Le vampire, Baudelaire : commentaire

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charles baudelaire le vampireVoici une analyse du poème de Baudelaire « Le Vampire » extrait de son recueil Les Fleurs du Mal publié en 1857.

Baudelaire, « Le Vampire », introduction du commentaire :

« Le Vampire » est un poème extrait de la section « Spleen et Idéal » des Fleurs du Mal.

Baudelaire y présente une image sombre de la femme et de l’amour, sans doute inspiré par son amante Jeanne Duval avec laquelle il entretient une relation tumultueuse.

Ainsi, dans ce poème dominé par le spleen, la femme apparaît comme une créature vampirique face à laquelle le poète demeure impuissant.

Nous verrons dans ce commentaire que Baudelaire met en scène dans « Le vampire » une vision sombre et négative de la femme (I), où l’amour apparaît comme une malédiction (II). Mais les sentiments du poète, mêlant plaisir et douleur, sont ambigus (III).

Problématiques possibles à l’oral sur « Le Vampire » de Baudelaire

♦ Quelle vision de la femme est représentée dans « Le vampire » ?
♦ En quoi les sentiments du poète sont-ils ambigus ?
♦ En quoi l’évocation de la femme est-elle originale ?
♦ Quelle est la place du poète dans ce texte ?
♦ Commentez le titre du poème « La vampire ».

I – Une vision sombre et négative de la femme

A – La femme-vampire

Tout au long du poème, la femme est représentée comme une créature vampirique.

De nombreux termes péjoratifs sont employés pour qualifier la femme : « démons », « folle et parée » (v. 3-4), « infâme » (v. 7), « maudite » (v. 12), « vermines » (v. 11), « vampire » (v. 24).

La comparaison hyperbolique : « forte comme un troupeau de démons » (v. 3-4) fait apparaître la femme comme un monstre redoutable, une créature inhumaine.

Cette impression est amplifiée par le terme « infâme » au v.7, que l’on pourrait voir comme un jeu de mot à partir de l’homophonie entre « -fâme » et « femme ». L’aimée devient alors une « in-femme », soit littéralement une non-femme.

B – Un bourreau sans pitié

Cette femme-vampire est représentée comme un bourreau sans pitié.

Elle apparaît d’emblée comme un agresseur : « Toi qui, comme un coup de couteau,/Dans mon cœur plaintif es entrée ; Toi qui, forte comme un troupeau/De démons, vins, folle et parée » (v. 1 à 4).

La reprise anaphorique de l’apostrophe : « Toi qui » (vers 1 et 3) renforce la violence de l’attaque. Baudelaire suggère en effet que c’est la femme qui est venue à lui pour l’attaquer (« Toi qui » ).

La redondance de la sonorité [cou] dans l’expression « coup de couteau » (v. 1) insiste d’emblée sur la violence et la rapidité de l’attaque.

De même, les allitérations en [k], en [t], en [r] ou en [v] renforcent l’agressivité de la femme : « Toi qui, comme un coup de couteau,/Dans mon cœur plaintif es entrée;/Toi qui, forte comme un troupeau/De démons, vins, folle et parée » (v. 1-4).

Transition : Face à cette femme vampirique et tortionnaire, le poète est sans défense. La relation amoureuse est alors vécue comme un supplice.

II – L’amour : une malédiction

A – La domination de la femme aimée

La femme domine l’esprit du poète.

Elle est présente dès le premier vers, avec une reprise anaphorique au vers 3 : « Toi qui, comme un coup de couteau », « Toi qui, forte comme un troupeau ».

Les vers 7 et 12 débutent sur des apostrophes qui montrent son omniprésence dans l’esprit du poète : « Infâme à qui je suis lié », « Maudite, maudite sois-tu ».

On remarque qu’elle est le plus souvent sujet des verbes, alors que le poète est complément d’objet. Cette construction grammaticale renforce l’impression que la femme agit sur un poète impuissant.

Dans l’énumération de comparaisons à la troisième strophe, c’est toujours la femme-bourreau qui est placée en première position, renforçant sa domination :
« Comme au jeu le joueur têtu
Comme à la bouteille l’ivrogne
Comme aux vermines la charogne« 
(v. 9-11).

D’autre part, la domination de la femme est soulignée par un bref champ lexical de la propriété : « ton domaine » (v. 5-6), « son empire » (v. 21).

Le terme « empire » est mis en valeur en fin de vers par un contre-rejet et un tiret, mais aussi par une inversion des termes dans la phrase. En effet, le complément d’objet précède le groupe sujet-verbe, ce qui attire l’attention : « Imbécile ! – de son empire/ Si nos efforts te délivraient » (v. 21-22).

B – L’impuissance du poète

Face à la femme-vampire, le poète est impuissant.

Ainsi, le poète est associé à des adjectifs qui le dévalorisent et soulignent sa faiblesse : « mon cœur plaintif » (v. 2), « mon esprit humilié » (v. 5), « ma lâcheté » (v. 16), « Imbécile » (v. 21).

La passivité du poète est également marquée par l’emploi de verbes à l’infinitif : « Faire ton lit et ton domaine » (v. 6), « De conquérir ma liberté » (v. 14), « De secourir ma lâcheté » (v. 16).

