Les deux amis, La Fontaine : explication linéaire

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les deux amis la fontaine analyseVoici un commentaire linéaire de la fable « Les deux amis »  issue du livre VIII des Fables de La Fontaine.

Les Deux Amis, La Fontaine, introduction

La Fontaine est célèbre pour ses fables, récits brefs et plaisants qui s’inscrivent dans le classicisme du XVIIe siècle et qui ont pour but de plaire et instruire.

(Voir mon résumé et mon analyse des Fables de La Fontaine – fiche de lecture essentielle pour le bac de français)

Grand auteur classique, La Fontaine est également influencé par la pensée humaniste et notamment par les écrits sur l’amitié de Montaigne, dont on retrouve l’esprit dans la fable « Les deux Amis« .

Problématique :

Comment cette fable fait-elle l’éloge de l’amitié ?

Les deux amis

Deux vrais Amis vivaient au Monomotapa ;
L’un ne possédait rien qui n’appartînt à l’autre.
Les amis de ce pays-là
Une nuit que chacun s’occupait au sommeil,
Et mettait à profit l’absence du soleil,
Un de nos deux Amis sort du lit en alarme ;
Il court chez son intime, éveille les Valets :
Morphée avait touché le seuil de ce palais.
L’Ami couché s’étonne, il prend sa bourse, il s’arme ;
Vient trouver l’autre, et dit : Il vous arrive peu
De courir quand on dort ; vous me paraissez homme
A mieux user du temps destiné pour le somme :
N’auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu ?
En voici. S’il vous est venu quelque querelle,
J’ai mon épée, allons. Vous ennuyez-vous point
De coucher toujours seul ? Une esclave assez belle
Était à mes côtés ; voulez-vous qu’on l’appelle ?
Non, dit l’Ami, ce n’est ni l’un ni l’autre point :
Je vous rends grâce de ce zèle.
Vous m’êtes en dormant un peu triste apparu ;
J’ai craint qu’il ne fût vrai, je suis vite accouru.
Ce maudit songe en est la cause.
Qui d’eux aimait le mieux ? Que t’en semble, lecteur ?
Cette difficulté vaut bien qu’on la propose.
Qu’un Ami véritable est une douce chose !
Il cherche vos besoins au fond de votre cœur ;
Il vous épargne la pudeur
De les lui découvrir vous-même.
Un songe, un rien, tout lui fait peur
Quand il s’agit de ce qu’il aime.

Annonce du plan linéaire :

Après avoir présenté les personnages et le thème de sa fable (I), La Fontaine fait un récit illustrant l’amitié parfaite (II, III, IV), avant d’interroger la possibilité même de cette amitié idéale (V).

I – Le fabuliste introduit le thème de l’amitié idéale

(Vers 1 à 4)

Cette fable s’ouvre de manière classique en présentant les personnages : « Deux vrais amis vivaient au Monomotapa. » (v.1).

Ce toponyme, « Monomotapa » renvoie à un royaume fabuleux d’Afrique austral synonyme d’Eldorado. Il place d’emblée la fable dans le domaine du merveilleux.

L’imparfait de narration (« vivaient« , « possédait« ) renvoie également ce récit dans un passé tout aussi fabuleux.

Ce cadre spatio-temporel idéal justifie la perfection morale des personnages.

La parfaite harmonie de l’amitié des deux personnages est exprimée par l’allitération en « v » : « vrais amis vivaient ».

Le chiasme (structure ABBA) au vers 2  « L’un ne possédait rien qui n’appartînt à l’autre » rend compte de la perfection de cette amitié : elle repose sur une réciprocité exemplaire de leur relation.

Aux deux vers suivants, le fabuliste établit une comparaison entre « Les amis de ce pays-là » et « ceux du nôtre », pour montrer qu’ils sont tous aussi vertueux (« valent bien »). Mais la tournure indéfinie « dit-on » met en doute cette équivalence.

Le récit de la fable va justement illustrer ce qu’est une amitié parfaite.

II – Un homme s’éveille et accourt auprès de son ami

(Vers 5 à 10)

Les vers 5 et 6 mettent en place le cadre du récit : celui d’ « une nuit » fraîche où dorment les deux amis. La rime « sommeil/soleil », par son antithèse, insiste sur l’importance du repos nocturne.

Cependant, au vers 7, survient l’élément modificateur : « Un de nos deux Amis sort du lit en alarme ». L’absence de ponctuation, le passage au présent de l’indicatif et la brièveté des mots accentuent le sentiment d’urgence.

