Sensation, Rimbaud : analyse

Tu passes le bac de français ? CLIQUE ICI et deviens membre de commentairecompose.fr ! Tu accèderas gratuitement à tout le contenu du site et à mes meilleures astuces en vidéo.

sensation arthur rimbaudVoici une analyse du poème « Sensation » extrait du recueil Poésies d’Arthur Rimbaud.

« Sensation », Rimbaud : analyse linéaire pour l’oral de français :

Écrits quand Arthur Rimbaud avait 16 ans, les Cahiers de Douai regroupent vingt-deux poèmes, répartis en deux liasses.

Recueilli par son professeur de rhétorique Georges Izambard puis par le poète Paul Démeny lors de ses fugues, le jeune homme est, en 1870, en pleine révolte adolescente.

Mais le poème « Sensation » occupe une place particulière : publié à titre posthume en 1895, il est l’un des tout premiers poèmes écrits par Rimbaud, avant ses fugues.

Il surprend par sa brièveté et par sa structure grammaticale car, pour chaque quatrain en rimes croisées, le seul sujet est le je du poète.

Problématique

En quoi ce poème témoigne-t-il d’une quête de liberté et d’amour ?

Plan linéaire

Nous verrons que la première strophe évoque avec sensualité une évasion dans la Nature.

La seconde strophe souligne l’aspiration de Rimbaud à un idéal.

I – Une déambulation en symbiose avec la nature : premier quatrain

Rimbaud évoque avec simplicité une déambulation dans la nature, les soirs d’été.

Le champ lexical de la nature est omniprésent : « été », « sentiers », « blés », « herbe », « vent ».

Les assonances en « é » et en « è », sonorités éthérées, confèrent au premier quatrain une impression de légèreté et de communion entre le poète et la Nature :

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue : 
Rêveur, j’en sentirai la frcheur à mes pieds
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

Mais ce qui frappe d’emblée est l’emploi du futur simple de l’indicatif, à valeur de certitude j’irai », « j’en sentirai », « je laisserai » …). Il ne s’agit donc pas d’un souvenir ou d’un moment présent, mais d’une véritable projection vers l’avenir.

Cette projection passe par des sensations concrètes : « Picoté », « fouler », « j’en sentirai la fraîcheur », « je laisserai le vent baigner ma tête nue »

Le titre du poème – « Sensation » – prend alors tout son sens. En effet, la vue (à travers l’adjectif qualificatif épithète « les soirs bleus ») et le toucher (« fouler l’herbe », « la fraîcheur ») sont particulièrement sollicités.

Le paysage qui émerge sous la plume de Rimbaud éveille les sens du poète, le picote comme le suggère le participe passé du vers 2.

L’adjectif qualificatif « Rêveur » mis en apposition au vers 3 complète le portrait d’un poète vagabond, qui se laisse aller.

Il s’abandonne progressivement à la Nature, comme l’illustre la progression des verbes, d’abord dans l’action (« j’irai »), puis dans la sensation j’en sentirai ») et enfin dans l’abandon (« je laisserai »).

C’est avec chaque partie de son corps (« mes pieds », « ma tête nue ») que le poète expérimente la nature environnante.

Il assume cette promenade solitaire, comme un chemin initiatique à la découverte de son intériorité.

II – L’aspiration à l’idéal : second quatrain

Cette seconde strophe dessine peu à peu un passage entre la Nature et l’amour, ce que viendra confirmer le dernier vers du poème.

Les deux négations totales dans les deux hémistiches du vers 5 (« Je ne parlerai pas, je ne penserai rien ; ») indiquent une forme d’aspiration à un idéal de symbiose avec la Nature. En effet, en niant le recours à la parole ou à la pensée, le poète veut se donner tout entier à la Nature, sans passer par le filtre de l’interprétation.

De plus, les sensations qui étaient d’ordre physiques précédemment semblent se muer en idéaux.

Ainsi, le vers 6, « Mais l’amour infini me montera dans l’âme », souligne une sensation plus globale et plus incontrôlable, grâce à l’utilisation de termes abstraits et du déterminant défini (« l’amour », « l’âme »).

L’aspiration à la liberté se traduit par la répétition amplifiée de l’adverbe « loin, bien loin » (vers 7).

De plus, la comparaison « comme un bohémien » révèle chez Rimbaud un profond désir d’évasion, comme dans le poème « Ma bohème ».

La comparaison du dernier vers, entre la nature et une femme, érige la nature en personnage féminin aimant et sensuel : « Par la Nature, – heureux /comme avec une femme. » Rimbaud évoque une image de bonheur amoureux, harmonieux et réciproque.