Pourtant, le poète essaie de lutter.

En effet, un champ lexical de la bataille et du combat est présent dans le poème : « coup de couteau » (v. 1), « troupeau » (v. 3), « glaive » (v. 13), « conquérir » (v. 14), « secourir » (v. 16), « empire » (v. 21), « délivraient » (v. 22).

Le poète maudit espère retourner la malédiction contre son amante, en formulant une injonction désespérée : « Maudite, maudite sois-tu ! » (v. 12).

Impuissant, il adresse finalement une prière au glaive et au poison pour détruire la femme : « J’ai prié le glaive rapide/ De conquérir ma liberté/ Et j’ai dit au poison perfide/ De secourir ma lâcheté » (v. 13-16).

Mais cette prière ne porte pas ses fruits. Le glaive et le poison,  à travers une prosopopée, soulignent la malédiction du poète, sous l’emprise de la femme aimée : « Imbécile ! – de son empire/ Si nos efforts te délivraient,/ Tes baisers ressusciteraient/ Le cadavre de ton vampire » (v. 21-24).

C – Un poète prisonnier de ses sentiments

Le poète est pris au piège, dépendant de son amante.

Cet état de dépendance est souligné par l’accumulation de comparaisons du vers 8 au vers 11 : « Comme le forçat à la chaîne,/Comme au jeu le joueur têtu,/Comme à la bouteille l’ivrogne,/Comme aux vermines la charogne ».

Le poète est l’esclave de ses propres sentiments : « Tu n’es pas digne qu’on t’enlève/A ton esclavage maudit » (v. 19-20).

Cette idée est renforcée par un champ lexical de l’emprisonnement : « forçat », « chaîne » (v. 8), « liberté » (v. 14), « délivraient » (v. 22).

La diérèse sur le « i » de « humilié » (à prononcer hu-mi-li-é) et « lié » (li-é), avec la redondance du mot « lié » à la rime renforcent l’insistance du poète sur ce lien indestructible.

Transition : Les sentiments du poète sont cependant ambigus, mettant en évidence une relation de type sadomasochiste.

III – Les sentiments ambigus du poète

A – Entre plaisir et douleur

La relation amoureuse provoque chez le poète une réaction ambivalente où la douleur se mêle au plaisir.

Les sonorités traduisent cette l’ambivalence.

Les assonances en [i] et en [a] peuvent ainsi exprimer à la fois la douleur et le plaisir, ou encore la jubilation de la femme-vampire prenant plaisir à voir souffrir le poète : « plaintif » (v. 2), « esprit humilié », « faire ton lit », « infâme à qui je suis lié » (v. 5 à 7), « l‘ivrogne », « vermines », « maudite, maudite sois-tu » (v. 11-12), « J’ai prié le glaive rapide/De conquérir ma liberté/Et j’ai dit au poison perfide/De secourir ma lâcheté » (v. 13-16).

De même, l’assonance en [ou] peut traduire aussi bien la réaction douloureuse du poète face aux coups de son bourreau, qu’exprimer une certaine douceur : « coup de couteau » (v. 1), « troupeau » (v. 3), « le joueur », « la bouteille » (v. 9-10), « secourir » (v. 16).

Cette relation ambiguë et destructrice nous ramène à l‘image du vampire, créature séductrice qui représente à la fois l’amour et la mort, se nourrissant du sang et de l’âme des mortels.

B – Entre amour et haine

Le poète est surtout tiraillé entre amour et haine.

On peut noter tout d’abord la présence d’un champ lexical de la relation amoureuse : « cœur » (v. 2), « parée » (v. 4), « lit » (v. 6), « lié » (v. 7), « baisers » (v. 23).

De plus, on remarque que pour les strophes 3 et 6, les rimes sont embrassées alors qu’elles sont croisées dans les autres strophes.

Ce parallélisme met en évidence l’addiction du poète à cette relation destructrice.

Le sentiment de haine du poète est marqué par des termes péjoratifs forts, parfois violents et soulignés par une ponctuation expressive : « comme un troupeau/De démons », « folle et parée » (v. 3-4), « infâme » (v. 7), « Maudite, maudite sois-tu !«  (v. 12), « le cadavre de ton vampire !«  (v. 24).

Pourtant, pris dans un cercle vicieux, le poète ne peut vivre sans son amante. C’est ce que lui rappellent de façon dramatique le poison et le glaive  : « Tes baisers ressusciteraient/Le cadavre de ton vampire ! » (v. 23-24). La femme ne peut être combattue puisqu’elle est aimée par le poète qui ne peut se passer d’elle.

Baudelaire, « Le Vampire », conclusion :

Dans ce poème, Baudelaire fait appel à la symbolique du vampire pour représenter l’aspect maléfique et destructeur de la femme.

Elle apparaît comme une créature pleine de vices, à l’origine de la souffrance et du spleen du poète.

Celui-ci se représente en victime impuissante, bénissant et maudissant, aimant et haïssant tout à la fois son bourreau, au sein d’une relation ambiguë et destructrices’unissent plaisir et douleur, amour et mort.

Cette relation ambivalente est également développée dans « Les Métamorphoses du vampire ».

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