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Voici un commentaire du poème « À la musique » d’Arthur Rimbaud.
A la musique, Rimbaud, introduction
Dans Cahiers de Douai, recueil composé des poèmes écrits en 1870, Arthur Rimbaud dépeint son adolescence à Charleville-Mézières.
Au printemps 1870, le conflit entre la France et la Prusse devient de plus en plus probable.
Dans cet univers militaire et menaçant, Rimbaud dresse dans «A la musique» une galerie de portraits satirique de la bourgeoisie provinciale (I) pour évoquer la place marginale du poète (II) et donner une définition nouvelle de la poésie (III)
Questions possibles à l’oral de français sur « A la musique »
♦ En quoi le poème «A la musique» est-il satirique ?
♦ Rimbaud écrit «Je est un Autre» dans la Lettre à Paul Demeny (15 mai 1871). En quoi ce poème illustre-t-il cette phrase ?
♦ Quelle vision de la société nous donne Rimbaud dans « A la musique » ?
♦ Quelle image du poète et de la poésie nous livre Rimbaud dans ce poème ?
I – Une satire de la bourgeoisie
A – La critique du matérialisme bourgeois
Dans « À la musique », Arthur Rimbaud fait la satire de la bourgeoisie.
Le champ lexical des métiers ou de l’étiquette sociale montre que Rimbaud passe en revue la bourgeoisie de Charleville-Mézières : «gandin», «notaire », «rentiers», «bureaux», «cornacs», «épiciers retraités », «voyous». Il offre ainsi au lecteur un tableau sociologique de Charleville.
Ce que Rimbaud tourne en dérision, c’est le matérialisme de cette société, comme le montre le champ lexical de l’économie : «breloques à chiffres», «rentiers», «réclames», «clubs d’épiciers», «argent», «somme», «contrebande».
Rimbaud souligne ainsi que les bourgeois sont obnubilés par l’argent.
Les personnes se confondent même avec leurs professions et n’ont pas d’existence propre comme le montre la synecdoque «Les gros bureaux» (v.10) désignant ironiquement les employés de bureaux.
L’omniprésence de l’argent gagne même le langage. Ainsi, lorsque les personnages parlent de politique (les «traités»), ils utilisent un langage mathématique («En somme» v.16).
Ce jeu de mots de Rimbaud dénonce l’économisme d’une société qui n’envisage l’existence qu’à travers l‘argent et le confort matériel.
La caricature du bourgeois se poursuit avec le champ lexical de la corpulence : «gros», «bouffis», «grosses», «épatant», «rondeurs», «bedaine», «déborde» qui se moque des bourgeois comme le faisait le célèbre caricaturiste Honoré Daumier (1808-1879) :
Bourgeois, Daumier
« Le banquier », Daumier
Cette caricature est accentuée par l’allitération en [b] qui fait songer à la « bedaine » des bourgeois : «Un bourgeois à boutons clairs, bedaine flamande».
Le rejet du verbe «Déborde» au vers 20 participe à la caricature en mimant la corpulence du bourgeois dont le ventre déborde :
Savoure son onnaing d’où le tabac par brins
Déborde – vous savez, c’est de la contrebande;-
B – La critique de la bêtise et des artifices bourgeois
Pour Rimbaud, cet obsession de l’argent et du confort conduit à la bêtise. L’esprit bourgeois est caractérisé par la rigidité et l’arithmétique.
Cette rigidité transparaît dans dans la forme géométrique de l’espace dans lequel évoluent ces bourgeois – des carrés ou des cercles : «Place de la gare», «Sur la place», «Square», «au milieu», «Autour».
Rimbaud joue avec le terme «square» qui désigne une place mais qui signifie aussi « le carré » en anglais, suggérant la rigidité et le conformisme des bourgeois.
L’adjectif « correct », attribué au « square », montre une obsession de la norme (co-rectus : qui est conforme à la règle) : « Square où tout est correct » (v.2).
D’ailleurs, dans l’espace bourgeois, la nature est bridée par l’artifice comme le montre le champ lexical du jardinage : «taillée», «mesquines pelouses», «square», «les arbres et les fleurs», «au milieu du jardin», «bancs verts», «gazons verts».