Avec le tiret et une césure particulière, après la 4ème syllabe, cette fusion amoureuse avec la nature est mise en relief.

Conclusion

En définitive, ce court poème condense déjà les aspirations d’Arthur Rimbaud : sa quête d’évasion passe par la communion avec la Nature.

Celle-ci l’éveille à la sensualité, lui apporte quiétude et solitude.

Au début, la détermination du poète est forte et rien ne peut entraver sa fuite. Mais, peu à peu, il accepte de se laisse envahir par les sensations de la Nature et de s’abandonner à elles.

Derrière ces déambulations, ce sont des aspirations profondes qui animent le poète, loin des hommes : la liberté et l’amour.

« Sensation », Rimbaud, commentaire composé pour l’écrit :

« Sensation » est un des tout premiers poèmes d’Arthur Rimbaud, écrit alors qu’il n’a que 15 ans. Il a été publié 25 ans plus tard, en 1895, à titre posthume, dans le recueil Demeny (également appelé Cahiers de Douai)

Le jeune Arthur Rimbaud livre ses rêves dans ce bref poème printanier et manifeste son goût pour l’aventure solitaire.

Annonce du plan

Après avoir vu que le poème « Sensation » évoque avec simplicité un paysage sensuel (I), nous montrerons comment il met en valeur les sensations à travers les thèmes de la liberté et de la solitude (II). Enfin, nous analyserons le rapprochement entre la nature et la femme dans ce poème (III).

I – « Sensation » : un poème de la simplicité

A – La simplicité du poème

« Sensation » de Rimbaud est un bref poème qui surprend tout d’abord par sa simplicité.

Il est en effet composé de seulement deux quatrains, en alexandrins et rimes croisées, ce qui est très classique. Chaque quatrain compte en outre une seule phrase.

La composition est très simple :

♦ Le premier quatrain est dominé par les références au corps et aux sensations concrètes : « mes pieds », « ma tête nue », « picoté », « je sentirai la fraîcheur »

♦ Le second quatrain met en relief les sentiments abstraits : « je ne penserai rien », « l’amour infini », « l’âme », « bien loin », «  la Nature »

L’utilisation parcimonieuse de connecteurs logiques (« mais », « et ») accentue la simplicité du poème. En effet, la plupart du temps, Rimbaud emploie plutôt les deux points pour créer les liens logiques créant une impression de légèreté.

Les sonorités éthérées, comme l’assonance en -é/-è dans le premier quatrain renforcent cette impression de légèreté :

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue : 
Rêveur, j’en sentirai la frcheur à mes pieds
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.

La simplicité se retrouve aussi dans le choix des termes employés qui appartiennent au langage courant : « bleus », « rêveur », « fraîcheur », « parlerai », « penserai », « amour infini », « nature », « heureux », « femme ».

B – La simplicité du cadre

La nature est au cœur du poème « Sensation » comme en témoigne le champ lexical de la nature : l’« été », « les sentiers », « les blés », « l’herbe menue », « le vent ».

Il s’agit d’une nature personnifiée comme l’indique la majuscule au vers 8.

Rimbaud se déplace dans cette nature douce et humble et crée une union avec elle. En effet, il se laisse imprégner et toucher : « picoté », « je sentirai », « je laisserai ». Ces verbes marquent une complicité, jusqu’à la communion entre le poète et la nature.

De cette communion entre Rimbaud et la nature naît une sensualité du paysage. La vue et le toucher sont ainsi particulièrement mis en valeur : « les soirs bleus », « picoté », « fouler », « j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds », « le vent baigner ma tête nue ».

Les parties du corps évoquent les sentiments du poète : à la fois les pieds sur terre (« fouler« ), en communion avec ses sensations (« la fraîcheur« ) et la tête dans les nuages (« le vent baigner ma tête nue« ).

En outre, Rimbaud associe l’eau et l’air en les mêlant : « je laisserai le vent baigner ma tête nue ». Il crée ainsi une harmonie, une synesthésie, qui nous renvoie au titre du poème (Sensation).

Le paysage est également décrit selon un mouvement descendant puis ascendant ce qui rajoute à la simplicité du poème : des « soirs bleus », le regard descend dans « les sentiers » puis jusqu’au sol « les blés » et « l’herbe menue ». Le regard remonte ensuite des « pieds » à la « tête nue » .

Ensuite, le mouvement se prolonge de façon spirituelle en pénétrant le corps avec l’évocation de « l’amour infini » qui « montera dans l’âme<.q> ». Il se termine avec l’évocation d’une perspective infinie : « loin, bien loin ».

Ce lent mouvement qui structure le poème contribue aussi à l’impression de simplicité et de légèreté.

