Le savetier et le financier, La Fontaine : analyse

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le savetier et le financier analyseVoici un commentaire de la fable « Le Savetier et le Financier » de Jean de La Fontaine.

« Le Savetier et le Financier », introduction :

La Fontaine publie ses Fables au 17e siècle.

Prenant la forme de petits contes, elles sont un moyen pour le fabuliste de critiquer les mœurs de son temps tout en amusant son lecteur et en contournant la censure.

Dans « Le savetier et le financier », La Fontaine confronte deux personnages humains antithétiques, c’est-à-dire diamétralement opposés : l’un, le savetier, désintéressé et insouciant, chante du soir au matin; l’autre, le financier, est uniquement préoccupé par l’argent et le confort matériel.

Questions possibles à l’oral de français sur « Le savetier et le financier » :

♦ Qu’est-ce qui fait l’efficacité de la fable « Le savetier et le financier »?
♦ En quoi peut-on dire que cette fable est un apologue?
♦ Que La Fontaine critique-t-il dans « Le savetier et le financier »?
♦ Quels procédés déploie La Fontaine pour plaire et instruire son lecteur ?
♦ Comment La Fontaine brosse-t-il le portrait de chaque personnage ?
♦ Quels procédés déploie La Fontaine pour délivrer une morale implicite à son lecteur ?

Annonce du plan :

Dans cette lecture analytique, nous verrons que la fable « Le savetier et le Financier » est un récit ludique (I) qui permet au fabuliste de délivrer implicitement une morale sur le bonheur (II).

I – Un récit ludique

A – La structure du récit

La Fontaine construit sa fable « Le Savetier et le Financier » comme un récit à part entière.

La fable met en scène deux personnages opposés, caractérisés par leur métier : un Savetier et un Financier.

Elle adopte la structure typique du récit :

♦ La situation initiale consiste en une longue présentation qui oppose nettement les deux personnages, laissant présager un conflit à venir (v. 1-13) : d’un côté, le Savetier chante avec plaisir et virtuosité tout le jour, de l’autre, le Financier est empêché de dormir et se plaint.

♦ Arrive l’élément perturbateur (v. 14-36) : la rencontre entre les deux personnages, et plus largement, l’argent que le financier donne au savetier.

♦ Suivent les péripéties entre les vers 37 et 46 : il s’agit des conséquences du don pour le Savetier dont le mode de vie change complètement. Il ne chante plus, ne dort plus et devient inquiet et paranoïaque pour son argent.

♦ Enfin survient la résolution (v. 46-49) : le Savetier décide de rendre précipitamment les écus au Financier pour retrouver son mode de vie insouciant.

B – Des vers et des rimes variés

La variété des rythmes et des rimes donne une impression de vivacité au récit, ce qui le rend agréable pour le lecteur.

En effet, La Fontaine alterne entre l’octosyllabe et l’alexandrin : la fable est donc hétérométrique.

Ces irrégularités permettent à La Fontaine de mettre l’accent sur certains vers :

♦ Par leur brièveté, les vers courts mettent en relief certains éléments de la fable, notamment l’opposition entre les personnages.

Par exemple, à la description des effets du chant du Savetier répond la réaction du Financier :
« C’était merveilles de le voir » (v. 2) ; « plus content qu’aucun des sept sages » (v. 4) / « chantait peu, dormait moins encor » (v. 6) ; « Et le Financier se plaignait » (v. 10).

♦ En jouant avec les rythmes, La Fontaine défend plus efficacement son propos.

A ce titre, les six premiers vers, alternant de manière régulière entre octosyllabes et alexandrins, instaurent une régularité que vient briser le vers 7 : « C’était un homme de finance ».

Le fabuliste laisse ainsi entrevoir que cette caractéristique du personnage, un « homme de finance », va bouleverser l’équilibre des premiers vers.

La brutalité de cette interruption rend par ailleurs manifeste le regard négatif qu’il porte sur le personnage du Financier.

Les rimes participent également de cette impression de vivacité.

Les rimes suivies contribuent notamment à la régularité des vers 1 à 6, que le mot « finance » vient briser au vers 7 : « soir » / « voir » ; « passage » / « sages » ; « d’or » / « encor » ; « finance » / « sommeillait ».

