Le pouvoir des fables, La Fontaine : analyse

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le pouvoir des fables la fontaineVoici une analyse de la fable «Le pouvoir des fables » de Jean de La Fontaine.

Le commentaire qui suit (Pensez à aller voir mon résumé et mon analyse des Fables de La Fontaine) porte sur la deuxième moitié de la fable, à partir de « Dans Athène autrefois peuple vain et léger ».

Le pouvoir des fables, introduction :

Avec ses fables, La Fontaine avait pour objectif déclaré d’instruire et plaire son lectorat.

Fin observateur de ses contemporains, il se sert de ses textes pour illustrer les travers humains et dénoncer certains comportements.

« Le Pouvoir des fables » , la quatrième fable du livre 8, paru en 1678, se démarque car elle ne met pas en scène des animaux anthropomorphes, comme c’est le cas dans la plupart des autres fables de La Fontaine.

« Le pouvoir des fables » s’adresse à M. de Barillon, ambassadeur de la France en Angleterre, et vante l’efficacité de la fable sur les longs discours des orateurs.

Questions possibles à l’oral de français sur « Le pouvoir des fables » :

♦ Comment La Fontaine met-il en valeur le genre de la fable ?
♦ Quel est « le pouvoir des fables » ?
♦ Que cherche ici à enseigner La Fontaine ?
♦ Qu’est-ce qui rend la fable plus efficace que le discours selon La Fontaine ?
♦ En quoi la structure de la fable appuie-t-elle l’argumentation de La Fontaine ?

Annonce du plan

Nous verrons tout d’abord ce qui fait de cette fable un récit plaisant (I), puis nous aborderons la leçon politique contenue dans cet apologue (II). Pour terminer, nous remarquerons que La Fontaine fait ainsi l’apologie de la fable, outil plus efficace que les discours (III).

I – Un récit plaisant

A – Une narration captivante

« Le pouvoir des fables » capte immédiatement l’attention du lecteur car il s’agit d’un récit.

La Fontaine utilise pour toute la première partie une alternance entre passé simple (« courut », « parla », « recourut »,…) et imparfait (« écoutait », « daignait », « regardaient »,…), temps caractéristiques du récit.

Ce récit met en jeu deux personnages qui s’affrontent : « l’orateur » d’une part, le public, peuple d’Athènes, de l’autre.

On assiste donc à un bras de fer, l’orateur essayant vainement de se faire entendre, avec un véritable enjeu : la patrie est « en danger » et l’orateur est là pour mettre en garde ses concitoyens.

B – Un récit rythmé

La Fontaine emploie de nombreux procédés pour rythmer son récit.

Ainsi, l’alternance des alexandrins et des octosyllabes donne à son récit un ton enlevé, renforcé par le tempo saccadé de certains vers, par exemple : « Il fit parler les morts, tonna, dit ce qu’il put. ». La gradation trahit l’empressement de l’orateur et l’urgence de la situation.

L’utilisation du discours direct est un autre moyen de rendre le récit vivant. Introduit par le verbe « cria », l’échange entre la foule et l’orateur, qui comporte de nombreuses marques interrogatives et exclamatives, marque la victoire finale du « harangueur » qui est parvenu à attirer l’attention de l’assemblée : « A ce reproche l’assemblée, / Par l’apologue réveillée, / Se donne entière à l’Orateur ».

Les questions rhétoriques (« Que fit le harangueur ? Il prit un autre tour. », « Ce qu’elle fit ? un prompt courroux / L’anima d’abord contre vous. ») permettent également de pimenter le récit et de susciter l’intérêt du lecteur.

C – Une fable dans la fable

La structure narrative de le fable participe également à son dynamisme .

Dans la première moitié du « Pouvoir des fables », qui n’est pas étudiée ici, La Fontaine s’adresse directement à l’ambassadeur, M. de Barillon, puis introduit un récit avec « Dans Athène autrefois peuple vain et léger ». Le passage que nous étudions ici est donc déjà une fable dans la fable.

Mais l’orateur de ce récit enchâssé introduit lui-même une troisième fable, celle de Cérès (« Il prit un autre tour. / Cérès, commença-t-il, faisait voyage un jour… »).

