Sur l’admission des femmes au droit de cité, Condorcet : lecture linéaire

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Voici une analyse linéaire sur un extrait issu de l’essai Sur l’admission des femmes au droit de cité de Condorcet.

L’extrait étudié va de « Or, les droits des hommes résultent uniquement de ce qu’ils sont des êtres sensibles » à « ni le courage d’esprit qui manquaient aux femmes. « 

Sur l’admission des femmes au droit de cité, introduction

Mathématicien, philosophe des Lumières et homme politique français, Nicolas de Condorcet a activement défendu la cause des femmes, notamment en se prononçant pour leur droit de vote.

La parution, en 1790, de son essai Sur l’admission des femmes au droit de cité, vise à convaincre de la nécessité pour les femmes d’exercer leurs droits politiques.

Pour lui, l’inégalité de droits existant entre les sexes n’est pas naturelle mais résulte de l’éducation et du contexte.

Juste avant l’extrait en question, Condorcet rappelle une situation inique : 12 millions de femmes sont exclues du droit de former les lois.

Extrait étudié :

Or, les droits des hommes résultent uniquement de ce qu’ils sont des êtres sensibles, susceptibles d’acquérir des idées morales, et de raisonner sur ces idées ; ainsi les femmes ayant ces mêmes qualités, ont nécessairement des droits égaux. Ou aucun individu de l’espèce humaine n’a de véritables droits, ou tous ont les mêmes ; et celui qui vote contre le droit d’un autre, quels que soient sa religion, sa couleur ou son sexe, a dès lors abjuré les siens.
Il serait difficile de prouver que les femmes sont incapables d’exercer les droits de cité. Pourquoi des êtres exposés à des grossesses, et à des indispositions passagères, ne pourraient-ils exercer des droits dont on n’a jamais imaginé de priver les gens qui ont la goutte tous les hivers, et qui s’enrhument aisément. En admettant dans les hommes une supériorité d’esprit qui ne soit pas la suite nécessaire de la différence d’éducation (ce qui n’est rien moins que prouvé, et ce qui devrait l’être, pour pouvoir, sans injustice, priver les femmes d’un droit naturel), cette supériorité ne peut consister qu’en deux points. On dit qu’aucune femme n’a fait de découverte importante dans les sciences, n’a donné de preuves de génie dans les arts, dans les lettres, etc. ; mais sans doute, on ne prétendra point n’accorder le droit de cité qu’aux seuls hommes de génie. On ajoute qu’aucune femme n’a la même étendue de connaissances, la même force de raison que certains hommes ; mais qu’en résulte-t-il, qu’excepté une classe peu nombreuse d’hommes très-éclairés, l’égalité est entière entre les femmes et le reste des hommes ; que cette petite classe, mise à part, l’infériorité et la supériorité se partagent également entre les deux sexes. Or puisqu’il serait complètement absurde de borner à cette classe supérieure le droit de cité, et la capacité d’être chargé des fonctions publiques, pourquoi en exclurait-on les femmes, plutôt que ceux des hommes qui sont inférieurs à un grand nombre de femmes ?
Enfin, dira-t-on qu’il y ait dans l’esprit ou dans le cœur des femmes quelques qualités qui doivent les exclure de la jouissance de leurs droits naturels ?
Interrogeons d’abord les faits. Élisabeth d’Angleterre, Marie Thérèse, les deux Catherine de Russie, ont prouvé que ce n’était ni la force d’âme, ni le courage d’esprit qui manquaient aux femmes.

Sur l’admission des femmes au droit de cité (1790), Nicolas de Condorcet.

Problématique

Comment Condorcet parvient-il à convaincre de l’égalité naturelle des droits entre les hommes et les femmes ?

Annonce de plan linéaire

Dans un premier temps, de « Or, les droits des hommes » à « a dès lors abjuré les siens« , Condorcet souligne que hommes et femmes ayant des qualités partagées, ils doivent bénéficier des mêmes droits.

Dans un deuxième temps, de « il serait difficile de prouver » à « en deux temps« , il a recours à la fausse adhésion pour convaincre le lecteur.

Enfin, dans un troisième temps, de « On dit qu’aucune femme » à « qui manquaient aux femmes » il a recours à l’absurde, puis dans un quatrième temps, de « Enfin, dira-t-on » à la fin de l’extrait, à l’exemple, pour achever sa démonstration.

I – Hommes et femmes ayant des qualités partagées, ils doivent bénéficier des mêmes droits

« Or, les droits des hommes » à « a dès lors abjuré les siens »

L’argumentation de Condorcet a pour objectif de prouver l’égalité en droit des hommes et des femmes.

Pour cela, il confronte son point de vue à diverses thèses existantes qu’il réfute ou nuance.

Il commence par rappeler l’origine des droits des hommes. Les hommes ont des droits en raison de trois qualités : leur sensibilité, leur sens moral et leur capacité de raisonnement.

L’adverbe « uniquement » est essentiel car il prépare la conclusion, limpide : «ainsi, les femmes ayant ces mêmes qualités, ont nécessairement des droits égaux.» Il fait donc découler l’égalité en droit entre les sexes de qualités communément partagées. Il instaure un rapport de cause à effet entre les qualités morales accordées aux hommes et aux femmes et le plein exercice de leurs droits.

Pour renforcer son argumentation, Nicolas de Condorcet propose une alternative radicale mise en valeur par l’antithèse « aucun individu » / »tous »: « ou aucun individu de l’espèce humaine n’a de véritables droits, ou tous ont les mêmes ».

