Les obsèques de la Lionne, Fables, La Fontaine : analyse

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les obseques de la lionne analyseVoici une analyse de la fable « Les obsèques de la Lionne » de Jean de La Fontaine.

La fable « Les obsèques de la lionne » appartient au second recueil des Fables de La Fontaine, publié en 1678.

Dans cet apologue audacieux, La Fontaine mêle récit de fiction mettant en scène des animaux et commentaires critiques, suivant la double visée d’instruire et plaire.

Lire « Les obsèques de la lionne » (le texte)

Problématiques possibles pour une lecture analytique :

♦ Comment La Fontaine développe-t-il dans « Les obsèques de la lionne » sa double visée d’instruire et plaire ?
♦  En quoi cette fable constitue-t-elle un apologue ?
♦ Quels sont les procédés d’argumentation et de critique utilisés par La Fontaine ?
♦ Commentez la construction de la fable et l’objectif visé

Dans cette lecture analytique, nous verrons comment cette fable riche et complexe, qui suit les codes classiques tout en montrant une certaine originalité (I) permet à La Fontaine de développer une féroce satire de la cour (II).

I- Une fable riche et complexe, entre classicisme et originalité…

A- Rythme et structure

« Les obsèques de la lionne », long poème de La Fontaine, possède toutes les caractéristiques classiques d’une fable tout en montrant une certaine originalité de traitement et de construction.

Les 55 vers se répartissent en plusieurs sous-ensembles variés, contrairement à d’autres fables plus « monolithiques », se contentant d’un court récit et d’une morale.

Le récit et la morale se retrouvent ici mais selon un rythme et une organisation plus complexes: une première partie correspond à un récit de mise en situation (les obsèques, v.1 à 15), tandis qu’une seconde partie voit l’intervention directe de l’auteur (v.16 à 23) et crée une pause dans le récit.

Celui-ci reprend au vers 23 autour de l‘opposition du Cerf et du Lion (v.23 à 38) puis devient un « récit dans le récit » avec l’histoire racontée par le Cerf (v.39 à 51). La fable se clôt enfin, de manière classique, sur une courte morale (v.52 à 55).

Cette structure variée maintient un rythme soutenu qui entraîne le lecteur dans un récit plaisant tout en l’incluant dans les commentaires et considérations du fabuliste.

De la même manière, l’alternance entre octosyllabes et alexandrins et la diversité des rimes (plates, alternées, embrassées…) donnent à la fable toute sa fluidité.

Cette impression est aussi renforcée par la dimension théâtrale de la fable.

B – Une dimension théâtrale

Les fables de La Fontaine représentent un genre littéraire complexe, puisqu’elles évoquent d’abord la poésie (du fait de la versification et des contraintes poétiques) tout en s’inspirant bien souvent d’apologues antiques en prose et en empruntant au genre théâtral.

La fable « Les obsèques de la Lionne » est une bonne illustration de cette complexité.

La construction de la fable peut ainsi évoquer une pièce en trois actes, où l’intervention directe de l’auteur ferait office d’ « entracte ».

Après la mise en situation initiale, décrite au passé simple, le récit se resserre autour des personnages du Lion et du Cerf : le fait de leur donner la parole au présent à travers le discours direct (vers 33 à 50) leur donne de l’épaisseur et les met directement en scène sous les yeux du lecteur.

Les rebondissements (dénonciation et attaque du Cerf ; réplique de celui-ci) et le dénouement inattendu (« Le Cerf eut un présent », v.51) font aussi de la fable un récit de fiction vivant et mouvementé.

C. La mise en scène d’animaux-humains

Comme souvent dans ses Fables, La Fontaine met ici en scène des animaux anthropomorphes (au comportement humain).

Ce mélange est d’emblée annoncé dans le titre, « Les obsèques de la Lionne », liant un animal et une cérémonie humaine par excellence, celle de l’hommage aux morts.

L’un des personnages principaux est le Lion, dont le statut symbolique de roi des animaux est rappelé tout au long de la fable à travers plusieurs appellations (« Prince », v.3 ; « Roi », v.30 ; « Monarque », v.33) et l’abondance de possessifs soulignant sa puissance (« sa Province », v.6 ; « ses Prévôts », v.8).

Le Cerf, quant à lui, n’est défini que par l’expression « Chétif hôte des bois » (v. 33), qui souligne sa faiblesse face à son interlocuteur.

Notons enfin la présence de « Loups » (v.36), qui, en accord avec la culture populaire, représentent ici la violence.

Ces personnages-animaux sont cependant très proches des humains.

Par rapport à d’autres fables où les animaux parlent mais agissent de manière plus bestiale (vivant dans la nature, se battant…), les références au monde animal sont ici très réduites. Ainsi les termes « antre » (v.13) et « rugir » (v.16) sont les seuls à l’évoquer directement.

La description détaillée du cérémonial du vers 7 à 10 rappelle ostensiblement le monde humain (« obsèques », « Prévôts », « cérémonie », « compagnie »), tout comme le fait que Lion n’ait pas de griffes mais de « sacrés ongles » (v. 36).

Tout en suivant les codes classiques qu’il applique à la rédaction de ses Fables (versification, schéma récit/morale, mise en scène d’animaux), on peut souligner que La Fontaine choisit ici de livrer un récit long et mouvementé, où les animaux semblent plus que jamais humains et où il intervient lui-même directement.