Transition : Le poème Sensation, de premier abord simple et très court, évoque la nature et les sensations procurées par cette nature déifiée.

Mais on peut également y voir un aspect biographique : Arthur Rimbaud est un jeune poète fugueur qui diffuse dans ce poème son amour pour la liberté.

II – Rimbaud : un jeune poète épris de liberté

A – Un adolescent fugueur et rêveur

Arthur Rimbaud est connu pour son adolescence fugueuse et aventureuse. Le poème « Sensation », bien qu’écrit avant ses fugues, préfigure déjà de ses envies.

Les verbes au futur soulignent cette projection : « j’irai », « j’en sentirai », «  je laisserai », « je parlerai », « je penserai ».

Le verbe aller est même répété au deuxième quatrain, accompagné de l’adverbe « loin », lui-même répété et renforcé par l’adverbe « bien loin ». Le poète montre ainsi sa détermination à fuir, à s’évader.

Le thème de la bohème que l’on retrouve dans de nombreux autres poèmes (par exemple, « Ma bohème » ) se mêle à cette envie de fugue par la comparaison « comme un bohémien ». Rimbaud a envie de partir sans but, à l’aventure, sans se soucier du lendemain.

Rimbaud se qualifie lui-même de « rêveur », adjectif mis en valeur par sa position en tête de vers.

Il ne semble pas avoir fait de projets pour son voyage, il n’a même rien préparé, ni rien emporté : « la fraîcheur à mes pieds » (pas de souliers ?), « ma tête nue ». Il veut pleinement profiter et se laisser aller.

B – Le besoin de liberté et de solitude

Pour Rimbaud, la liberté est étroitement liée au bonheur. Le poète a besoin de vagabonder, de se laisser porter dans un espace sans limites.

Ce voyage se fait en solitaire. C’est la nature qui accompagne le poète et semble le protéger. La nature prend ainsi l’apparence d’une femme presque maternelle comme la souligne le vers final (« Comme avec une femme »). Sa présence seule suffit au poète.

On notera aussi le titre, écrit au singulier : « sensation » alors qu’on attendrait plutôt un pluriel. Ce singulier souligne le besoin de solitude du poète. Il a besoin de partir seul pour communier avec la nature.

Le titre au singulier – « Sensation » – joue aussi sur la polysémie du terme. En effet, le mot sensation évoque l’éveil des sens (au pluriel : des sensations), mais aussi l’effet merveilleux et soudain provoqué par la nature (au singulier: la nature fait « sensation » sur le poète).

Transition : Arthur Rimbaud annonce son besoin de liberté et d’évasion : il est rêveur et fugueur et a besoin de communier avec la nature pour se retrouver. Cette évocation lyrique de la nature apporte une dimension sensuelle au poème car Nature et femme sont intimement liées pour le poète.

III – La nature : une allégorie de la femme

A – Le lyrisme

Le lyrisme est présent dans ce poème et lui donne des accents romantiques.

Le lyrisme transparaît tout d’abord dans les nombreuses évocations sensorielles (« picoté », « fouler », « sentirai », « fraîcheur ») qui font appel au côté tactile. Ainsi, Rimbaud concrétise sa relation avec la nature et la rend palpable.

Ensuite, les termes choisis : « amour », « âme », « heureux » montrent une certaine simplicité dans l’évocation des sentiments. Rimbaud privilégie l’expression de la subjectivité : il ressent la nature plus qu’il ne la décrit.

B – Une progression vers la plénitude

Rimbaud allégorise la Nature qui devient « femme ». Il semble entretenir avec elle un sentiment amoureux.

Cet amour est décrit comme « infini » et incontrôlable : « me montera dans l’âme ».

La comparaison entre la nature et la femme à la fin de poème montre un rapport amoureux harmonieux, équilibré. Cet équilibre et cette réciprocité sont soutenus par la disposition des rimes qui sont croisées et par leur genre : alternance de rimes masculines et féminines :

♦ « Sentiers / pieds – rien / bohémien » > rimes masculines
♦ « Menue / nue – âme / femme » > rimes féminines

Les deux derniers mots à la rime, associés chacun avec une comparaison, font croiser le « bohémien » – Rimbaud – avec une « femme » : c’est donc une rencontre qui est narrée.

A cela s’ajoute l’ambiance musicale du premier quatrain avec les assonances en –é qui créent une atmosphère douce et apaisante, propice au bonheur amoureux. C’est l’image sensuelle que Rimbaud, du haut de ses 15 ans, doit se faire de la rencontre avec une femme.

Par ailleurs, Rimbaud refuse toute réflexion comme le montre la double négation « Je ne parlerai pas, je ne penserai rien ».