Le lecteur ignore alors la raison de ce réveil soudain, ce qui crée chez lui un effet d’attente participant au plaisir de la lecture.

Au vers 8, l’ami réveillé « court chez son intime, éveille les Valets ». La présence de Valets souligne que la perfection morale est ici synonyme d’élévation sociale : les personnages sont nobles.

La référence précieuse à Morphée (métaphore du sommeil) enveloppe également ces deux amis dans une noblesse raffinée : « Morphée avait touché le seuil de ce palais »

Au vers 10, « L’ami couché s’étonne, il prend sa bourse, il s’arme » : ce vers témoigne d’une autre caractéristique de la noblesse : le courage. En effet, la combativité de l’ami est exprimée par la gradation ternaire (s’étonne/prend/s’arme).

Notons également la qualité des rimes embrassées de ce quatrain, toutes riches (alarme/Valets/palais/s’arme) qui renforce l’impression de noblesse qui entoure ces deux personnages.

III – La réciprocité de l’amitié

A – L’ami réveillé fait preuve d’amitié

(Vers 11 à 18)

L’ami soudainement réveillé prend la parole au vers 11, et s’inquiète de la présence de son ami, ce qui démontre sa courtoisie : « Il vous arrive peu / De courir quand on dort ».

Cette courtoisie transparaît également dans le compliment philosophique sur la bonne manière d’« user du temps » (vers 12-13).

Au vers 14, l’ami fait une hypothèse adoucie par une tournure négative : « N‘auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu ? » .

A cette question, pleine de prévenance, succède le don d’argent (« En voici. »). La parole est suivie de l’acte qui lui correspond, cohérence propre à une parfaite amitié.

On note également le vouvoiement respectueux, alors même que les deux personnages sont amis intimes.

L’ami est prêt à se battre pour sauver son ami, hâte exprimée par l’impératif « allons ».

Il s’inquiète de la solitude de son ami, et lui propose de jouir des charmes d’une de ses esclaves (v.16-18).

Les trois enjambements (v. 14-15, v. 15-16, v.16-17) restituent la rapidité avec laquelle l’ami cherche à satisfaire celui qui accourut auprès de lui.

B – L’ami avait accouru après un mauvais songe

(Vers 19 à 23)

L’ami qui accourut rejette cependant toutes ces propositions. Ce refus accroît l’effet d’attente du lecteur, qui n’a toujours pas les clés pour comprendre la situation.

L’ami accouru exprime toutefois sa reconnaissance, comme en témoigne les expressions à connotation religieuse « rendre grâce » et « zèle ». L’amitié est comme une religion que les amis pratiquent avec ferveur.

L’explication apparaît enfin aux vers 21-23 : « un maudit songe […] est la cause » de cette situation.

En effet, l’ami « accouru » vit en songe son ami « un peu triste apparu ». La locution adverbiale « un peu » est une litote : celui qui a fait le cauchemar use d’une tournure d’atténuation pour ne pas inquiéter son ami.

IV – Une réflexion sur l’amitié adressée au lecteur

(Vers 24 à 31)

Le fabuliste prend alors le relais de ses personnages, et apostrophe directement le lecteur : « Qui d’eux aimait le mieux ? Que t’en semble, lecteur ? » (v.24)

Le lecteur est invité à réfléchir à partir de cet apologue, dont la vocation est de plaire et d’instruire.

La question est apparentée à une « difficulté » que le fabuliste « propose » (vers 25), témoignant ainsi que cette fable se veut le support de débats, dans les salons littéraires notamment.

A partir du vers 26, la fable s’achève sur un éloge de l’amitié.

L’anaphore en « Il » aux vers 27 et 28 met en relief la valeur inestimable de « l’ami véritable« , être rare et cher.

Le présent de vérité générale exprime la fidélité de cet ami parfait : « Il cherche vos besoins« , « Il vous épargne la douleur« .

La rime finale « vous-même/aime » symbolise l’union parfaite de deux amis.

Les deux amis, La Fontaine, conclusion

La fable « Les deux amis » s’inscrit dans un univers idéal pour mieux faire l’éloge d’une amitié parfaite.

A travers cette fable, La Fontaine dresse un miroir où la société de son temps peut interroger ses valeurs et ses vertus, et se demander : une telle amitié existe-t-elle parmi nous ?

Bien qu’il ne cite pas Montaigne, La Fontaine s’est certainement inspiré du chapitre « De l’Amitié » des Essais dans lequel Montaigne fait l’éloge de l’amitié qui l’unissait à La Boétie.

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