On observe également des rimes croisées (« dormir » / « boire » / « venir » / « Grégoire » (v. 12-15), et des rimes embrassées, qui insistent sur le bouleversement des habitudes du Savetier, puisqu’elles apparaissent pour la première fois au vers 34 : « terre » / « ans » / « gens » / « enserre » v. 34-37.

De par ces irrégularités, la fable apparaît à la fois vive et plaisante pour le lecteur.

(Pour bien comprendre les développements ci-dessus, regardez ma vidéo sur les rimes en poésie)

C – Un récit vivant

La Fontaine met en place d’autres procédés visant à rendre sa fable vivante et agréable.

Les rejets et enjambements donnent de l’élan à l’ensemble du récit.

Ils permettent de mettre en relief la relation entre les deux personnages :

♦ Les rejets et enjambements soulignent tout d’abord l’enthousiasme et la bonhomie du Savetier qui, lorsqu’il parle, fait de longues phrases: « ce n’est point ma manière / De compter de la sorte ; et je n’entasse guère / Un jour sur l’autre : il suffit qu’à la fin / J’attrape le bout de l’année » (v. 18-21).

♦ Par contraste, la quasi absence de rejets ou d’enjambements dans le discours du Financier insiste sur le fait qu’il parle sans détour, de manière abrupte et efficace.

Le rejet du mot « chanteur » au vers 15 souligne l’opinion négative qu’il se fait du Savetier :
« En son hôtel il fait venir /
Le chanteur, et lui dit :Or çà, Sire Grégoire
 ».

Enfin, à partir du vers 34, les rejets et enjambements insistent sur le grand bouleversement que l’argent provoque dans la vie du Savetier qui apparaît comme submergé:
« Le Savetier crut voir tout l’argent que la terre /
Avait, depuis plus de cent ans
 » (v. 34-35) ; (Rejet)
« Il retourne chez lui, dans sa cave il enserre /
L’argent et sa joie à la fois
 » (v. 37-38). (Enjambement)

L’alternance entre le discours du narrateur et le discours direct des deux personnages confère également une dimension ludique et vivante à la fable.

Enfin, les temps du récit variés accentuent le dynamisme de la fable qui apparaît à ce titre plaisante pour le lecteur : imparfait « chantaient » (v. 1), présent « fait » (v. 14), passé simple « crut » (v. 34).

II – Une morale implicite

A – Le portrait du Savetier

En donnant des signes de son regard bienveillant sur le savetier, La Fontaine le fait paraître sympathique aux yeux du lecteur.

S’il est désigné par son métier dans le titre même de la fable, « le Savetier », il est dans le reste du texte caractérisé par l’activité à laquelle il consacre tout son temps pour le plaisir, le chant : « Un Savetier chantait du matin jusqu’au soir » (v. 1).

La Fontaine insiste sur le fait que le plaisir de la musique surpasse celui de la philosophie : « Plus content qu’aucun des sept sages » (v. 4).

Il suggère ainsi qu’il s’agit pour le Savetier d’une philosophie de vie simple qui se rapproche de l’épicurisme : vivre une vie de joie et de plaisir au jour le jour, non pas une vie sage et prévoyante régie par le travail (« Je n’entasse guère / Un jour sur l’autre : il suffit qu’à la fin / J’attrape le bout de l’année : / Chaque jour amène son pain » v. 20-22).

Le savetier est ainsi présenté comme un personnage positif :

♦ Il est jovial, et offre de la joie autour de lui : « merveilles de le voir» (v. 2) ; « Merveilles de l’ouïr » (v. 3) ; « content » (v. 4).

♦ Il apparaît comme un bon vivant, ce dont témoignent son « ton de rieur» (v. 17) et le terme employé par La Fontaine pour le caractériser, « le gaillard Savetier » (v. 18).

♦ Il est naïf, mais ce trait de caractère est dépeint avec humour, ce qui le rend sympathique:

Il s’adresse par exemple en riant au Financier qu’il essaie de traiter avec égard, répétant sa question comme incrédule : « Par an ? Ma foi, Monsieur / Dit avec un ton de rieur, / Le gaillard Savetier» (v. 16-18)

Ses longues phrases maladroites soulignent qu’il prend le Financier pour un confident bienveillant et qu’il ne pense pas à s’en méfier.