Plus rien n’est naturel dans cet espace. Même la couleur verte est artificielle puisque le vert des bancs provient de la peinture : « les bancs verts » (v.13). L’univers bourgeois n’est qu’une parodie de la nature.
L’artifice de la société bourgeoise se voit aussi dans la dimension théâtrale de la scène décrite.
En effet, le « square » est organisé comme une scène de théâtre comme le montre le champ lexical de la comédie : «Square», «L’orchestre», «aux premiers rangs», «parade», «à lorgnons», «chant des trombones».
L’adjectif «bouffis» (v.10) fait subtilement allusion à « l’opéra-bouffe » (ou « opéra-bouffon ») une catégorie d’opéra-comique. Charleville –Mézières se transforme en vaste opéra-bouffe où la bêtise règne en maître.
La diérèse ironique « sé/ri//eu/se/ment » (au lieu de « sé/rieu/se/ment) montre le caractère pompeux et ostentatoire des bourgeois fiers de leurs connaissances géopolitiques (« les traités »).
Pire, les « officieux cornacs » au vers 11 assimilent les bourgeois à des éléphants (les cornacs sont les personnes chargées de conduire les éléphants).
Les termes familiers (« Schakos », « pioupious ») accentuent la satire et vulgarité de la société de Charleville.
II – La place du poète
A – Le poète : un exilé dans cet univers bourgeois
Le poète est en opposition et en décalage avec cet univers bourgeois.
Ce décalage entre le jeune poète et la société bourgeoise se voit dans la composition même du poème.
En effet, 6 quatrains sont consacrés à la société de Charleville, puis 3 quatrains sont consacrés exclusivement au poète.
Cette opposition entre les 6 premiers quatrains et les 3 derniers montre la séparation entre Charleville et le poète.
Tout oppose les bourgeois et le poète.
A la rigidité et à l’aisance matérielle de Charleville, le poète oppose un attitude bohème et marginale : «débraillé», «étudiant», «drôle», «baisers».
Il est celui qui dit «non» comme le montrent les tournures négatives (lexicales ou grammaticales) : «débraillé», «indiscrètes», «Je ne dis pas un mot».
Le poète est à la marge dans un univers masculin et militaire comme le montre le champ lexical de l’armée : «orchestre militaire», «schakos», «fifres», «trombones», «pioupious».
Cet univers militaire est une allusion à la guerre franco-prussienne qui se prépare et nourrit l’antimilitarisme de Rimbaud.
Le poète souhaite fuir cet univers militaire et masculin pour se tourner vers la sensualité.
Le lieu, la «Place de la Gare» , représente d’ailleurs une ligne de fuite, une chance de départ.
B – Le poète en quête de sensualité
Dans les trois dernières strophes, le champ lexical de la féminité se substitue à l’univers militaire : «les alertes fillettes», «Elles», «leurs yeux», «corsage», «bottine», «bas», «Elles».
Les dernières strophes évoquent les parties du corps féminin comme un blason poétique : «yeux», «cous», «mèches folles», «corsage», «frêles atours», «dos divin», «courbe des épaules», « bottine», «le bas». (Le blason est un court poème qui fait l’éloge d’une partie du corps féminin)
Le regard est organisé de manière logique et descendante comme dans la tradition poétique des poètes de la Pléiade :
♦ La femme est abordée d’abord sous son aspect mystique : «leurs yeux», «dos divin»;
♦ Le regard devient plus sensuel comme le suggère le champ lexical du regard : «je regarde», «je suis», «j’ai bientôt déniché», «je reconstruis».
Les allitérations en [b] et [v], des consonnes labiales, introduisent de la sensualité dans le poème : « […] brulé de belles fièvres / […] – Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres.».
Les points de suspension aux vers 33, 35 et 36 suggèrent le désir amoureux contenu et pudique :
J’ai bientôt déniché la bottine, le bas…
– Je reconstruis les corps, brûlé de belles fièvres.
