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Voici un commentaire de la fable « Les deux pigeons » de Jean de La Fontaine.
« Les deux pigeons », La Fontaine, introduction :
Publiées au 17e siècle, les Fables de La Fontaine mettent en scène des animaux anthropomorphes, qui permettent à l’auteur de critiquer les mœurs de son temps tout en amusant son lecteur.
« Les deux pigeons » met en scène un couple de pigeons confrontés au désir de l’un de partir en voyage pour vivre de grandes aventures.
Questions possibles à l’oral de français sur « Les deux pigeons » :
♦ Qu’est-ce qui fait l’efficacité de cette fable ?
♦ En quoi la fable « Les deux pigeons » est-elle originale ?
♦ Quels sont les différents registres de ce texte ? Qu’apportent-ils à la fable ?
♦ Quels sont les procédés comiques présents dans « Les deux pigeons » ?
♦ Quelle est la morale de la fable « les deux pigeons » ? En quoi est-elle singulière ?
♦ Quels procédés La Fontaine déploie-t-il pour plaire et instruire son lecteur ?
Annonce du plan :
Dans ce commentaire, nous verrons que cette fable plaisante (I) fait le récit d’un voyage héroï-comique (II) qui permet à La Fontaine de proposer à son lecteur une morale singulière sur l’amour (III).
I – Un récit plaisant
A – La structure du récit
La fable « Les deux pigeons » de La Fontaine est un apologue qui s’articule autour d’un récit et d’une morale.
La partie récit de cette fable est particulièrement réussie. En effet, on remarque d’emblée que le texte adopte la structure typique du récit.
♦ Le vers 1 établit la situation initiale: l’amour qui lie les deux pigeons. Le fait que celle-ci tienne en un vers suggère une stabilité, un équilibre. « Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre
» (v. 1).
♦ Dès le second vers surgit l’élément perturbateur qui vient bouleverser cet équilibre : le désir d’aventures de l’un des pigeons. Le caractère désorganisateur de ce désir est souligné par le qualificatif « fou
» (v. 3) et l’exotisme de la formule « un voyage en lointain pays
» (v. 4).
♦ Viennent ensuite les péripéties (v. 5-62) :
– Le dialogue entre les deux pigeons, l’un contre l’idée d’un tel voyage, l’autre en sa faveur. (v. 5-29)
– Le voyage du pigeon voyageur et le récit de ses multiples mésaventures.
♦ Arrive ensuite la résolution(v. 63-64) : le retour et la réunion heureuse des deux amants.
♦ A cela s’ajoute l’intervention du fabuliste, qui expose sa morale en relatant son expérience personnelle en matière d’amour sur une vingtaine de vers (v. 65-83).
B – Des vers et des rimes variés
La variété des rythmes et des rimes donne une impression de vivacité au récit, ce qui le rend agréable pour le lecteur.
En effet, La Fontaine alterne entre l’octosyllabe et l’alexandrin : la fable est donc hétérométrique.
Ces irrégularités permettent à La Fontaine de mettre l’accent sur certains vers pour en accentuer la brutalité :
♦ L’alexandrin isolé parmi les octosyllabes « Non pas pour vous cruel. Au moins, que les travaux
» (v. 8) rend par exemple manifeste l’anxiété et la détresse de l’amant.
♦ Les vers courts placés entre des alexandrins insistent sur la misère du pigeon tout au long de son voyage : « Les menteurs et traîtres appas
» (v. 40) ; « Semblait un forçat échappé
» (v. 47) ; « Finiraient par cette aventure
» (v. 53).
Cette alternance permet aussi d’opposer la stabilité du foyer, associée aux octosyllabes, au désir de voyage, associé aux alexandrins.
Ces irrégularités donnent ainsi une impression de vivacité plaisante car elles créent un rythme vif et soutenu.
Les rimes – elles aussi irrégulières – participent également de cette vivacité.
On observe ainsi des rimes suivies (« faire » / « frère
» v. 5-6), des rimes embrassées (« funeste » / « pleut » / « veut » / « reste » v. 14-17) et des rimes croisées (« adieu » / « nuage » / « lieu » / « orage
» v. 31-34).
La fable apparaît ainsi vivante et plaisante pour le lecteur.
C – La vivacité du récit
La Fontaine met en place d’autres procédés visant à rendre son récit vivant et agréable.
Par exemple, les nombreux rejets et enjambements donnent un élan à l’ensemble du récit.
Ils insistent notamment sur l’anxiété de l’amant casanier (« Attendez les zéphyrs. Qui vous presse ? Un corbeau / Tout à l’heure annonçait malheur à quelque oiseau
» v. 12-13) et l’opposent à l’enthousiasme du voyageur (« Je le désennuirai : quiconque ne voit guère / n’a guère à dire aussi. Mon voyage dépeint / Vous sera d’un plaisir extrême
» v. 25-27).