Ces caractéristiques sont ici au service d’une violente satire de la Cour.

II- … au service d’une féroce satire de la Cour

A- Intervention de l’auteur et implication du lecteur

Comme on l’a vu, le récit est ici interrompu par une intervention directe de La Fontaine.

Le changement d’énonciation au vers 17 voit l’irruption de la première personne et s’accompagne d’un passage au présent de vérité générale.

Ces éléments permettent de sortir du récit pour décrire le caractère hypocrite et stérile de la vie à la cour.

On note que le fabuliste utilise à la fois des verbes didactique (« je définis », v.17) et d’appréciation (« on dirait », v.22) pour construire son argumentation.

La présence de l’auteur peut également être perçue à travers des éléments plus subtils : ainsi, son soutien au personnage du Cerf transparaît dans la question rhétorique du vers 25 : « comment eût-il pu faire ? », qui explique le comportement du Cerf et le disculpe.

Ces interventions de l’auteur vont de pair avec l’implication du lecteur, qui se trouve interpellé dès le vers 11 (« jugez ») puis dans la morale finale.

Il est aussi inclus par le pronom indéfini « on » (v.15 et 22) et l’adjectif possessif « notre » (v.24). Ces éléments lui permettent de se sentir directement impliqué dans le récit, mais aussi dans la partie argumentative et didactique de la fable, impression renforcée par l’alternance entre fiction et commentaire.

Ces procédés sont ainsi utilisés par La Fontaine pour mettre habilement en œuvre sa double visée de fabuliste : plaire et instruire.

C’est aussi dans cette double perspective que s’inscrit l’emploi, tout au long de la fable, d’une ironie féroce.

B- L’ironie et la parodie comme instruments de dénonciation

Dès les premiers vers des « obsèques de la Lionne », La Fontaine tourne en dérision le comportement des courtisans lors des obsèques.

En utilisant le verbe « s’acquitter » (v.3), il adjoint à un comportement moral (les condoléances) une valeur marchande qui évoque l’obligation.

L’expression « rugir en leurs patois » au vers 16 crée à nouveau un décalage comique, entre la violence et la noblesse du verbe « rugir » et la trivialité des « patois », c’est-à-dire des dialectes des courtisans.

L’ironie culmine sans doute aux vers 26-27, où une phrase qui évoque le conte de féela Reine avait jadis ») s’achève dans une grande violence (« étranglé sa femme et son fils » ), mise en valeur par l’enjambement qui rejette le verbe au début du vers suivant.

Le fabuliste recourt également à la parodie pour dénoncer les travers de la Cour.

Les vers 13-14 peuvent ainsi évoquer le registre tragique, avec le thème de la douleur extrême et la tournure vieillie qui place le verbe en fin de proposition : « Le Prince aux cris s’abandonna/Et tout son antre en résonna ».

Le même procédé d’insistance parodique se retrouve dans tout le récit du Cerf, qui mêle des références religieuses dans un ensemble à la fois lyrique et mystique.

Après la parodie d’une apparition biblique aux vers 42-43, mise en valeur par le passage à l’octosyllabe (« Tout près d’ici m’est apparue ; et je l’ai d’abord reconnue »), La Fontaine utilise tout un champ lexical religieux : « Dieux », « Champs Elysiens » « saints » (v.45-47), qui culmine dans la double exclamation finale « Miracle, apothéose ! » (v.50).

C- Une satire implacable qui mène à plusieurs morales

L’apologue que constitue cette fable se clôt tout naturellement sur une courte morale, mais la partie la plus critique est sans nul doute celle constituée par la parenthèse d’intervention du fabuliste.

Après une énumération en forme de chiasme au vers 18 (« Tristes, gais, prêts à tout /; à tout indifférents »), qui juxtapose des termes contraires pour montrer l’absence de volonté propre des courtisans, La Fontaine résume l’hypocrisie de la cour en opposant dans une rime (v.19-20) l’« être » et le « paraître ».

On peut également relever l’utilisation de plusieurs comparaisons animales (« peuple caméléon », « peuple singe ») : cette fois-ci, ce ne sont pas les animaux qui agissent en humains mais les courtisans qui deviennent de simples bêtes.

Cette métaphore filée, qui va crescendo, se poursuit avec l’évocation de l’absence de conscience propre (« un esprit anime mille corps ») puis la qualification de « simples ressorts », qui achève avec violence la déshumanisation des courtisans, devenus simples machines.

Notons que la morale finale contient aussi une référence animale évoquant la crédulité bornée des Rois : « Ils goberont l’appât » (v.55).

La critique de la fable paraît en cela assez vive puisque La Fontaine s’en prend plus rarement, dans ses Fables aux souverains qu’aux courtisans, et le fait en général de manière voilée.

Ici, le Roi est évoqué ouvertement à la fois dans sa violence (les trois impératifs des vers 37-38 : « venez », « vengez », « immolez ») et dans sa faiblesse.

Les obsèques de la lionne : conclusion

Dans cette fable riche et audacieuse, La Fontaine utilise ses talents de conteur et sa force d’argumentation pour délivrer plusieurs enseignements et morales. Tout en divertissant le lecteur, il s’inspire de la cour de Louis XIV pour dénoncer l’hypocrisie des courtisans et révéler les travers et faiblesses du pouvoir.

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Amélie Vioux

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