Manon Lescaut, abbé Prévost, excipit : analyse

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Voici une explication linéaire de l’excipit de Manon Lescautde l’abbé Prévost (fin du roman).

L’extrait étudié correspond à la dernière page du roman, de « J’étais attentif au débarquement de l’équipage » à la fin (« mon frère m’écrit qu’il doit attendre mon arrivée« ).

Manon Lescaut, excipit, introduction

Dès sa parution en 1731, Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut fut jugé immoral et frappé par la censure.

Le roman de l’abbé Prévost (1697-1763) constitue le tome VII des Mémoires et aventures d’un homme de qualité.

Le personnage fictif qui s’en dit l’auteur, M. de Renoncour, fait une pause après les six premiers tomes des Mémoires pour raconter la passion amoureuse du chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut. (Voir la fiche de lecture pour le bac de Manon Lescaut de L’Abbé Prévost)

Réfugiés en Amérique au Nouvel Orléans, Manon meurt dans le désert. Blessé en duel, le Chevalier survit, seul.

L’extrait en question constitue les dernières pages du roman.

Extrait étudié

J’étais attentif au débarquement de l’équipage. Je fus frappé d’une surprise extrême en reconnaissant Tiberge parmi ceux qui s’avançaient vers la ville. Ce fidèle ami me remit de loin, malgré les changements que la tristesse avait faits sur mon visage. Il m’apprit que l’unique motif de son voyage avait été le désir de me voir et de m’engager à retourner en France ; qu’ayant reçu la lettre que je lui avais écrite du Havre, il s’y était rendu en personne pour me porter les secours que je lui demandais ; qu’il avait ressenti la plus vive douleur en apprenant mon départ, et qu’il serait parti sur-le-champ pour me suivre, s’il eût trouvé un vaisseau prêt à faire voile ; qu’il en avait cherché pendant plusieurs mois dans divers ports, et qu’en ayant enfin rencontré un à Saint-Malo, qui levait l’ancre pour la Martinique, il s’y était embarqué, dans l’espérance de se procurer de là un passage facile à la Nouvelle-Orléans ; que le vaisseau malouin ayant été pris en chemin par des corsaires espagnols, et conduit dans une de leurs îles, il s’était échappé par adresse ; et qu’après diverses courses, il avait trouvé l’occasion du petit bâtiment qui venait d’arriver pour se rendre heureusement près de moi.
Je ne pouvais marquer trop de reconnaissance pour un ami si généreux et si constant. Je le conduisis chez moi ; je le rendis maître de tout ce que je possédais. Je lui appris tout ce qui m’était arrivé depuis mon départ de France ; et, pour lui causer une joie à laquelle il ne s’attendait pas, je lui déclarai que les semences de vertu qu’il avait jetées autrefois dans mon cœur commençaient à produire des fruits dont il allait être satisfait. Il me protesta qu’une si douce assurance le dédommageait de toutes les fatigues de son voyage.
Nous avons passé deux mois ensemble à la Nouvelle-Orléans pour attendre l’arrivée des vaisseaux de France ; et nous étant enfin mis en mer, nous prîmes terre, il y a quinze jours, au Havre-de-Grâce. J’écrivis à ma famille en arrivant. J’ai appris, par la réponse de mon frère aîné, la triste nouvelle de la mort de mon père, à laquelle je tremble, avec trop de raison, que mes égarements n’aient contribué. Le vent étant favorable pour Calais, je me suis embarqué aussitôt, dans le dessein de me rendre à quelques lieues de cette ville, chez un gentilhomme de mes parents, où mon frère m’écrit qu’il doit attendre mon arrivée.

Manon Lescaut, abbé Prévost, excipit

Problématique

En quoi les voyages initiatiques vécus par les personnages tempèrent-ils la tragédie, à l’œuvre jusque là ?

Plan linéaire

Dans un premier temps, nous étudierons l’arrivée inattendue de Tiberge et son récit rocambolesque.

Dans un deuxième temps, nous analyserons l’évolution morale du Chevalier et, dans un troisième temps, les apprentissages de son retour.

I – L’arrivée inattendue de Tiberge et son récit rocambolesque

De «J’étais attentif au débarquement» à «se rendre heureusement près de moi»

L’extrait s’ouvre sur l’arrivée d’un navire de commerce pendant que le Chevalier Des Grieux se promène seul sur le rivage.

Un rebondissement inattendu est alors énoncé au passé simple(«je fus frappé d’une surprise extrême»): le débarquement du «fidèle ami» Tiberge.

Cette scène de reconnaissance est spontanée: le Chevalier reconnaît aussitôt son ami et ce dernier le «remit de loin». Pourtant, le chevalier insiste sur le changement qui se lit sur son visage : «les changements que la tristesse avait faits sur mon visage». L’amitié des deux hommes correspond à un lien fort, un dialogue des âmes, qui dépasse les apparences physiques.

Le récit rocambolesque de Tiberge, au discours indirect, prend la forme d’une succession de propositions. Le lecteur a ainsi accès, par ce récit rétrospectif, à un résumé de plusieurs mois.

La longue phrase complexe qui se déploie, avec une succession de propositions, restitue la foisonnance des péripéties traversées par Tiberge. Elles traduisent également la ténacité de cet ami fidèle, qui a surmonté inlassablement tous les obstacles pour retrouver Des Grieux.