Ces rejets et enjambements créent par ailleurs le sentiment d’un enchaînement rapide des événements et soulignent les échecs vécus par le pigeon voyageur : « Dans un champ à l’écart voit du blé répandu, / Voit un pigeon auprès ; cela lui donne envie : / il y vole, il est pris : ce blé couvrait d’un las, / Les menteurs et traîtres appas
» (v. 37-40).
La ponctuation scindant les vers en multiples propositions courtes participe aussi de cette impression de vivacité : « Je dirai : j’étais là ; telle chose m’avint ;
» (v. 28).
Les temps du récit sont également variés, ce qui accentue le dynamisme du récit : imparfait (« s’aimaient
» v. 1), passé simple (« ébranla
» v. 18), présent (« Voulez-vous
» v. 6), futur (« songerai
» v. 14), passe composé (« j’ai quelquefois aimé !
» v. 70).
Enfin, l’alternance entre les différents types de discours confère une dimension vivante et ludique à la fable : le récit du narrateur fait pour un temps place au discours direct des amants pour se transformer à la fin en un discours directement adressé au lecteur.
II – Un voyage héroï-comique
A – Le registre tragique
La confrontation des deux pigeons semble tout d’abord relever du registre tragique.
Les deux pigeons emploient un langage soutenu :
♦ Ils se vouvoient: « Non pas pour vous
» (v. 8) ; « Qui vous presse ?
» (v. 12).
♦ Ils emploient des termes soutenus, ce dont témoigne la formule énoncée par le pigeon voyageur avec un présent de vérité générale solennel : « Quiconque ne voit guère / N’a guère à dire aussi.
» (v. 25-26).
♦ Le thème même de leur discours confère au tragique : l’adieu, la séparation sont évoqués avec une tonalité pathétique. (Au XVIIème siècle, le théâtre classique mêle tragique et pathétique afin de susciter la terreur et la crainte du spectateur)
En témoigne le champ lexical de la souffrance : « maux
» (v. 7) ; « cruel
» (v. 8) ; « funeste
» (v. 14) ; « ébranla le cœur
» (v. 18), « ne pleurez point
» (v. 21) et les phrases exclamatives et interrogatives qui mettent en relief l’émotion des deux pigeons : « Qu’allez-vous faire ?/Voulez-vous quitter votre frère ?
» (v. 5-6) ; « Encor si la saison s’avançait davantage !
» (v. 11).
Enfin, interjections et références mythologiques donnent au discours du pigeon casanier des allures de tragédie classique : « Attendez les zéphyrs
» (v. 12) ; « Hélas
» (v. 15).
B – Le registre épique
Le thème du voyage, et plus encore du retour, renvoient à toute une tradition littéraire, et notamment à l’Odyssée d’Homère, qui raconte les aventure d’Ulysse parti sur les mers, attendu pendant des années, jusqu’à son retour, par sa femme Pénélope.
Ici, le voyage du pigeon apparaît juché d’obstacles qui s’enchaînent rapidement : un orage, un piège, un vautour, un aigle, un enfant.
Le registre utilisé pour décrire ses aventures s’apparente au registre épique, registre utilisé pour relater les aventures d’un héros :
♦ L’alexandrin utilisé pour évoquer le voyage du pigeon semble donner un caractère noble et grandiose au récit de ses aventures.
♦ L’enchaînement rapide des actions, caractéristique du registre épique, est rendu manifeste par les phrases longues, comportant de nombreux verbes de mouvements : « il part» (v. 35) ; « Il y vole, il est pris » (v. 39) ; « s’en allait » (v. 48) ; « Fond » (v. 49) ; « s’envola
» (v. 51).
♦ Enfin, les termes à connotation tragique insistent sur la dimension épique du récit : « traîtres appas» (v. 40) ; « périt » (v. 43) ; « destin » (v. 43) ; « cruelle » (v. 44) ; « nues
» (v. 48).
C – Le registre héroï-comique
Jean de La Fontaine joue en réalité avec les différents registres, mêlant le style noble au style bas, afin de produire un récit de voyage héroï-comique.
En effet, le fabuliste confère à son texte une tonalité humoristique en jouant sur les décalages :
♦ Entre l’animal choisi par le fabuliste – le pigeon – et le style noble employé par ceux-ci lorsqu’ils parlent, qui prête à sourire.
♦ Entre les aspirations épiques du pigeon voyageur et la réalité de son « voyage en pays lointain
» (v. 4) : il ne souhaite en fait partir que pour trois jours (« Trois jours au plus rendront mon âme satisfaite
» v. 22) et son départ n’est pas très affirmé, La Fontaine précisant que « le voyageur s’éloigne
» (v. 31), ce qui tend à ridiculiser l’entreprise du pigeon.