Nous avons donc affaire à une double mise en abyme : La Fontaine fait le récit d’un orateur qui fait le récit d’une fable.

Il est intéressant de constater que nous n’avons pas la fin de cette troisième fable, qui n’a en réalité aucune importance : elle est uniquement destinée à captiver l’attention de l’auditoire.

Transition : Cette structure de mise en abyme et l’aspect ludique de la fable permettent à La Fontaine de mettre en exergue la finalité politique de cet apologue, véritable leçon à l’ambassadeur.

II – Une leçon politique

A – Les références à l’histoire antique

« Le pouvoir des fables » s’inscrit dans un contexte clairement antique : « Dans Athène autrefois », « les Grecs », « ce que Philippe fait » ( il s’agit d’une référence à Philippe de Macédoine, alors ennemi d’Athènes et menaçant la cité (« du péril qui le menace »)).

De même, la mention de « Cérès », déesse des moissons, renvoie à la mythologie grecque.

Ces références à l’Antiquité fonctionnent comme des arguments d’autorité : en plantant son récit dans un contexte réaliste, le fabuliste donne plus de poids à son argumentation.

B – L’actualité politique

Cette mise en scène antique ne cache pas cependant l’objectif réel de cette fable, adressée à l’ambassadeur de la France en Angleterre : il s’agit d’éviter un conflit bien réel.

Le champ lexical de la politique est d’ailleurs bien présent : « orateur », « tribune », « tyrannique », « république », « harangueur ».

La mise en garde de l’orateur au peuple d’Athènes est pour La Fontaine le moyen de mettre en garde l’ambassadeur contre une menace de guerre entre les deux nations, la France et la Grande-Bretagne.

Ce sujet sérieux, avec les personnages humains de l’orateur et du peuple, valorise le genre de l’apologue, qui acquiert ainsi un poids politique.

Il est à noter cependant que même lorsque La Fontaine met en scène des animaux, il aborde des thèmes politiques importants, comme la justice ou la propriété.

C – Un orateur fabuliste

La Fontaine semble ainsi encourager l’ambassadeur à réagir, en illustrant par sa fable le comportement à adopter.

Il lui montre comment prendre la parole et captiver son auditoire (« l’assemblée / Par l’apologue réveillée »). C’est ce qu’il fait lui-même, en tant que fabuliste.

Par ailleurs, l’orateur n’est pas nommé. Il est tout d’abord désigné par l’article indéfini « un » (« Un orateur voyant sa patrie en danger »).

Il pourrait donc s’agir de n’importe qui, ce qui permet de rendre sa prise de parole plus universelle : cet orateur pourrait être l’ambassadeur, ou bien La Fontaine lui-même, comme le souligne le pronom personnel sujet de la première personne du pluriel « nous » (« Nous sommes tous d’Athène en ce point »).

Tout comme l’orateur athénien fait passer son message par le biais de la fable sur Cérès, La Fontaine fait passer son message politique par la fable sur l’orateur…

Transition : Mais cet apologue ne se résume pas à une seule leçon politique. La Fontaine fait de ce texte un art poétique, vantant l’efficacité de la fable comme outil de persuasion.

III – Le pouvoir de la fable : persuasion contre conviction

A – L’échec de l’orateur

Le champ lexical du discours est très présent dans cette fable : « orateur », « parla », « écoutait », « fit parler », « tonna », « dit », « paroles », « cria », « voix ».

Ces nombreux éléments soulignent l’importance de la parole dans la narration.

Le premier discours de l’orateur n’a cependant pas l’effet escompté, malgré sa violence et sa force de conviction, soulignée par de nombreux termes et expressions : « courut à la tribune », « art tyrannique », « forcer les cœurs », « parla fortement », « figures violentes », « exciter », « tonna » (beaucoup de ces expressions ont par ailleurs une connotation négative).

Le désintérêt de la foule est frappant, et est encore renforcé par les tournures impersonnelles (« on ne l’écoutait pas », « personne ne s’en émut », « tous regardaient ailleurs »).

B – L’efficacité de la fable

Si le discours sérieux et alarmant de l’orateur n’a aucun effet, c’est parce que le peuple d’Athènes est « vain et léger », et même « frivole ». Il ne s’intéresse qu’à « des combats d’enfants ».