À ses yeux, l’entre-deux ne peut exister : il instaurerait une différence en droit qui n’existe pas dans la nature humaine.

En se mettant à la place de «celui qui vote contre le droit d’un autre», il montre qu’il va à l’encontre de ses propres droits, au point d’utiliser un verbe au sens fort « abjurer ».

Condorcet va même au-delà de la simple différence de sexe : le caractère novateur de son argumentation se lit dans la proposition « quels que soient sa religion, sa couleur ou son sexe ».

II – La preuve par la fausse adhésion

de « Il serait difficile de prouver » à « qu’en deux points »

Condorcet assoit son argumentation par un renversement de paradigme* (*une autre façon de voir les choses) afin de convaincre les réfractaires à l’égalité de droits des femmes. Si pour ceux-ci, il peut être difficile de prouver que les femmes sont capables d’exercer leurs droits, l’inverse est tout aussi vrai.

En effet, « il serait difficile de prouver que les femmes sont incapables d’exercer les droits de cité. »

Condorcet illustre alors son propos par une question rhétorique, opposant les femmes, à savoir « des êtres exposés à des grossesses, et à des indispositions passagères », aux hommes réduits à un portrait satirique, comme l’indiquent les deux propositions subordonnées relatives : « qui ont la goutte tous les hivers, et qui s’enrhument aisément ». L’image suscite le rire et permet de remporter l’adhésion du lecteur.

Condorcet poursuit son argumentation en prétendant admettre que la supériorité d’esprit des hommes résulterait d’une différence naturelle.

Mais l’incisece qui n’est rien moins que prouvé, et ce qui devrait l’être, pour pouvoir, sans injustice, priver les femmes d’un droit naturel») insiste que pour justifier une telle position et en arriver à priver les femmes de leurs droits, il faudrait déjà le prouver.

III – La preuve par l’absurde

de « On dit qu’aucune femme » à « un grand nombre de femmes »

À deux reprises, Condorcet rapporte des propos en utilisant le pronom personnel « on » pour mieux renforcer son argumentation (« on dit », « on ajoute ») : ce pronom personnel lui permet de montrer qu’il prend ses distances avec un tel discours.

Il commence par rappeler ce que certains disent au sujet des femmes : l’absence « de découverte importante dans les sciences, […] de preuves de génie dans les arts, dans les lettres, etc. » Mais il réfute l’argument aussitôt en comparant à la situation des hommes : «on ne prétendra point n’accorder le droit de cité qu’aux seuls hommes de génie.»

La construction de la phrase en deux temps, articulée autour d’un point virgule, permet de mettre en parallèle la situation des femmes et des hommes. La raisonnement est rigoureux comme en témoigne les nombreux connecteurs logiques : « mais », « mais », « or puisqu’… » .

Condorcet poursuit en rapportant les propos de ceux qui reprochent aux femmes d’être moins savantes et douées de moins de raison. Il montre ainsi l’absurdité du raisonnement par un syllogisme : excepté « une classe peu nombreuse d’hommes très-éclairés », alors les femmes et les autres hommes sont égaux. Or cela reviendrait à affirmer que « l’infériorité et la supériorité se partagent également entre les deux sexes. » Donc le raisonnement ne tient pas.

Condorcet affirme ainsi qu’ « il serait complètement absurde de borner à cette classe supérieure le droit de cité, et la capacité d’être chargé des fonctions publiques ».

Il termine par une question rhétorique dans laquelle l’usage du conditionnel présent (« exclurait-on ») lui permet de prendre ses distances : «pourquoi en exclurait-on les femmes, plutôt que ceux des hommes qui sont inférieurs à un grand nombre de femmes?»

IV – La preuve par l’exemple

de «Enfin, dira-t-on qu’il y ait dans l’esprit» à fin de l’extrait.

Enfin, l’exclusion «de la jouissance de leurs droits naturels» ne peut reposer sur l’idée selon laquelle les femmes auraient des qualités qui les empêcherait d’exercer leur droit de cité. La forme interrogative (« Enfin, dira-t-on…? ») et le pronom personnel « on » met à distance cet argument adverse.

Condorcet achève alors sa démonstration par l’exemple : « interrogeons d’abord les faits». La première personne du pluriel et l’impératif (« interrogeons » ) permettent d’impliquer le lecteur dans cette démonstration finale.

La mention des reines de trois pays (Angleterre, Autriche, Russie) «Élisabeth d’Angleterre, Marie Thérèse, les deux Catherine de Russie» consolide son argumentation en faisant appel à des figures historiques féminines : les femmes font preuve de «force d’âme» et de «courage d’esprit» et sont capables de faire valoir leur droit de cité.

La double négation « ni…ni » permet de nier les arguments avancés par les contempteurs du sexe féminin, tout en mettant en valeur les qualités des femmes : « force d’âme » et « courage d’esprit« .

Sur l’admission des femmes au droit de cité, Condorcet, conclusion

L’argumentation de Condorcet s’appuie sur un sens de l’observation : hommes et femmes ont naturellement des qualités en commun. Ils doivent donc être égaux en droits.

Il fait semblant d’épouser les points de vue de ses adversaires pour mieux les renverser. En rapportant leurs propos, il en souligne l’absurdité : nul sexe n’est naturellement supérieur à l’autre. Plusieurs femmes ont su prouver leur éminente place politique.

En 1791, Olympe de Gouges ira dans le sens de Condorcet, grâce à la rédaction de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne qui réclame l’égalité en droits des hommes et des femmes.

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

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