♦ Entre le style haut de l’alexandrin associé au registre épique, et les termes employés pour désigner le pigeon et qualifier son état : « le voyageur» (v. 31) ; « tout morfondu » (v. 35) ; « le Pigeon » (v. 34) ; « l’oiseau » (v. 42) ; « notre malheureux » (v. 45) ; « la volatile malheureuse
» (v. 56).
♦ Entre les codes du registre épique qui impliquent que le héros fasse preuve d’intelligence et de force pour se sortir des situations délicates, et les mésaventures du pigeon :
– son premier opposant est un « nuage» (v. 31).
– Il échappe de peu au second grâce à un plus gros prédateur qui lui permet de fuir discrètement.
– Le troisième est un enfant dont La Fontaine souligne le caractère redoutable avec ironie : « cet âge est sans pitié
» (v. 54).
Le pigeon ne revient pas victorieux mais misérable : il renonce à ses ambitions épiques et avec elles à l’alexandrin, ce que souligne avec humour La Fontaine en utilisant l’octosyllabe pour narrer son retour (v.56-62).
III – Une morale singulière sur l’amour
A – La morale de la fable : la conception du couple selon La Fontaine
L’histoire des deux pigeons permet à La Fontaine de faire passer un message à ses lecteurs.
La fable est donc une démonstration qui vise à persuader son lecteur : c’est un apologue.
Il s’agit pour le fabuliste d’exposer sa conception du couple : c’est en l’autre qu’il faut chercher l’inconnu : « Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ? / Que ce soit aux rives prochaines
» (v. 65).
A ce titre, La Fontaine a recours à l’alexandrin pour évoquer les retrouvailles des pigeons : elles tiennent en deux lignes, et montrent symboliquement que l’épopée est dans l’union avec l’autre.
La critique émise ici par La Fontaine n’est pas acerbe et ironique, comme c’est souvent le cas dans Les Fables : il s’adresse directement à son lecteur avec douceur et bienveillance pour le persuader.
Pour cela, il met en place différents procédés :
♦ La répétition du terme « amants» associé à l’adjectif « heureux », et la question qu’il adresse au lecteur : « Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ?
» (v. 65)
♦ Les exhortations à ses lecteurs dont témoigne l’usage de l’impératif : « Soyez-vous
» (v. 67) ; « Tenez-vous
» (v. 69) ; « comptez
» (v. 69).
♦ Les anaphores (« toujours beau / Toujours divers, toujours nouveau
» v. 67-68) qui ponctuent la longue phrase adressée à son lecteur, qui se déploie du vers 66 au vers 70.
B – Une morale empreinte de lyrisme
La morale de cette fable s’étend sur une vingtaine de vers, où le fabuliste use du registre lyrique pour parler de sa relation à l’amour.
Il confie ses états d’âme à son lecteur et utilise le pronom « je » associé au passé (« J’ai quelque fois aimé
» v. 70 ; « Je servis
» v. 77) .
Il évoque ainsi avec nostalgie le souvenir de ses amours ; le fabuliste se fait poète lyrique.
En témoignent les anaphores (« toujours » v. 67-68 ; « Contre » v. 71-72 ; « changé
» v. 73), les métaphores (« Soyez-vous l’un à l’autre un monde toujours nouveau
» v. 67) et les hyperboles (« Tenez-vous lieu de tout
» v. 69 ; « Contre le firmament et la voûte céleste
» v. 72).
Le champ lexical utilisé rappelle la poésie lyrique traditionnelle, multipliant les références mythologiques : « rives prochaines
» (v. 66) ; « Le Louvre et ses trésors
» (v. 71) ; « le firmament et sa voûte céleste
» (v ; 72) ; « Le fils de Cythère
» (v. 76).
La ponctuation expressive tend même vers le registre élégiaque, traduisant la mélancolie du poète : « J’ai quelquefois aimé !
» (v. 70) ; « Hélas ! Quand reviendront de semblables moments ?
» (v. 78).
La morale de La Fontaine apparaît ainsi singulière parce qu’elle évoque avec élan et sincérité l’émotion qui traverse le fabuliste, pour émouvoir le lecteur.
« Les deux pigeons », La Fontaine, conclusion :
Comme dans les autres fables du recueil, La Fontaine met en scène dans « Les deux Pigeons » des animaux qui lui permettent de porter un regarder transposé sur son époque pour délivrer une leçon à son lecteur. Il s’agit donc d’un apologue.
Cependant, il choisit de parler d’amour d’une manière très personnelle, empreinte de lyrisme.
Cette fable apparaît en cela singulière, parce que l’auteur s’y livre lui-même, créant ainsi une connivence toute nouvelle avec son lecteur.
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Je reviens te remercier car j’ai travaillé sur tes commentaires l’année dernière et grâce à toi j’ai eu 18 à l’oral ! J’ai suivi tous tes supers conseils et je n’aurai pas eu une aussi bonne note sans ton site 🙂 encore merci !