♦ Il est impressionné par la somme d’argent qu’il a entre les mains, La Fontaine insistant sur son innocence en usant d’une hyperbole: « Le Savetier crut voir tout l’argent que la terre / Avait, depuis plus de cent ans, / Produit pour l’usage des gens » (v. 34-36)

Le fabuliste dresse ainsi un portrait humoristique attendri, et même laudatif du Savetier.

En témoignent également les hyperboles qui le caractérisent : « merveilles de le voir » (v. 2) ; « merveilles de l’ouïr » (v. 3) ; « plus content qu’aucun des sept sages » (v. 4).

B – Le portrait du Financier

A la différence du Savetier, le personnage du Financier n’est pas sympathique pour le lecteur.

L’opposition entre les deux personnages est d’ailleurs soulignée dès l’introduction du Financier par le connecteur « au contraire » (v. 6) : « Son voisin au contraire, étant tout cousu d’or » .

A la différence du Savetier, le Financier est entièrement caractérisé par son métier, qui a trait à l’argent :

♦ Il jouit d’une certaine richesse qui traduit son matérialisme: « tout cousu d’or » (v. 5).

♦ La rupture rythmique du vers 7 (deux octosyllabes au lieu d’une alternance alexandrin / octosyllabes) souligne que c’est son rapport à l’argent, lié à son métier, qui va perturber la situation initiale : « C’était un homme de finance».

♦ Il regrette de ne pouvoir acheter le sommeil comme on achète à manger et à boire, car il considère que l’argent est la solution à tout problème, raison pour laquelle il tente d’acheter le Savetier.

♦ La Fontaine insiste avec ironie sur son rapport obsessionnel à l’argent en montrant qu’il n’y a de place pour rien d’autre dans sa vie : « Son voisin, au contraire, étant tout cousu d’or, / Chantait peu, dormait moins encor » (v. 5-6).

Le participe présent « étant tout cousu d’or» suggère une relation de cause à effet entre sa richesse et le fait qu’il ne chante ni ne dort.

♦ Par ailleurs, la gradation descendante, avec la double négation, insiste sur la dimension négative du personnage : « Chantait peu, dormait moins encor».

Sa parole, frontale et efficace, montre qu’il pense que tout est affaire d’argent : « Or çà, Sire Grégoire / Que gagnez-vous par an ? » (v. 15-16) ; « Eh bien ! Que gagnez-vous, dites-moi, par journée ? » (v. 23).

Il apparaît à ce titre manipulateur et méprisant à l’égard du Savetier auquel il tend un piège : « Le Financier, riant de sa naïveté, / Lui dit : « Je vous veux mettre aujourd’hui sur le trône. / Prenez ces cent écus : gardez-les avec soin, / Pour vous en servir au besoin. » (v. 30-33)

C – Le point de vue de La Fontaine

La morale implicite de la fable repose sur la relation entre les personnages.

C’est en juxtaposant un portrait élogieux du Savetier, et un portrait négatif du Financier, que La Fontaine fait subtilement entendre son point de vue sur le récit.

Il s’agit ainsi d’un apologue : le récit est utilisé pour faire passer une morale.

En effet, le lecteur est du côté du personnage qui lui est sympathique : il suit donc le parcours du Savetier.

Son évolution est ainsi un moyen de rendre le message du fabuliste clair pour le lecteur : jovial, simple, et insouciant, le savetier devient inquiet, insomniaque, obsessionnel et paranoïaque après avoir accepté l’argent du Financier. Surtout, il cesse de chanter.

La Fontaine insiste sur le bouleversement causé par l’argent :

♦ La ponctuation, comme les deux points du v.39 souligne la conséquence fatale de la transaction avec le Financier : « Plus de chant : il perdit la voix» (v. 39).

♦ Les énumérations associées à la brièveté des octosyllabes mettent en avant la transformation du personnage :
« Le sommeil quitta son logis /
Il eût pour hôtes les soucis, /
les soupçons, les alarmes vaines
» (v. 41-43).