L’orateur doit donc adapter son discours à son auditoire, et c’est ainsi qu’il commence un conte.

Le changement de stratégie est immédiatement efficace : l’assemblée, accaparée, réagit immédiatement comme le souligne le passage au passé simple (« L’assemblée à l’instant / Cria tout d’une voix »).

Puis le passage au présent et en octosyllabes (« A ce reproche l’assemblée, / Par l’apologue réveillée, / Se donne entière à l’Orateur ») illustre le changement d’attitude de la foule, désormais attentive.

La stratégie argumentative de l’orateur ne cherche pas à convaincre, mais plutôt à persuader. L’orateur parvient à capturer l’attention de l’auditoire par des moyens détournés, en faisant appel à la sensibilité enfantine de son public.

 C – Une observation subtile du caractère humain

« Nous sommes tous d’Athène en ce point » : par la morale, La Fontaine confesse l’émerveillement enfantin des hommes face à un conte.

Par la première personne, il reconnaît que tout le genre humain (y compris l’ambassadeur, auquel est destinée cette fable) a besoin de divertissement, même lui (« moi-même », « je » x 3)

Le mot « enfant » revient trois fois dans la fable (« combats d’enfants », « contes d’enfants », « comme un enfant »).

Alors que ce terme semble apparaître d’abord comme un reproche (le peuple d’Athènes est ainsi jugé naïf et puéril, inconscient des dangers qui le menace), La Fontaine renverse le reproche dans la morale et fait un clin d’œil à son lecteur en opposant le monde « vieux » et l’homme resté « enfant » : nous sommes tous des enfants qui veulent qu’on leur raconte une histoire (« Le monde est vieux, dit-on : je le crois, cependant / Il le faut amuser encor comme un enfant. »)

Le pouvoir des fables, conclusion :

C’est un art poétique en faveur de la fable que propose ici La Fontaine : une fable plaisante est plus efficace que mille discours sérieux.

La mise en abyme lui permet d’illustrer son propos et de faire l’éloge de l’apologue : la fable a plus d’impact que le discours car elle fait appel à un besoin primaire de l’homme, touchant son cœur et non sa tête.

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Amélie Vioux

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14 commentaires

  • Bonjour Amélie,
    Tu pourrais faire une lecture linéaire de cette fable, pour que je vois bien la différence avec une lecture analytique.
    Merci d’avance

    • Dans la conclusion, on peut remarquer le petit clin d’œil à Molière avec l’évocation de « Peau d’Âne » dont parle Louison dans Le Malade imaginaire.

  • Bonjour,
    Dans le I partie B vous dites qu’il y a une gradation qui montre l’urgence de la situation mais je n’arrive pas à la trouver … Pouvez-vous me dire où se trouve cette gradation s’il vous plaît ?
    Je vous remercie d’avance.

  • Je trouve que l’analyse des effets de style est très brève, de même que le vocabulaire. C’est une explication de texte. Mais je m’attendais à mieux.

  • heureusement qu’il y eu des DARWIN et des GALILÉE pour nous éveiller sinon nous en serions encore à croire que Dieu a fabriqué la femme avec une côte d’homme et que le soleil s’arrête pour faire gagner des batailles à ses préférés et que la terre est le centre du monde et que Cérès marche sur les eaux ou s’envole pour traverser les rivières

  • Je suis en révision sur mon bac blanc à l’oral et j’étudie le pouvoir des fables. Vous avez analysé la deuxième partie de l’oeuvre, serait il possible que vous mettiez l’analyse de la première s’il vous plait.
    Je vous remercie par avance.

    • Bonjour Hugo,
      Je ne compte pas faire le commentaire de la première partie de cette fable. Je n’ai analysé que la seconde moitié du texte car il s’agit d’un extrait fréquemment proposé aux élèves de 1ère (alors que la première moitié du texte est rarement étudiée).

  • Merci beaucoup ! Tous tes conseils et analyses sont incroyables, elles m’ont beaucoup aidés. Je passe l’oral de français dans quelques jours, et je penserais fort à toi et à tes cours qui, j’en suis sûre, vont beaucoup m’aider. Encore merci, continue comme ça ! 🙂

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