciation de la guerre est ici très subtile, car hormis le mot « soldat », guère mis en évidence, rien dans le poème n’y fait écho. C’est ce qui fait la force de la chute, qui contraste brutalement avec la description de la nature joyeuse et apaisante qui a précédé.

L’absence de violence dans le texte trahit l’absurdité de la guerre : les images idylliques que propose le poème décrivent justement le monde hors de portée de l’homme tombé au combat.

L’antimilitarisme de Rimbaud transparaît aussi très clairement dans le poème « Le Mal« .

Autre ouverture possible : sur le poème « L’évadé » de Boris Vian dans lequel la quête de liberté et de sensation du prisonnier est brutalement interrompue par la mort.

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