♦ Le vers 44 faisant écho au vers 1 souligne le quotidien bouleversé du Savetier :
« Un Savetier chantait du matin jusqu’au soir» (v. 1) //
« Tout le jour il avait l’œil au guet ; et la nuit
 » (v. 44).

♦ Enfin, le qualificatif « le pauvre homme» insiste sur le fait que le personnage, en gagnant de l’argent, a perdu ce qui faisait sa richesse.

La Fontaine affirme ainsi que l’amour de l’argent est absolument opposé à la joie de vivre :
« Il retourne chez lui ; dans sa cave il enserre
L’argent et sa joie à la fois
 » (v. 37-38).

Il conclut que la musique et le sommeil, le plaisir de vivre, donc, valent mieux que l’argent :
« Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme, /
Et reprenez vos cent écus
 » (v. 48-49).

Renonçant à l’argent pour retrouver le bonheur, le naïf Savetier apparaît comme étant le plus intelligent : plus intelligent que le Financier, mais également que nous les hommes.

La Fontaine s’inclut en effet lui-même, ainsi que le lecteur, dans le récit, en usant du possessif « nos » au vers 40 : « Du moment qu’il gagna ce qui cause nos peines ».

Il critique ainsi la tendance des hommes à ne pas voir que l’argent fait le malheur.

Le Savetier et le Financier, conclusion :

La fable « Le Savetier et le Financier » est bien un apologue, puisque sous ses allures de récit plaisant pour le lecteur, elle délivre une morale qui l’invite à réfléchir.

Mettant en scène des figures non pas animales mais humaines, La Fontaine fait une critique très fine du rapport que l’homme entretient avec l’argent, le confondant avec un bonheur qui lui est en fait parfaitement opposé.

Découvre ma vidéo sur les livres 7 à 11 des Fables :

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Qui suis-je ?

Amélie Vioux

Je suis professeur particulier spécialisée dans la préparation du bac de français (2nde et 1re).

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10 commentaires

  • Bonjour madame, pour un contrôle de français je dois répondre à la questions :  » Comment La Fontaine évoque t-il la notion de bonheur ? et je bloque un peu. Se serai possible de m’aider un peu s’il vous plait, merci beaucoup pour votre travaille, sa m’aide beaucoup ^^

  • bonjour, je tiens tout d’abord à vous remercier de votre travail. Mais je ne comprend pas car vous dite que le vers 7 est composé de 7 syllabes, or cela fait: C’é tait un hom me de fi nance

  • je vous remercie infiniment Amélie pour vos efforts déployés dans le contexte d’apprentissage.permettez moi de me présenter:je suis marocain enseignant de français.l’oral et la communication font un handicap flagrant chez nos apprenants.je vous supplie de m’envoyer des video ou documens qui peuvent nous faciliter la tache.

  • Bonjour,
    Tout d’abord, merci mille fois pour tout ce que tu fais ! Tes conseils, tes méthodes et tes explication sont juste superbes.
    Alors voilà, je suis en seconde, le commentaire composé est encore tout nouveau pour moi, du coup j’essaie d’approfondir au maximum ce thème-là. Cependant, lors de la rédaction, j’hésite énormément dans le sens où, je me dis : Est-ce qu’il faut que j’écrive le titre de mon axe ou pas ? Est-ce qu’il que je mentionne l’enjeu/problématique dans mon commentaire ? Ce style de questions. Du coup, et je perds un temps fou, et je ne termine pas la rédaction de mon axe de lecture.
    Si tu pouvais m’éclaircir les idées par rapport à ça, ce serait juste super !
    Merci encore.

    • Bonsoir Mohamed,

      Sur mon site, j’utilise des titres apparents pour mes axes et sous-parties afin de rendre mes commentaires plus digestes et vous aider à les mémoriser.

      Néanmoins, dans tes devoirs, les titres ne doivent pas être apparents mais rédigés, c’est à dire que tu dois annoncer tes axes de lecture et tes sous-parties sous la forme d’une phrase rédigée. Quant à la problématique de ton commentaire, elle doit être évoquée dans ton introduction.

Répondre à Laure X