Tiberge énonce tout d’abord la double raison de son voyage en Amérique : voir son ami et le ramener en France.

Puis sa fidélité se lit à travers son déplacement au Havrequi est longuement expliqué.

La cause de ce premier voyage était la réception de la lettre du Chevalier et l’objectif était de «me porter les secours que je lui demandais».

Mais arrivé trop tard, après le départ du Chevalier, son émotion est intense, comme l’indique l’expression au superlatif: «il avait ressenti la plus vive douleur».

Son abnégation n’a été freinée que par une avarie technique (l’absence de bateau): sinon, le recours au conditionnel passé «il serait parti sur-le-champ pour me suivre» montre combien son amitié pour Des Grieux est profonde et indéfectible, quels que soient les moyens à mettre en œuvre.

Ensuite, Tiberge poursuit le récit de ses aventures où se lit son obstination à trouver un vaisseau.

En effet, les compléments circonstanciels indiquent la durée de sa recherche («pendant plusieurs mois») et ses déplacements géographiquesdans divers ports», «à Saint Malo»).

Rien ne semble arrêter Tiberge comme l’indique la succession de nom de lieux: ni le port de départ, ni la destination – la Martinique -, ni les incertitudes pour arriver jusqu’au Nouvel Orléans.

Le lecteur découvre les multiples péripéties vécues par Tiberge, plus incroyables les unes que les autres.

Outre les obstacles techniques du moyen de transport, il a été confronté à des dangers plus grands, comme l’illustre la proposition subordonnée participiale de cause «ayant été pris en chemin par des corsaires espagnols». Victime d’une prise d’otage, il souligne qu’«il s’était échappé par adresse».

Le discours indirect s’achève comme une boucle pour justifier sa présence auprès du Chevalier : Tiberge arrive miraculeusement à bon port, auprès de son ami, «après diverses courses», par un «petit bâtiment».

D’un point de vue de la structure et de la cohérence du roman, les retrouvailles sont donc justifiées malgré leur caractère extraordinaire.

II – L’évolution morale du Chevalier

De «Je ne pouvais marquer trop de reconnaissance» à «fatigues de son voyage»

Le Chevalier reconnaît en Tiberge «un ami si généreux et si constant»: les adverbes intensifs soulignent sa reconnaissance.

Il lui offre l’hospitalité et ses biens : l’expression «je le rendis le maître de tout ce que je possédais» montre que Des Grieux est entier dans sa prodigalité, comme il l’a toujours été dans le roman envers Manon.

L’ellipse «je lui appris tout ce qui m’était arrivé» fonctionne comme une habile construction de l’Abbé Prévost : le lecteur a déjà eu accès à cette partie.

Le Chevalier Des Grieux a changé et il l’affirme à son ami, par le biais d’une métaphore: «les semences de vertu qu’il avait jetées autrefois dans mon cœur commençaient à produire des fruits».

Cette figure de style empruntée au domaine horticole illustre la lente progression des conseils jadis donnés par Tiberge.

Ce dernier, loin de s’en enorgueillir, répond en toute humilité: «une si douce assurance le dédommageait de toutes les fatigues de son voyage».

Au-delà de remerciements convenus, l’évolution morale du Chevalier constitue donc la plus belle récompense pour Tiberge.

III – Les apprentissages du retour

De «Nous avons passé deux mois» à «attendre de mon arrivée»

Ce dernier mouvement fait état de la situation des personnages après leur séjour de deux mois en Amérique.

Il est mention de leur arrivée en France, puis des actions du Chevalier.

Ainsi, il choisit d’écrire à sa famille: cet acte symbolique témoigne d’une évolution du personnage qui était en rupture avec ses proches avant son départ.

La mort de son père qu’il apprend de son frère est un choc: elle est qualifiée de «triste nouvelle».

La phrase «je tremble, avec trop de raison, que mes égarements n’aient contribué» suggère la culpabilité du personnage.

Paradoxalement, lors de leur confrontation et de leur rupture au Luxembourg, Des Grieux avait prédit sa propre mort, et non celle de son père.

Les dernières lignes retracent la fin du voyage du Chevalier qui retourne sur ses terres, près de Calais, dans le Nord de la France. La fin, avec ses soucis des détails géographiques, ancre l’histoire du Chevalier dans le réel: devant loger «chez un gentilhomme de [ses] parents», il n’a plus de propriété et il doit attendre l’arrivée de son frère, en toute humilité.

Manon Lescaut, fin du roman, conclusion

Les retrouvailles entre les deux amis ont un point commun: celles de voyages initiatiques et d’aventures ayant fait évoluer les personnages.

Le roman aurait pu s’achever sur la mort du personnage éponyme Manon Lescaut, laissant ainsi le lecteur sur un registre tragique.

Or l’Abbé Prévost choisit de poursuivre son roman en donnant à voir l’amitié indéfectible entre le Chevalier Des Grieux et Tiberge et les apprentissages qu’ils ont tirés de leurs aventures.

Le Chevalier assure son ami qu’il est sur la voie de la vertu et le retour en France symbolise le rattachement à des valeurs familiales fondamentales.

Dans ces dernières pages, la portée moralisatrice et pédagogue du récit, affichée dans l’avis de l’auteur au début du roman, prend donc le dessus sur le récit d’une histoire d’amour tragique.

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Amélie Vioux

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