Les sensations physiques avec la nature suffisent et mènent à une progression ascendante : « l’amour infini me montera dans l’âme », « loin, bien loin », jusqu’à l’objectif final, le dernier mot du poème : « une femme ». La femme est donc le but ultime, le paroxysme de cette fugue.

« Sensation » d’Arthur Rimbaud, conclusion :

Le poème « Sensation » exprime très simplement à la fois les sentiments d’un adolescent en quête de liberté et de bonheur, et l’éveil à la sensualité.

Arthur Rimbaud recherche en effet dans la nature les sensations capables d’évoquer la rencontre amoureuse et la présence féminine. Cette dimension onirique ne quittera pas Rimbaud et on retrouvera dans nombre de ses poèmes, comme « Au cabaret vert » ou « Ma bohème » la même soif de liberté.

Tu étudies Sensation de Rimbaud ? Regarde aussi :

La façon la plus rapide de gagner des points au commentaire (vidéo)
Dissertation sur Cahiers de Douai
A la musique, Rimbaud
Première soirée, Rimbaud
Les effarés, Rimbaud
Le bateau ivre, Rimbaud
Le dormeur du val, Rimbaud
Rêvé pour l’hiver, Rimbaud
L’éclatante victoire de Sarrebrück, Rimbaud
Rages de Césars, Rimbaud
Bal des pendus, Rimbaud
Morts de quatre-vingt-douze, Rimbaud
Le buffet, Rimbaud
Aube, Rimbaud
Le mal, Rimbaud
Voyelles, Rimbaud
Ophélie, Rimbaud
La Maline, Rimbaud
Le châtiment de Tartufe, Rimbaud
Biographie de Rimbaud
Les fonctions de la poésie (vidéo)
Les rimes en poésie (vidéo)
L’évadé, Boris Vian

Qui suis-je ?

Amélie Vioux

Professeure et autrice chez hachette, je suis spécialisée dans la préparation du bac de français (2nde et 1re).

Sur mon site, tu trouveras des analyses, cours et conseils simples, directs, et facilement applicables pour augmenter tes notes en 2-3 semaines.

Je crée des formations en ligne sur commentairecompose.fr depuis 14 ans.

Tu peux également retrouver mes conseils dans mon livre Réussis ton bac de français 2025 aux éditions Hachette.

J'ai également publié une version de ce livre pour les séries Techno ici.

13 commentaires

  • Bonjour Madame !

    Pourquoi n’est il pas possible de réaliser des copier-coller sur votre page ?

    En vous remerciant,
    Respectueusement,

    Alexis ZAMFIR.

  • Bonjour,

    Je ne comprend pas lorsque vous dites que le poème « Sensation « a été publié 25 ans plus tard dans le recueil Les Poésies. « Sensation » est un poème du recueil des « Cahier de Douai » !?

    Merci de bien vouloir me répondre s’il vous-plaît car cela m’embrouille et je passe mon oral de français lundi.

    Cordialement.

  • Bonjour Amelie,
    Vous avez parmi les problematiques:Qu’est-ce qui fait l’originalite du poeme?
    Pourriez vous me dire qu’est-ce qu’un poeme original? Est-ce qu’il s’agit de modernite ou de sortir du traditionnel ou bien ni l’un ni l’autre ?
    Merci d’avance!

  • Bonjour Amélie.

    Tout d’abord, merci beaucoup pour cette lecture analytique très complète, comme toutes les autres d’ailleurs et qui me permette d’étayer mon cours.

    Cependant, j’avais une question. Est-ce que dois garder ce même plan pour répondre à la question « Que représente la nature dans ce poème ? ». Car je ne vois pas le lien entre le premier axe et la nature, mise à part la simplicité du cadre.

    Merci beaucoup

  • Super ANALYSE !!!

    Cela fait longtemps maintenant que je vous suis pour mes lectures analytiques (biographie, contexte socio-historique, courant littéraire et analyse, analyse global du poème ou du livre, et avis personnel)… Mais je n’avais jamais pris le temps de vous remercier pour votre merveilleux et splendide travail ! Si vous saviez heureusement que vous êtes là, vraiment, sinon je ne pourrais pas faire une trentaine de pages à mes lectures analytiques (oui mon prof est fou, mais on peut rien y faire) !! Merci, vraiment pour tous, à vous qui passez votre temps à me sauvez la vie…

    • Merci pour ton message 🙂 Une trentaine de pages par lecture analytique…c’est énorme ! Je comprends que tu aies besoin de lectures analytiques plus synthétiques. Bon courage pour ces révisions !

Laisse un commentaire !