Elles me trouvent drôle et se parlent tout bas…
– Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres…
Cette sensualité devient presque libertine : «choses indiscrètes», «chair», «mèches folles» , «corsages», «frêles atours», «le bas», «brûlé».
Pour Rimbaud, la sensualité et le lyrisme est une manière d’être. C’est ce que montre le jeu de mots entre « être » et « suivre » qui sont homonymes une fois conjugué à la première personne :
♦ « Moi je suis […] sous les marronniers » (v.25)
♦ « Je suis […] le dos divin » (v.31)
Suivre la sensualité est une manière d’être qui contraste avec l’existence normée et rationnelle de la bourgeoisie de Charleville.
Transition : Si Rimbaud donne une place marginale du poète dans la société, il donne surtout une définition nouvelle à la poésie.
III – Une définition nouvelle de la poésie
A – La poésie : un art musical
Le titre du poème « A la musique » se présente comme un hommage à la poésie qui, traditionnellement, est issue de l’art d’Orphée, poète et musicien dans la mythologie grecque.
Mais on remarque que le champ lexical de la musique («orchestre», «Valse», «fifres», «chant», «trombones» ) évolue dans ce poème :
♦ Le début du poème est marqué par la musique militaire de la guerre franco-prussienne : « L’orchestre militaire, au milieu du jardin » (v.5).
Les rimes croisées du quatrain reproduisent le rythme binaire des marches militaires.
♦ Dans les trois dernières strophes, la musique devient plus sensuelle et désordonnée comme le suggère le champ lexical du mouvement : «tournent», «mèches folles», «atours», «courbe», «me viennent».
Ce mouvement reproduit les tournoiements d’une valse enivrante qui est la musique lyrique et amoureuse par excellence.
L’omniprésence du « je » dans les trois dernières strophes (« – Moi […] / « Je ne dis pas un mot » / « J’ai bientôt déniché ») souligne que le lyrisme reprend le dessus.
Le rythme irrégulier des vers, avec de nombreux rejets et contre-rejets, laissent entendre une musique imprévisible, habitée par des contrastes, caractéristique de la poésie rimbaldienne.
B – Une réflexion sur la création poétique
Rimbaud donne dans « A la musique » une définition de sa poésie.
La poésie a d’abord pour sujet et objet le « moi » comme le dévoile la place du moi dans le dernier vers : «- Et je sens les baisers qui me viennent aux lèvres».
Les tirets énigmatiques aux vers 25, 34 et 36 semblent être le signe d’un dialogue intérieur que le poète mène avec lui-même.
Cette multiplicité du « moi » préfigure le « Je est un Autre » qu’il écrira dans la Lettre à Paul Demeny (15 mai 1871).
Pour Rimbaud, la poésie a pour fonction de reconstruire le monde, de lui redonner du sens et une unité. C’est ce qui transparaît au vers 34 : « Je reconstruis les corps » . La poésie a une fonction réparatrice.
De ce point de vue, la poésie est l’antidote à la guerre que connaît la France à cette époque. Là où la guerre démembre les corps, la poésie, animée par l’amour, les reconstruit.
A la musique, conclusion
Dans « A la musique » , Arthur Rimbaud chasse la médiocrité, la rationalité bourgeoise pour laisser place à la sensualité brimée par l’ordre bourgeois.
Mais la bourgeoisie, c’est aussi pour Rimbaud l’idéologie de l’argent, de la guerre, de la séparation. A travers l’écriture poétique, Rimbaud veut y substituer un esprit d’unité, de paix et de concorde.
Dans « Le Mal » ou « Le Dormeur du Val », Rimbaud s’attaque encore plus directement à la guerre franco-prussienne de 1870.
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Merci beaucoup d’avoir partagé cette analyse du poème. Elle est très complète et m’a permis d’entrevoir une partie de ce que le poète à à nous montrer.
Très bonne analyse du poème.
J’ai vraiment adoré cette analyse d’Arthur Rimbaud,dommage que je n’aie pas eu ce professeur,mais c’est normal j’ai 73 ans et toujours passionnée,par ce poète que j’ai beaucoup travaillé au Conservatoire merci pour tout Maude Huy Belgique.